
La Lettre du Sénologue ̐ n° 55 - janvier-février-mars 2012 | 13
Points forts Mots-clés
Cancer du sein
Grossesse
Traitement du cancer
du sein
Pronostic
Allaitement
La cytoponction ou la microbiopsie sont donc des
gestes indispensables au moindre doute. Il existe
cependant des faux positifs plus fréquents en cyto-
logie avec une hypercellularité et des atypies plus
souvent observées pendant la grossesse. La sensi-
bilité est d’environ 90 % (2). Là encore, en cas de
doute, il faudra effectuer des microbiopsies.
Caractéristiques tumorales
La grande majorité des cancers du sein associés à la
grossesse sont des cancers classiques, de type cana-
laire infiltrant. Dans 1,5 à 5 % des cas, les cancers sont
inflammatoires. On constate souvent un envahisse-
ment ganglionnaire colligé dans certaines séries,
entre 56 et 89 % contre 38 à 54 % en dehors de la
grossesse. La taille tumorale est aussi plus impor-
tante (3,5 cm en moyenne contre 2 cm en dehors
de la grossesse). On note davantage de tumeurs de
grade 3 (69 à 85 % des cas), d’emboles vasculaires
(50 à 88 % des cas), de récepteurs hormonaux néga-
tifs (50 à 70 % contre 40 % chez les femmes jeunes
en dehors de la grossesse).
Il existe une surexpression de HER2 plus fréquente
(25 à 40 %) ainsi qu’un KI 67 élevé dans 60 % des cas.
Enfin, dans 10 % des cas, on observe des formes
métastatiques d’emblée (3-6).
Bilan du cancer du sein
On peut pratiquer un bilan biologique conven-
tionnel et le dosage des marqueurs tumoraux tout
en sachant qu’il peut y avoir une petite élévation
du CA 15-3 au cours de la grossesse.
La radiographie thoracique est possible avec une
protection plombée abdominale. Il n’y a aucun
problème pour effectuer une échographie abdo-
minale et pelvienne.
Il est envisageable d’effectuer une IRM vertébrale,
éventuellement sans injection, notamment pour les
grosses tumeurs de mauvais pronostic T3-T4 ou N1-N2.
En revanche, il est nécessaire d’effectuer un bilan
de la grossesse pour déterminer l’âge fœtal et la
croissance et pour évaluer de manière aussi précise
que possible la date du terme.
Pronostic
Pour la mère
Il y a des discordances à ce sujet. L'absence de diffé-
rence pronostique à âge égal, à taille tumorale égale
et à extension ganglionnaire égale était classiquement
admise. On a généralement le même pronostic pour
les petites tumeurs, mais il semble souvent moins
bon pour les tumeurs plus évoluées, avec un retard
au diagnostic qui est souvent de l’ordre de 6 mois.
Comme nous l’avons déjà écrit, il y a davantage de
formes métastatiques d’emblée et la survie à 5 ans
est estimée entre 40 et 70 %.
En reprenant une série de 99 patientes traitées
entre 1992 et 2007, dont 36 ont été diagnostiquées
pendant la grossesse et 63 dans l’année suivant
l’accouchement, Murphy et al. (7) confirment
que ces données sur le pronostic sont identiques.
Ces patientes ont été comparées à des témoins
(1 patiente comparée à 2 témoins). Davantage de
tumeurs RE– (59 % versus 31 % ; p < 0,0001) et RP–
(72 % versus 40 % ; p < 0,0001), de stades avancés
(p = 0,0271), de N+ (p = 0,0104), de grade élevé
(p = 0,0115) ont été observées. Avec une médiane
de suivi de 6,3 ans, il n’a cependant pas été mis
en évidence de différence de survie (p = 0,0787).
En analyse multivariée, ce n’est pas le diagnostic
pendant la grossesse, mais les tumeurs RE et N qui
sont significatives.
A contrario, Mathelin et al. (8), comparant
40 patientes (18 diagnostiquées pendant la grossesse
et 22 dans l’année qui suit) à 61 témoins a trouvé,
à caractéristiques égales, une plus mauvaise survie
des patientes diagnostiquées pendant la grossesse
(p = 0,017). Les patientes enceintes se sont vues
moins souvent proposées une hormonothérapie ou
n'ont pas souhaité la prendre (p < 0,0004) en raison
d’un diagnostic d’hormonosensibilité en immuno-
histochimie possiblement erroné.
Azim et al. (9) retrouvent également une survie sans
rechute moins bonne chez les patientes enceintes
lors du diagnostic (p = 0,01) et évoquent la possibilité
d’un rôle spécifique de la GH (Growth Hormone) et de
l’IGF1 (Insulin-like Growth Factor 1), ou d’interactions
particulières avec le stroma ou de l’utilisation d’une
chimiothérapie infra-optimale.
Highlights
It is not exceptional that breast
cancer and pregnancy should
occur at the same time. This
raises a number of therapeutic,
psychological and diagnostic
problems. The clinical and
radiological diagnosis is more
difficult, and microbiopsy is
very important. For the same
stage and age, the prognosis
does not seem to be different
from that of a non pregnant
woman. Surgery is always
possible, chemotherapy can be
considered at the end of the
first term, radiotherapy must be
postponed until after delivery,
tamoxifen is contra-indicated.
There is no reason for contra-
indicating breast-feeding.
Keywords
Breast cancer
Pregnancy
Breast cancer treatment
Prognosis
Breast feeding
»
L’association entre le cancer du sein et la grossesse n’est pas exceptionnelle. Elle pose de nombreux
problèmes diagnostiques, thérapeutiques et psychologiques. Le diagnostic clinique et radiologique est plus
difficile, la microbiopsie est très importante. À stade et à âge égal, le pronostic ne semble pas différent de
celui d’une femme non enceinte. La chirurgie est toujours possible, la chimiothérapie peut s’envisager après le
premier trimestre, la radiothérapie doit être différée après l’accouchement, le tamoxifène est contre-indiqué.
Il n’y a pas de raison de contre-indiquer l’allaitement