É D I T O R I A L Les nouvelles techniques de cartographie en rythmologie lD. Lacroix* Mots-clés Cartographie - Ablation par radiofréquence - Reconstruction 3D. L e développement et la diffusion de nouvelles techniques de cartographie percutanée des arythmies peuvent contribuer grandement à l’utilisation des techniques ablatives par cathéter pour traiter des arythmies réputées difficiles. Ces arythmies qui, pour l’instant, ne sont pas traitées en routine par ablation, sont la fibrillation auriculaire ou les tachycardies ventriculaires ; leur traitement s’appuie sur les médicaments et la cardioversion électrique (délivrée le cas échéant par un défibrillateur implantable). Il faut ajouter à ces pathologies fréquentes les formes atypiques des flutters auriculaires (différentes des flutters horaire ou antihoraire qui tournent dans l’oreillette droite le long de l’anneau tricuspide), qui s’observent notamment chez les opérés cardiaques et dont l’ablation par les moyens conventionnels est inconstamment efficace. La mise à disposition récente de nouveaux matériels de cartographie électrique plus performants grâce aux progrès accomplis en biophysique et en informatique (algorithmes de reconstruction 3D, réalité virtuelle, systèmes de navigation intracardiaque, localisation électromagnétique, etc.) laisse espérer enfin soit la faisabilité, soit de meilleurs résultats des procédures ablatives percutanées dans ces indications. MÉTHODOLOGIES EXISTANTES Nous n’aborderons pas tous les systèmes commercialisés ou en cours de développement. Signalons cependant pour mémoire les procédés développés par les firmes EP Technology ou Cardiac Pathways (1) faisant appel à des cathéters en forme de paniers ovoïdes qui, après déploiement, permettent des acquisitions simultanées d’électrogrammes bipolaires ou unipolaires, traités * Service de cardiologie A, hôpital cardiologique, Lille. La Lettre du Cardiologue - n° 337 - octobre 2000 ensuite par une baie d’électrophysiologie classique ou par des logiciels spécialisés permettant une cartographie d’activation. Nous n’aborderons pas non plus le système Localisa™, développé aux Pays-Bas (2) et qui, à notre connaissance, n’est pas utilisé dans l’Hexagone, système qui fait appel à une localisation spatiale du cathéter par un champ électromagnétique. Nous nous concentrerons en revanche sur la description des systèmes Ensite™ et Carto™. Carto™ Le système Carto™, proposé par Biosense, est largement répandu dans notre pays depuis quelques années. Il s’agit d’un système de cartographie point par point où les coordonnées spatiales 3D de chaque point acquis par l’opérateur viennent compléter une carte, ou plus exactement un volume de la cavité cardiaque considérée. L’augmentation progressive du nombre des points permet d’affiner au fur et à mesure l’exactitude de cette représentation. Simultanément, le signal bipolaire recueilli en bout de sonde fait l’objet d’une interprétation semi-automatique qui lui assigne un temps d’activation (basé sur la déflexion intrinsèque) en référence à un deuxième cathéter endocavitaire, souvent introduit dans le sinus coronaire pour des raisons de stabilité s’il s’agit d’une carte auriculaire, ou en référence au QRS de surface s’il s’agit d’une carte ventriculaire. Ces temps d’activation sont projetés sur la reconstruction en codage de fausses couleurs, l’ensemble donnant une carte isochrone. D’autres modalités de cartographie sont possibles ; l’une, très utilisée, est la carte de voltage où c’est l’amplitude pic à pic du signal qui est mesurée et qui sert à dresser une carte des cicatrices ou zones pathologiques (infarctus, atriotomie...). Un exemple de carte est représenté sur la figure 1, concernant un patient opéré d’une communication interauriculaire (CIA). La localisation du cathéter et le calcul de sa position dans l’espace font appel à trois émetteurs disposés en triangle sous la table d’examen qui émettent trois signaux à 1, 2 et 3 kHz ; ces trois signaux sont recueillis à l’extrémité du cathéter endocavitaire et servent à calculer sa position. Un capteur à la surface du thorax permet de compenser les variations respiratoires. En outre, la localisation s’effectue toujours au même moment du cycle cardiaque, comme en angioscintigraphie (gating). Il importe que l’opérateur borde sa reconstruction d’éléments anatomiques indiscutables comme les orifices veineux, les anneaux auriculo-ventriculaires ou la position du faisceau de His, afin d’éviter toute interprétation erronée. Enfin, c’est le même cathéter qui permet de délivrer le courant de radiofréquence sous contrôle de la température. 3 É D I T O R I A L la distribution de potentiel captée par le MEA est influencée par la géométrie de la cavité, qui doit donc être déterminée avant d’appliquer la solution inverse de l’équation de Laplace. Ainsi le système reconstruit et réalise une interpolation jusqu’à 3 360 électrogrammes virtuels simultanés répartis sur la totalité de la surface endocardique. Ce système est par ailleurs capable de localiser dans l’espace n’importe quel cathéter conventionnel par rapport à la position du MEA en émettant un signal électromagnétique de haute fréquence et basse énergie entre le cathéter à localiser et des éléments métalliques situés de part et d’autre du MEA. Le recueil de ce signal par les 64 électrodes du MEA en permet la localisation. Ce signal permet également, en “promenant” le cathéter le long de la cavité ventriculaire gauche, d’en reconstituer la géométrie (réalité virtuelle). Il permet aussi de positionner avec précision le cathéter d’ablation qui détruira la cible de la procédure. Figure 1. Patient de 34 ans opéré d’une CIA à l’âge de 9 ans. Cartes isochrones auriculaires droites de la paroi libre de l’oreillette en oblique antérieure droite. En A, carte d’un flutter péri-atriotomie (en gris) codé en fausses couleurs tournant dans le sens horaire rouge-orange-jaune-vert-bleu-violet-pourpre. En B, une série de tirs délivrés en ligne brisée horizontale de la cicatrice à l’anneau tricuspide (points rouge foncé) stoppent le flutter. Cette carte faite ultérieurement en stimulation (point marron également schématisé par l’étoile jaune en dessous) montre deux fronts, l’un antihoraire rapide, l’autre horaire plus lent entrant en collision de l’autre côté de la cicatrice (grise) au niveau de la zone colorée en pourpre. En C, après complément d’ablation, un bloc est obtenu dans le sens horaire avec un seul front faisant un tour presque complet dans le sens antihoraire. Ensite™ Le système Ensite™, proposé par la firme Medtronic, a fait son apparition en France. Il s’agit d’un réseau multiélectrodes monté sur un cathéter (MEA) relié à des amplificateurs et à une station graphique Silicon-Graphics™. Le cathéter MEA consiste en un ballon de calibre 9-French autour duquel sont enroulées 64 électrodes formées de fils de 0,003 pouce de diamètre ; la dénudation de ces fils isolés fait apparaître des électrodes. Ce sont ces 64 électrodes qui composent le MEA. Ce ballon flottant dans la cavité cardiaque enregistre donc 64 électrogrammes à distance de leur source (absence de contact avec le myocarde) et alimente le système d’amplification et de traitement du signal. L’activité électrique enregistrée à la surface du MEA est générée au départ par la distribution de potentiel présente à la surface de l’endocarde. Une technique de résolution de ces potentiels distants a été élaborée à partir d’une solution inverse de l’équation de Laplace en utilisant une méthode dite à éléments bordants. La solution inverse de l’équation prend en compte la façon dont un signal détecté à distance apparaît en réalité au point qui lui donne naissance. La technique à éléments bordants est une façon de résoudre la matrice de calcul qui permet de revenir des signaux enregistrés par le MEA aux signaux sources en traversant un élément bordant, en l’occurrence l’interface endocarde-liquide sanguin. La différence de potentiel captée par chaque électrode du MEA (par rapport à une électrode de référence indifférente) est influencée jusqu’à un certain point par la distribution de potentiel de la totalité de l’endocarde, le degré d’influence d’un point endocardique donné pour une électrode donnée étant inversement lié à la distance séparant l’électrode du point considéré. Par conséquent, 4 APPLICATIONS Ces systèmes de cartographie offrent déjà l’avantage de réduire l’irradiation et surtout de concevoir des procédures ablatives “sur mesure”, c’est-à-dire adaptées au cas du patient et à son anatomie. En ce qui concerne Ensite™, l’essentiel des publications disponibles concerne la validation du concept et la vérification de la véracité de la reconstruction des électrogrammes (3, 4), avec cependant une publication toute récente concernant l’ablation des tachycardies ventriculaires (5). Le système Carto™ a déjà donné lieu à davantage de publications cliniques (6), notamment dans le domaine du flutter auriculaire, pour préciser les caractéristiques du bloc intra-atrial (7). n R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Schalij MJ, van Rugge P, Siezenga M, van der Velde ET. Endocardial activation mapping of ventricular tachycardia in patients. First application of a 32-site bipolar mapping electrode catheter. Circulation 1998 ; 98 : 2168-79. 2. Wittkampf FHM, Wever EFD, Derksen R et al. Localisa. New technique for real-time 3-dimensional localization of regular intracardiac electrodes. Circulation 1999 ; 99 : 1312-7. 3. Schilling RJ, Peters NS, Davies DW. Feasibility of a noncontact catheter for endocardial mapping of human ventricular tachycardia. Circulation 1999 ; 99 : 2543-52. 4. Gornick CC, Adler SW, Pederson B, Hauck J, Budd J, Schweitzer J. Validation of a new noncontact catheter system for electroanatomical mapping of left ventricular endocardium. Circulation 1999 ; 99 : 829-35. 5. Strickberger SA, Knight BP, Michaud GF, Pelosi F, Morady F. Mapping and ablation of ventricular tachycardia guided by virtual electrograms using a noncontact, computerized mapping system. J Am Coll Cardiol 2000 ; 35 : 414-21. 6. Pappone C, Oreto G, Lamberti F et al. Catheter ablation of paroxysmal atrial fibrillation using a 3D mapping system. Circulation 1999 ; 100 : 1203-8. 7. Shah D, Haïssaguerre M, Jaïs P, Takahashi A, Hocini M, Clémenty J. Highdensity mapping of activation through an incomplete isthmus ablation line. Circulation 1999 ; 99 : 211-5. La Lettre du Cardiologue - n° 337 - octobre 2000