Author: Grégoire Wallenborn Title: Comment ouvrir l’espace de négociation ontologique ? Institution: Centre d’Etudes du Développement durable — IGEAT Université Libre de Bruxelles Country: Belgique Contact: [email protected] Abstract: Sur base d’une comparaison entre les discours du développement durable et ceux de la décroissance, l’exposé se propose de montrer comment la décroissance révèle les limites de l’espace de négociation qu’est le développement durable. « Développement durable » et « décroissance » ne sont pas des termes bien définis. Le terme de « développement durable » a été créé pour ouvrir un espace de négociation en convoquant une série d’acteurs — entreprises, ONG, scientifiques, syndicats, gouvernements, etc. — afin d’entamer une discussion sur la question de la relation entre développement et environnement. Le terme de « décroissance » est avant tout polémique et a été forgé pour susciter des débats sur la même question : il se positionne contre les discours omniprésents qui affirment la nécessité d’une croissance économique. Ainsi développement durable et décroissance ont tous deux des effets performatifs : l’un ouvre un espace de négociation, l’autre met en question la manière dont cet espace de négociation fonctionne. La première partie de l’exposé portera sur une comparaison entre les deux galaxies que sont les discours sur le développement durable et sur la décroissance. Ainsi tous les problèmes ne sont pas reconnus ni hiérarchisés de la même manière par les deux discours. Tous deux mobilisent des arguments éthiques et écologiques, mais sur des modes différents. Ils s’opposent sur le type d’emprise à avoir sur le monde naturel et sur ses modes de gestion. L’universalité du développement, les savoirs et les acteurs à mobiliser, la question du bienêtre, la place de la science économique et de son institutionnalisation, et notamment le pouvoir délégué au marché, sont autant de points de divergence entre les deux discours. La question que je voudrais cependant poser en mettant la décroissance en regard du développement durable est celle des limites de la négociation classique et comment la décroissance est susceptible ou non de pousser la négociation jusqu’à ses ressorts ontologiques, c'est-à-dire d’arriver à penser une négociation qui porterait également sur les êtres qui négocient. Dans le cadre du développement durable, la négociation a pour enjeu principal le renforcement ou l’affaiblissement de certains acteurs : la négociation porte sur le rapport de force, et non sur les forces elles-mêmes. La négociation ontologique devrait porter simultanément sur les niveaux individuel, sociétal et environnemental. La négociation ontologique est en ce sens une manière de s’interroger sur les fins et de sortir de l’économisme. Tant que l’économie domine, les moyens gouvernent les fins. La négociation ontologique pousse ainsi la discussion jusqu’à ce que les fins absorbent les moyens. C’est sans doute à cette condition que nous pourrons commencer à négocier avec des êtres qui sont souvent présentés comme transcendants et fragiles : écosystèmes, cultures humaines, générations futures. Repères bibliographiques D. Bourg, Les scénarios de l’écologie, Hachette, 1996. F. Flipo, « Voyage dans la galaxie décroissance », Mouvements Avril 2007. N. Georgescu-Roegen, La décroissance. Entropie, écologie, économie. 3e édition revue. Sang de la Terre et Ellébore, Paris, 2006. F. Guattari, Les trois écologies, Galilée, Paris, 1989. S. Latouche, Le pari de la décroissance, Fayard, Paris, 2006 B. Latour, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, La découverte, Paris, 1999 I. Stengers, Cosmopolitiques, La découverte/Les empêcheurs de penser en rond, Paris, 1996-97. F.-D. Vivien, Le développement soutenable, La Découverte, Paris, 2005.