Transcription TELLE séquence a
Bonjour à tous,
Tout d’abord une définition de cet espace méditerranéen. Il est constitué
des 22 pays ou territoires riverains de la mer Méditerranée, à savoir le
Sud de l’Europe, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, soit au total
environ 500 millions d’habitants. A la fois mare nostrum, c'est-à-dire mer
de partage et d’échanges, et espace de fractures nombreuses, la région
méditerranéenne n’est pas une, mais multiple.
Longtemps la politique française s’est moins préoccupée d’une vision
stratégique que de définir ou d’entretenir les relations bilatérales dans
cette zone héritées de l’Histoire. Les relations de la France avec ses
voisins du Sud de la Méditerranée ont été, au lendemain des mouvements
arabes, redéfinies dans un rapport désormais d’égal à égal. La situation a
changé, notre regard aussi.
En outre, lorsque, lorsque l’on songe aux 5 millions de Français d’origine
méditerranéenne qui ont la moitié de leur famille de l’autre côté de la
mer, il apparaît clairement, que pour la France, il ne s’agit pas
uniquement d’une question de politique étrangère.
L’espace méditerranéen est donc un espace de fractures, de troubles
majeurs, mais aussi d’opportunités, c’est ce qu’on verra dans la première
partie de cette présentation, dans lequel la France exerce inlassablement
des actions vers la paix, la sécurité et la prospérité partagée, et ce sera
le thème de ma deuxième partie.
Tout d’abord donc la Méditerranée est un espace de fractures, de crises et
d’opportunités.
Je vais simplement rappeler les 3 crises majeures qui traversent cet espace
méditerranéen.
Aujourd’hui celle du Proche-Orient qui depuis 60 ans s’entremêle dans des
espaces de plus en plus complexes. Cette crise est désormais dangereusement
mêlée à la situation en Syrie et en Irak et à celle de la Libye.
Ces crises au sein de la région sont exacerbées par des facteurs
d’instabilité politique, suite à la chute des dictatures, économiques et
j’y reviendrai, alimentées par des inégalités de classes, par les
inégalités hommes-femmes, par une montée catastrophique de l’inflation, par
une montée également catastrophique du chômage, par la baisse des
investissements, et par des éléments de type religieux ou identitaires
qu’il faudra là aussi détailler plus avant.
Sans être à mettre sur le même plan, ces crises au sud de la Méditerranée
se déroulent également sur fond de crise économique grave en Europe, crise
de l’euro, crise des dettes et des déficits publics, réduisant d’autant les
marges de manœuvres des européens et leur capacité à contribuer
positivement aux évolutions en cours.
Si on revient sur la situation économique des pays de la rive Sud de la
Méditerranée, après les Printemps arabes, voici les quelques chiffres
essentiels de la Banque mondiale et du FMI de l’année 2013. Dans la zone,
seule l’Algérie connait une hausse de son PIB qui est passé de 1.6% en 2009
à presque 3% en 2013. En moyenne, la croissance du PIB dans la région MENA
est, elle, passée de 4% en 2011 à moins de 2% en 2013. Or c’est une
évidence, sans reprise économique, il est à prévoir que l’insatisfaction et
les revendications des populations de la zone MENA se poursuivront.
La Méditerranée est une zone de fractures multiples. Le premier
déséquilibre est d’ordre démographique. Seul le Sud connaît aujourd’hui une
réelle croissance démographique. A telle enseigne que les 800 millions
d’Euro-Méditerranéens seront 75 millions de plus d’ici 2030 par le seul
accroissement démographique dans les pays du Sud et de l’Est de la
Méditerranée.
La fracture économique est tout aussi saisissante. 14 kilomètres seulement
séparent l’Espagne et le Maroc, mais le PIB par habitant est huit fois plus
élevé en Espagne qu’au Maroc et d’une façon générale, en moyenne le rapport
est de 1 à 10 entre le nord et le sud de la Méditerranée.
Au niveau géographique, l’accès à l’eau est également une source majeure
d’inégalités et de déséquilibres. Exception faite de l’Espagne et des deux
Etats insulaires méditerranéens, Chypre et Malte, l’Europe à 28 peut être
considérée comme globalement bien dotée en ressources en eau, il n’en va
pas de même pour la plupart des pays méditerranéens où elles sont très
inégalement réparties.
Un autre déséquilibre croissant concerne l’urbanisation. Il y aura 60
millions d'urbains en plus d'ici 2025 dont seulement 5 millions au Nord et
quelques 55 millions au Sud, selon le rapport sur le Développement humain
du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD).
Mais si la Méditerranée est un espace e crises et de fractures, c’est aussi
un espace d’opportunités. Les rives Nord et Sud de la Méditerranée
présentent en effet des complémentarités.
A l’ère de la mondialisation, la taille critique d’un marché est d’environ
800 millions à 1 milliard de personnes. C’est la taille de la Chine, de
l’Inde. Afin de nous constituer un marché d’une telle envergure, la
population méditerranéenne est un atout indispensable pour l’Europe. A
l’horizon 2030, le marché euro-méditerranéen sera composé de quelques
800 millions de personnes. Les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée
disposent d’un potentiel de croissance important et font preuve de
résilience, en dépit du ralentissement récent, imputable au contexte de
transition et à un environnement extérieur défavorable.
Autres facteurs de complémentarité en quelques mots : le besoin de main
d’œuvre au Nord et les ressources en main d’œuvre au Sud, le besoin
énergétique au Nord et les ressources énergétiques présentes au Sud, les
ressources en technologie au Nord et le besoin de technologie au Sud, ou
encore l’excédent agricole au Nord et le besoin alimentaire au Sud.
Tout cela explique et justifie les actions en faveur du démantèlement des
barrières douanières entrepris depuis plusieurs années, pour favoriser
l’émergence d’une zone de libre circulation des produits, et, peut-être un
jour, des personnes.
J’en veux pour preuve trois évolutions cruciales enclenchées par les
mouvements arabes et leur slogan transfrontière en faveur de la dignité, de
la liberté et de l’emploi.
Tout d’abord, les révolutions arabes ont fait de la démocratie, l’horizon
commun de tous les peuples méditerranéens. Au cours des différentes
campagnes électorales qui se sont déroulées depuis 2012 au Sud de la
Méditerranée, tous les partis politiques, quelle que soit leur tendance,
ont accepté de prendre la démocratie comme cadre de référence. Bien sûr, le
contenu de cette forme de gouvernement continue de faire débat. Mais
qu’elles soient progressistes ou conservatrices, laïques ou islamiques, ces
forces ont toutes souhaité doter leur pays d'un nouveau cadre
constitutionnel plus démocratique.
En outre, fruits de l’irruption des sociétés civiles sur les scènes
politiques arabes, les bouleversements de 2011 ont conduit à une
recomposition des rapports de force. Les militants, les activistes, les
ONG, les acteurs privés sont désormais une véritable force de changement
politique et social à prendre en compte au Sud comme au Nord de la
Méditerranée. Enfin, dernière observation, les slogans portés par les
manifestants ont mis en exergue une convergence entre ce que doivent
être nos priorités d’action publique au Nord et au Sud de la Méditerranée
aujourd’hui, à savoir la jeunesse, l’emploi, la formation professionnelle,
les droits des femmes, la sécurité alimentaire, l’économie numérique, les
énergies renouvelables, les infrastructures de transport durables.
Enfin, les pays de l’espace méditerranéen ont en partage un bien
collectif : la mer. La France et ses voisins méditerranéens partagent le
même besoin de sécurité, de démocratie, de liberté de la presse, de
biodiversité, mais surtout ils ont en partage aussi la mer Méditerranée.
Pourtant, ce bien collectif reste peu géré de manière coopérative, en dépit
de tentative à l’instar de la mise en place du Plan d’Action pour la
Méditerranée, d’instruments juridiques, institutionnels et financiers. De
ce fait, la pollution marine d’origine tellurique est de plus en plus
préoccupante, les ressources halieutiques restent surexploitées et la
concurrence pour l’accès aux ressources des fonds marins est extrêmement
vive.
En bref, la mer Méditerranée mérite que ses Etats riverains se dotent
d’outils à la fois puissants et à caractère contraignants pour continuer à
rendre, au bénéfice de tous, ses différents services.
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