des tâches entre secteurs privé et public, national et étranger. À compter de la
promulgation du code des investissements en 1959, qui a fondé l’alliance durable
avec les capitaux extérieurs, les positions dominantes des entreprises étrangères dans
leurs secteurs traditionnels d’intervention
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n’ont pas été contestées par les pouvoirs
publics : les firmes étaient non seulement invitées à rester en Côte d’Ivoire mais
aussi à y développer leurs activités. En revanche, dans les secteurs nouveaux de diver-
sification, où les investisseurs étrangers faisaient défaut, l’État est intervenu direc-
tement pour se substituer à un capital privé national très embryonnaire. C’est par
exemple le cas des oléagineux, où les pouvoirs publics créeront de toutes pièces un
nouveau secteur agro-industriel avec l’aide massive de la Banque mondiale et de
la CEE. Dans le secteur du café-cacao, la configuration mise en place à la fin de
la période coloniale est maintenue : l’État, par l’intermédiaire de la Caisse de sta-
bilisation, organise la régulation du secteur et dispose d’un monopole sur les
exportations, tandis que la commercialisation intérieure est prise en charge par des
opérateurs privés. Seul change le profil des firmes, puisque les vieilles sociétés
polyvalentes de traite coloniale (le trinôme CFAO, SCOA, CFCI) se replient au
profit d’entreprises, principalement françaises, spécialisées dans le négoce.
La deuxième phase, dans les années soixante-dix et le début de la décennie sui-
vante, est caractérisée par l’émergence de capitaux ivoiriens sous l’impulsion des
pouvoirs publics qui favorisent la création de joint ventures où l’État sert souvent
de relais avant de céder ses participations au secteur privé national. Cette phase est
celle du clientélisme triomphant, où les représentants des différentes factions sont
dotés par le pouvoir présidentiel, ou sur son intervention auprès du secteur privé,
de postes dans les conseils d’administration et de participations au capital social des
entreprises. C’est dans le secteur café-cacao que l’évolution est la plus spectacu-
laire: non seulement les firmes étrangères ouvrent leurs portes à des participations
minoritaires nationales, mais elles permettent aussi la création de sociétés ivoiriennes
fictives dont l’existence repose sur l’attribution de quotas d’exportation par l’État
qui leur sont revendus aussitôt. Ce système clientéliste débouche sur l’apparition
d’une galaxie de sociétés structurées autour d’un oligopsone de firmes étrangères
sous contrôle du monopole public d’exportation de la Caisse de stabilisation. Ce
complexe politico-économique
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n’est toutefois pas rédhibitoire et n’empêche pas
l’émergence de véritables stratégies d’entreprise fondées sur une politique com-
merciale et des choix d’intégration verticale. C’est en particulier le cas de la société
SIFCA, créée et contrôlée par le négociant français Tardivat qui, allié à l’industriel
néerlandais De Zaan (filiale de l’américain Grace Cocoa), investit dans la première
transformation du cacao (broyage des fèves).
La troisième phase correspond à la mise en œuvre effective, au début des années
quatre-vingt-dix, du programme de privatisation imposé par les bailleurs de fonds
internationaux, puis à la libéralisation du secteur café-cacao qui s’étalera – du fait
10 — Critique internationale n°9 - octobre 2000