La Lettre du Cardiologue - n° 337 - octobre 2000
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e développement et la diffusion de nouvelles techniques
de cartographie percutanée des arythmies peuvent
contribuer grandement à l’utilisation des techniques
ablatives par cathéter pour traiter des arythmies réputées diffi-
ciles. Ces arythmies qui, pour l’instant, ne sont pas traitées en
routine par ablation, sont la fibrillation auriculaire ou les tachy-
cardies ventriculaires ; leur traitement s’appuie sur les médica-
ments et la cardioversion électrique (délivrée le cas échéant par
un défibrillateur implantable).
Il faut ajouter à ces pathologies fréquentes les formes atypiques
des flutters auriculaires (différentes des flutters horaire ou anti-
horaire qui tournent dans l’oreillette droite le long de l’anneau
tricuspide), qui s’observent notamment chez les opérés cardiaques
et dont l’ablation par les moyens conventionnels est inconstam-
ment efficace.
La mise à disposition récente de nouveaux matériels de carto-
graphie électrique plus performants grâce aux progrès accomplis
en biophysique et en informatique (algorithmes de reconstruc-
tion 3D, réalité virtuelle, systèmes de navigation intracardiaque,
localisation électromagnétique, etc.) laisse espérer enfin soit la
faisabilité, soit de meilleurs résultats des procédures ablatives
percutanées dans ces indications.
MÉTHODOLOGIES EXISTANTES
Nous n’aborderons pas tous les systèmes commercialisés ou en
cours de développement. Signalons cependant pour mémoire les
procédés développés par les firmes EP Technology ou Cardiac
Pathways (1) faisant appel à des cathéters en forme de paniers
ovoïdes qui, après déploiement, permettent des acquisitions
simultanées d’électrogrammes bipolaires ou unipolaires, traités
ensuite par une baie d’électrophysiologie classique ou par des
logiciels spécialisés permettant une cartographie d’activation.
Nous n’aborderons pas non plus le système Localisa™, déve-
loppé aux Pays-Bas (2) et qui, à notre connaissance, n’est pas uti-
lisé dans l’Hexagone, système qui fait appel à une localisation
spatiale du cathéter par un champ électromagnétique. Nous nous
concentrerons en revanche sur la description des systèmes
Ensite™ et Carto™.
Carto™
Le système Carto™, proposé par Biosense, est largement répandu
dans notre pays depuis quelques années. Il s’agit d’un système
de cartographie point par point où les coordonnées spatiales 3D
de chaque point acquis par l’opérateur viennent compléter une
carte, ou plus exactement un volume de la cavité cardiaque consi-
dérée. L’augmentation progressive du nombre des points permet
d’affiner au fur et à mesure l’exactitude de cette représentation.
Simultanément, le signal bipolaire recueilli en bout de sonde fait
l’objet d’une interprétation semi-automatique qui lui assigne un
temps d’activation (basé sur la déflexion intrinsèque) en référence
à un deuxième cathéter endocavitaire, souvent introduit dans le
sinus coronaire pour des raisons de stabilité s’il s’agit d’une carte
auriculaire, ou en référence au QRS de surface s’il s’agit d’une
carte ventriculaire. Ces temps d’activation sont projetés sur la
reconstruction en codage de fausses couleurs, l’ensemble don-
nant une carte isochrone.
D’autres modalités de cartographie sont possibles ; l’une, très uti-
lisée, est la carte de voltage où c’est l’amplitude pic à pic du signal
qui est mesurée et qui sert à dresser une carte des cicatrices ou
zones pathologiques (infarctus, atriotomie...). Un exemple de
carte est représenté sur la figure 1, concernant un patient opéré
d’une communication interauriculaire (CIA). La localisation du
cathéter et le calcul de sa position dans l’espace font appel à trois
émetteurs disposés en triangle sous la table d’examen qui émet-
tent trois signaux à 1, 2 et 3 kHz ; ces trois signaux sont recueillis
à l’extrémité du cathéter endocavitaire et servent à calculer sa
position. Un capteur à la surface du thorax permet de compenser
les variations respiratoires. En outre, la localisation s’effectue
toujours au même moment du cycle cardiaque, comme en angio-
scintigraphie (gating). Il importe que l’opérateur borde sa recons-
truction d’éléments anatomiques indiscutables comme les ori-
fices veineux, les anneaux auriculo-ventriculaires ou la position
du faisceau de His, afin d’éviter toute interprétation erronée.
Enfin, c’est le même cathéter qui permet de délivrer le courant
de radiofréquence sous contrôle de la température.
ÉDITORIAL
Les nouvelles techniques de cartographie en rythmologie
l
D. Lacroix*
* Service de cardiologie A, hôpital cardiologique, Lille.
Cartographie - Ablation par radiofréquence - Recons-
truction 3D.
Mots-clés
L
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Ensite™
Le système Ensite™, proposé par la firme Medtronic, a fait son
apparition en France. Il s’agit d’un réseau multiélectrodes monté
sur un cathéter (MEA) relié à des amplificateurs et à une station
graphique Silicon-Graphics™. Le cathéter MEA consiste en un
ballon de calibre 9-French autour duquel sont enroulées 64 élec-
trodes formées de fils de 0,003 pouce de diamètre ; la dénuda-
tion de ces fils isolés fait apparaître des électrodes. Ce sont ces
64 électrodes qui composent le MEA. Ce ballon flottant dans la
cavité cardiaque enregistre donc 64 électrogrammes à distance
de leur source (absence de contact avec le myocarde) et alimente
le système d’amplification et de traitement du signal. L’activité
électrique enregistrée à la surface du MEA est générée au départ
par la distribution de potentiel présente à la surface de l’endo-
carde. Une technique de résolution de ces potentiels distants a été
élaborée à partir d’une solution inverse de l’équation de Laplace
en utilisant une méthode dite à éléments bordants. La solution
inverse de l’équation prend en compte la façon dont un signal
détecté à distance apparaît en réalité au point qui lui donne nais-
sance. La technique à éléments bordants est une façon de résoudre
la matrice de calcul qui permet de revenir des signaux enregis-
trés par le MEA aux signaux sources en traversant un élément
bordant, en l’occurrence l’interface endocarde-liquide sanguin.
La différence de potentiel captée par chaque électrode du MEA
(par rapport à une électrode de référence indifférente) est influen-
cée jusqu’à un certain point par la distribution de potentiel de la
totalité de l’endocarde, le degré d’influence d’un point endocar-
dique donné pour une électrode donnée étant inversement lié à la
distance séparant l’électrode du point considéré. Par conséquent,
la distribution de potentiel captée par le MEA est influencée par
la géométrie de la cavité, qui doit donc être déterminée avant d’ap-
pliquer la solution inverse de l’équation de Laplace. Ainsi le sys-
tème reconstruit et réalise une interpolation jusqu’à 3 360 élec-
trogrammes virtuels simultanés répartis sur la totalité de la surface
endocardique.
Ce système est par ailleurs capable de localiser dans l’espace
n’importe quel cathéter conventionnel par rapport à la position
du MEA en émettant un signal électromagnétique de haute fré-
quence et basse énergie entre le cathéter à localiser et des élé-
ments métalliques situés de part et d’autre du MEA. Le recueil
de ce signal par les 64 électrodes du MEA en permet la localisa-
tion. Ce signal permet également, en “promenant” le cathéter le
long de la cavité ventriculaire gauche, d’en reconstituer la géo-
métrie (réalité virtuelle). Il permet aussi de positionner avec pré-
cision le cathéter d’ablation qui détruira la cible de la procédure.
APPLICATIONS
Ces systèmes de cartographie offrent déjà l’avantage de réduire
l’irradiation et surtout de concevoir des procédures ablatives “sur
mesure”, c’est-à-dire adaptées au cas du patient et à son anato-
mie. En ce qui concerne Ensite™, l’essentiel des publications
disponibles concerne la validation du concept et la vérification
de la véracité de la reconstruction des électrogrammes (3,4),avec
cependant une publication toute récente concernant l’ablation des
tachycardies ventriculaires (5). Le système Carto™ a déjà donné
lieu à davantage de publications cliniques (6), notamment dans
le domaine du flutter auriculaire, pour préciser les caractéristiques
du bloc intra-atrial (7). n
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Schalij MJ, van Rugge P, Siezenga M, van der Velde ET. Endocardial activa-
tion mapping of ventricular tachycardia in patients. First application of a 32-site
bipolar mapping electrode catheter. Circulation 1998 ; 98 : 2168-79.
2. Wittkampf FHM, Wever EFD, Derksen R et al. Localisa. New technique for
real-time 3-dimensional localization of regular intracardiac electrodes.
Circulation 1999 ; 99 : 1312-7.
3. Schilling RJ, Peters NS, Davies DW. Feasibility of a noncontact catheter for
endocardial mapping of human ventricular tachycardia. Circulation 1999 ; 99 :
2543-52.
4. Gornick CC, Adler SW, Pederson B, Hauck J, Budd J, Schweitzer J. Validation
of a new noncontact catheter system for electroanatomical mapping of left ven-
tricular endocardium. Circulation 1999 ; 99 : 829-35.
5. Strickberger SA, Knight BP, Michaud GF, Pelosi F, Morady F. Mapping and
ablation of ventricular tachycardia guided by virtual electrograms using a non-
contact, computerized mapping system. J Am Coll Cardiol 2000 ; 35 : 414-21.
6. Pappone C, Oreto G, Lamberti F et al. Catheter ablation of paroxysmal atrial
fibrillation using a 3D mapping system. Circulation 1999 ; 100 : 1203-8.
7. Shah D, Haïssaguerre M, Jaïs P, Takahashi A, Hocini M, Clémenty J. High-
density mapping of activation through an incomplete isthmus ablation line.
Circulation 1999 ; 99 : 211-5.
É
DITORIAL
Figure 1.
Patient de 34 ans opéré d’une CIA à l’âge de 9 ans. Cartes isochrones auriculaires
droites de la paroi libre de l’oreillette en oblique antérieure droite.
En A, carte d’un flutter péri-atriotomie (en gris) codé en fausses couleurs tournant
dans le sens horaire rouge-orange-jaune-vert-bleu-violet-pourpre.
En B, une série de tirs délivrés en ligne brisée horizontale de la cicatrice à l’anneau
tricuspide (points rouge foncé) stoppent le flutter. Cette carte faite ultérieurement en
stimulation (point marron également schématisé par l’étoile jaune en dessous)
montre deux fronts, l’un antihoraire rapide, l’autre horaire plus lent entrant en col-
lision de l’autre côté de la cicatrice (grise) au niveau de la zone colorée en pourpre.
En C, après complément d’ablation, un bloc est obtenu dans le sens horaire avec un
seul front faisant un tour presque complet dans le sens antihoraire.
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