Fiche n°247 - Août 2006 Découverte du 1er gène de résistance au virus de la panachure jaune chez le riz ©IRD/Laurence Albar e virus de la panachure jaune, ou RYMV, est responsable d'une importante diminution de rendement pour la riziculture du continent africain. L'utilisation de variétés résistantes constitue le meilleur espoir de réduire notablement les pertes de récolte. Un gène responsable d’une résistance majeure du riz au virus a été récemment identifié par Laurence Albar, généticienne à l’IRD. Ce gène, Rymv1, est lié à une fonction biologique essentielle de la plante puisqu’il permet de traduire les ARN messagers cellulaires (1) en protéines. Les chercheurs ont montré que, chez quelques variétés, de petites mutations dans une zone particulière de ce gène sont responsables de la résistance. Selon des hypothèses préalables, chez une variété sensible à l’infection, le virus interagit avec le facteur codé par le gène Rymv1 et l’utilise à son propre avantage. Ces recherches permettront, à terme, de faciliter le transfert de ce gène par croisements entre variétés résistantes et sensibles. Ce résultat ouvre d’importantes perspectives pour la compréhension du mécanisme de résistance et l’utilisation de ce gène en sélection variétale par des partenaires, comme l’ADRAO (Centre du riz pour l’Afrique) et les instituts de recherche nationaux d’Afrique et de Madagascar. L Variété de riz sensible au RYMV ou virus de la panachure jaune. Le RYMV, ou virus de la panachure jaune du riz, a été identifié pour la première fois en 1966 au Kenya. Sa présence a depuis été rapportée dans la plupart des pays d’Afrique cultivant le riz. La maladie se caractérise par l’apparition de panachures puis de nécroses sur les feuilles. La fertilité et le développement des grains sont affectés, ce qui provoque des pertes considérables dans les récoltes. La transmission du RYMV s’effectue via des insectes vecteurs ou par simple contact entre plantes. Des mesures prophylactiques, comme le semis direct ou l’enfouissage des pailles, ont été mises en place pour limiter la propagation de la maladie, mais le véritable espoir pour réduire l’impact du RYMV réside dans l’utilisation de variétés résistantes. En effet, après infection par le virus de la panachure jaune, quelques rares variétés de riz traditionnelles de l’espèce asiatique, O. sativa et de l’espèce africaine, O. glaberrima ne présentent généralement ni symptômes foliaires, ni impact sur la récolte. Néanmoins, ces différentes variétés ne possèdent pas les caractéristiques agronomiques recherchées pour la culture irriguée intensive ou de basfonds, là où la maladie est la plus dommageable. Une équipe de généticiens de l’IRD s’intéresse depuis plusieurs années aux bases génétiques de cette résistance, afin de faciliter son transfert vers des variétés d’intérêts agronomiques sensibles aux virus et ainsi optimiser leur utilisation. Des études de génétique classique ont d’abord mis en évidence que la résistance était sous le contrôle d’un unique gène récessif. Puis, des approches de cartographie génétique ont permis d’identifier un fragment appartenant au chromosome 4 et contenant le gène de résistance. Les données du >> Institut de recherche pour le développement - 213, rue La Fayette - F-75480 Paris cedex 10 - France - www.ird.fr Fiche n°247 - Août 2006 Pour en savoir plus CONTACTS : ALAIN GHESQUIÈRE OU LAURENCE ALBAR IRD, "Génome et Développement des Plantes" UMR5096 04 67 41 61 53 ; [email protected] [email protected]. RELATIONS AVEC LES MÉDIAS : 01 48 03 75 19 ; [email protected] INDIGO, PHOTOTHÈQUE DE L’IRD 01 48 03 78 99 ; [email protected] RÉFÉRENCES : ALBAR L., BANGRATZ-REYSER M., HEBRARD E., NDJIONDJOP M.N., JONES M., GHESQUIERE A.: Mutations in the eIF(iso)4G translation initiation factor confer high resistance of rice to Rice yellow mottle virus. (2006) The Plant Journal 47, 417 – 426. POUR EN SAVOIR PLUS : Contournement des résistances : HÉBRARD E., PINEL-GALZI A., BERSOULT A., SIRÉ C. AND FARGETTE D.: Emergence of a resistance-breaking isolate of Rice yellow mottle virus during serial inoculations is due to single substitution in the genome-linked viral protein VPg. (2006) J. General. Virology 87 : 1369 -1373. Résistances transgéniques : KOUASSI N. K., CHEN L., SIRÉ C., BANGRATZ-REYSER M., BEACHY R. N., FAUQUET C. M., AND BRUGIDOU C. : Expression of rice yellow mottle virus coat protein enhances virus infection in transgenic plants. (2006) Archives of Virology, in press. séquençage du génome du riz ont été très utiles pour rechercher dans ce fragment si un gène plutôt qu’un autre pouvait être à l’origine de la résistance au RYMV. Sur la base de données bibliographiques, le gène eIF(iso)4G, impliqué dans la traduction des ARNs cellulaires et baptisé Rymv1, est apparu comme le meilleur candidat. La validation fonctionnelle de ce gène de résistance a été réalisée par transformation génétique. Pour cela, une lignée de riz résistante a été modifiée en introduisant par transgénèse l’allèle de sensibilité de ce gène. Les descendances des plantes transformées qui montrent une restauration de la sensibilité révèlent systématiquement la présence du transgène. Les virus sont constitués d’un génome de petite taille codant pour un nombre limité de protéines (5 chez le RYMV). Ils ont donc besoin des protéines de leur hôte pour accomplir les différentes étapes de leur cycle infectieux. Une des protéines que requiert le virus de la panachure jaune semble être le facteur codé par le gène Rymv1 qui est probablement impliqué dans la traduction des protéines virales, mais peut-être également dans d’autres processus tel que le mouvement du virus au sein d’une cellule. Les chercheurs ont découvert des mutations du gène qu’ils ont analysé dans trois variétés résistantes différentes. Celles-ci sont distinctes mais situées dans la même région du gène et dans une position externe favorable pour interagir avec le virus. Il semble donc que, chez ces variétés, la mutation n’altère pas le rôle de la protéine dans ses fonctions biologiques premières, mais peut empêcher son interaction avec le virus qui est alors bloqué dans une des étapes de son cycle infectieux. Parallèlement, une équipe de virologues de l’IRD a montré qu’il était possible de sélectionner, en laboratoire, des souches de RYMV contournant ce gène de résistance et que ce contournement était déterminé par des mutations dans l’une des protéines virales. Les deux approches convergent maintenant pour chercher à déterminer les mécanismes moléculaires de la résistance ou de la sensibilité à partir d’interactions directes entre la protéine du riz et celle du virus. La compréhension de ces mécanismes permettra de mieux spéculer sur l’exploitation à long terme de ce gène de résistance. Une autre stratégie pour contrer ce virus a été développée à l’IRD : en introduisant par transgénèse dans le génome des plantes une partie des gènes viraux, comme cela a été réalisé dans d’autres interactions plante/virus, les chercheurs ont tenté d’induire la résistance au RYMV. Les résultats montrent que les plantes transgéniques n’ont qu’une résistance partielle et de faible durée et peuvent même présenter une sensibilité accrue. Dans le cas particulier de l’interaction riz/RYMV, la stratégie d’introduction d’un gène viral par transgénèse n’apporte donc pas d’avantages par rapport à l’utilisation des résistances naturelles. L’application de cette recherche est de faciliter l’amélioration de la production rizicole dans les pays touchés par le virus de la panachure jaune. D’ores et déjà, l’IRD a transféré par croisement le gène Rymv1 dans quelques variétés agronomiquement importantes et les lignées correspondantes ont été données à différentes institutions nationales de recherche (Côte d’ivoire, Sénégal, Madagascar) ou internationales comme le Centre du Riz pour l’Afrique (Warda, Bénin) pour qu’ils les utilisent dans des programmes de sélection variétale. (1) ARN messager : Molécule d'acide ribonucléique transcrite à partir de l’ADN d'un gène et qui sert de modèle pour la traduction d'une protéine. (2) Allèle : Chacune des différentes formes possibles d’un même gène. Rédaction IRD : Aude Sonneville MOTS-CLEFS : VIRUS DE LA PANACHURE JAUNE, RIZ, RÉSISTANCE. Marie Guillaume - Signoret, coordinatrice Délégation à l’information et à la communication Tél. : +33(0)1 48 03 76 07 - fax : +33(0)1 40 36 24 55 - [email protected]