
La Lettre du Cancérologue • Vol. XXII - n° 10 - novembre 2013 | 417
Résumé
Si elle n’en est encore qu’à ses balbutiements, la médecine personnalisée pose d’ores et déjà des questions
d’ordre juridique, parmi lesquelles figure celle de l’information délivrée au patient. Cette approche médicale
innovante s’exprimant aujourd’hui principalement dans le cadre de la recherche, cette problématique touche
en premier lieu l’information donnée préalablement à l’intégration dans un protocole, tant du point de vue
de son contenu que de son accessibilité. Elle concerne en second lieu l’ensemble des informations révélées
par l’examen des caractéristiques génétiques, qui, par nature, vont avoir des implications particulières
pour le malade, sa famille et les tiers. Le respect d’un encadrement juridique strict est alors nécessaire,
enraison du caractère sensible de l’information génétique.
Mots-clés
Information
dupatient
Consentement éclairé
Transmission
del’information
àlaparentèle
Protection
légale contre
lesdiscriminations
Summary
Personalized medicine is still in
its infancy; however, this inno-
vative approach in medicine
raises legal issues such as the
delivery of information to the
patient. Personalized medicine
is mostly practiced in research.
This is the reason why the issue
of information both concerns
content and comprehension
before participation in any clin-
ical trial. Furthermore, elements
revealed by the examination
of the genetic characteristics,
because of their nature, may
have singular consequences for
patients, their families and third
parties. Due to the sensitivity
of genetic information, respect
of a sound legal framework is
necessary.
Keywords
Patient information
Informed consent
Disclosure to relatives
Legal protection against
discrimination
L. 1122-1 du Code de la santé publique régissant très
précisément le contenu de l’information en matière
de recherche, et l’article R. 1131-4, celui de l’infor-
mation préalable au consentement à un examen des
caractéristiques génétiques. Elle réside plutôt dans
l’assurance d’une bonne compréhension et d’une
bonne assimilation des informations par le patient.
Or, en raison de la complexité des protocoles, de
l’incertitude des résultats – dont la pertinence pourra
varier en fonction de l’évolution des techniques ou de
découvertes ultérieures – et donc de la masse d’élé-
ments auxquels le patient doit consentir (stockage
et analyse clinique des données, possibilité d’être
recontacté pour des essais cliniques, etc.), la question
qui se pose est celle non seulement du contenu,
mais aussi et surtout de la lisibilité de l’information,
voire de sa temporalité, qualité essentielle d’une
information claire et appropriée qui conditionne la
qualité du consentement.
En outre, et cela est spécifi que à l’examen des carac-
téristiques génétiques et aux tâtonnements qui
distinguent les recherches en matière de médecine
personnalisée, il convient de soulever la possibilité
de découvrir fortuitement d’autres informations que
celles recherchées ; dans cette hypothèse, quelle
doit être l’information délivrée, aussi bien avant
qu’après la découverte ? Rappelons que le droit à
l’information a pour corollaire le droit de ne pas
être informé, garanti au niveau national mais aussi
européen (2). En matière de recherche, le dispositif
législatif prévoit que, à titre exceptionnel, lorsque
dans l’intérêt d’une personne malade le diagnostic de
sa maladie n’a pu lui être révélé, l’investigateur peut,
dans le respect de sa confi ance, réserver certaines
informations liées à ce diagnostic (4), règle qui
n’est autre qu’une application d’un principe plus
général par lequel le médecin peut, dans l’intérêt du
malade et pour des raisons légitimes qu’il apprécie en
conscience, le tenir dans l’ignorance d’un diagnostic
ou d’un pronostic graves (5).
Pour trouver la réponse à cette interrogation, il faut
nous intéresser au récent arrêté du 27 mai 2013
défi nissant les règles de bonnes pratiques appli-
cables à l’examen des caractéristiques génétiques
d’une personne à des fi ns médicales. Après avoir
rappelé que “le droit en vigueur, pour protéger le
patient d’infor mations inutiles, angoissantes ou dont
la révélation n’est pas désirée, n’est pas en faveur
de la transmission d’informations autres que celle
initialement recherchée et pour laquelle le patient
a consenti à la réalisation de l’examen”, il affi rme
qu’“il appartient au médecin de déterminer au cas
par cas et dans le cadre du colloque singulier avec
son patient la conduite à tenir”, conseillant au prati-
cien de contacter un médecin œuvrant au sein
d’une équipe pluridisciplinaire rassemblant des
compétences cliniques et génétiques. Il termine
en déclarant que, “en tout état de cause, la délivrance
d’une telle information ne pourra se faire qu’avec
le consentement exprès du patient” (6). Ce texte
devrait trouver son application dans le cadre des
recherches dans le domaine de la médecine person-
nalisée, compte tenu des probabilités de découvertes
fortuites, car il convient d’associer pleinement le
patient à la gestion de telles informations. Sans la
réunion de ces conditions, à savoir une information
complète et le respect de la volonté du patient, dès
la proposition d’implication dans une recherche, le
consentement donné ne pourra valablement être
considéré comme éclairé.
La transmission
de l’information apportée
par la recherche et la protection
de l’intimité génétique
Par principe, les informations relatives à la santé d’un
patient sont soumises à la plus stricte confi dentialité
et au respect du secret professionnel ; s’agissant
d’informations à caractère génétique, qui peuvent
avoir une valeur prédictive et affecter la parentèle du
patient, se pose néanmoins la question de leur trans-
mission. Une fois que le profi l ou les susceptibilités
génétiques seront accessibles au patient, comment
gérera-t-il ces informations ? Va-t-il lui incomber une
obligation d’en partager la connaissance ? Au regard
des répercussions familiales, mais aussi du potentiel
stigmatisant de l’information génétique, la nécessité
d’une prise en compte de l’intimité génétique par
le droit se justifi e.
La gestion de l’information dans les rapports fami-
liaux a été prévue par le législateur de 2011.