Chapitre 2
Rappels sur la logique
Une définition générale de la notion de logique mathématique ne sera pas donnée ici. On se contentera de
l’idée qu’une logique est un système formel — comprenant un système syntaxique de construction de formules —
auquel est associée une sémantique. Nous étudierons dans ce chapitre la logique propositionnelle et la logique du
premier ordre puis nous évoquerons rapidement d’autres logiques mathématiques classiques. Nous nous appuye-
rons essentiellement sur l’ouvrage suivant (beaucoup plus complet que ce chapitre) :
[1] Delahaye (J.-P.). – Outils logiques pour l’intelligence artificielle. – Eyrolles, 1986.
On peut trouver des cours de logiques sur le Web. Notons en particulier :
[1] A. Herzig. – Introduction à la logique, . – dernière
consultation: septembre, 2005.
2.1 La logique propositionnelle (LP)
2.1.1 Syntaxe
La formule suivante est une formule de LP :
Cette formule est constituée
De connecteurs logiques: (« non »), (« et »), (« ou ») et (« implique ») ;
De variables propositionnelles (en l’occurrence, , , et ).
On peut interpréter cette formule par
« Si un animal vole, alors c’est un oiseau ou une chauve-souris et une autruche est un oiseau qui ne
vole pas. »
Il y a un seul connecteur unaire, c’est : il ne s’applique que sur une seule formule à la fois: si est une
formule, alors est une formule.
Les connecteurs binaires les plus utilisés sont , , et (« équivalent à »). Il y a aussi ou exclusif »).
Si et sont deux formules, alors , , , et sont des formules.
Les parenthèses sont là pour éviter les ambiguïtés : on n’écrit pas mais soit , soit ,
qui sont deux formules différentes. On considérera néanmoins que , et sont prioritaires sur et . Ainsi,
est identifié à et non pas à .
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2.1.2 Sémantique
Considérons la formule propositionnelle suivante: . Est-elle vraie? Cela dépend de la signification
de , et . Cette signification est binaire : (resp., et ) s’interprète soit comme vrai (noté ) soit comme faux
(noté ). Une interprétation d’une formule propositionnelle est l’affectation de chacune des variables de à
une valeur de vérité, c’est-à-dire à un élément de la paire . Par exemple,
est une interprétation de (notons que cette interprétation contient l’affectation d’une variable propositionnelle
qui n’apparaît pas dans et dont la valeur d’affectation n’a pas d’importance pour l’interprétation de ). En
l’occurrence, ne satisfait pas : si est vraie, est fausse et est fausse, alors « ( ou ) implique » est faux.
De façon générale, pour savoir si une interprétation d’une formule satisfait cette formule (synonyme :
est un modèle de ), ce qu’on notera , on s’appuie sur les règles suivantes:
Si est une variable propositionnelle et que , alors .
Si est une variable propositionnelle et que , alors .
– Si est une formule propositionnelle et que est une interprétation de alors ssi .
Soit et deux formules et une interprétation commune à et à (autrement dit, elle contient l’affectation
de toutes les variables de et de toutes les variables de ). On a:
– si et alors ;
si ou si alors ;
si, quand on a alors on a (p. ex., si , alors ) ;
si, ssi ;
si, une et une seule des deux affirmations et est vérifiée.
Une formule est une tautologie si, pour toute interprétation , on a . Par exemple, et
sont des tautologies.
Une formule entraîne une formule — ce qu’on note — si, quel que soit le modèle de , est aussi
un modèle de (i.e., si alors )1.
Deux formules et sont équivalentes, ce qu’on note , si et .
On a les équivalences de formules suivantes ( , et étant trois formules):
(2.1)
(2.2)
(2.3)
(2.4)
(2.5)
(2.6)
(2.7)
(2.8)
(2.9)
(2.10)
(2.11)
(2.6) et (2.7) sont connues sous le terme « lois de de Morgan ». (2.8) est la loi de la contraposée (utilisée notamment
lors d’un « raisonnement par l’absurde »).
Notons par ailleur qu’on a, pour deux formules et :
ssi (2.12)
ssi (2.13)
1. En toute rigueur, cette définition est incomplète. Par exemple, on a , alors que le modèle de n’est pas une
interprétation de , puisque n’est pas affecté dans . Cependant, on peut montrer que les deux interprétations et obtenues en
ajoutant respectivement à l’affectation et l’affectation sont chacune un modèle de . En toute rigueur, il faudrait dire
que si pour toute interprétation de et de , si est un modèle de alors est un modèle de .
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(2.12) s’appelle le théorème de la déduction.
Utilisation de tables de vérité. Soit , une formule, , l’ensemble des variables de et . Il existe
interprétations de construites uniquement sur les variables de . La table de vérité de comprend une
ligne par interprétation, les colonnes représentant les affectations des variables de pour une interprétation et
l’interprétation de la formule elle-même ( si , sinon). Par exemple, la table de vérité de est:
On peut avoir une table de vérité commune à plusieurs formules, par exemple:
Pour prouver qu’une formule est une tautologie, une méthode simple (dans le principe) est l’utilisation de
tables de vérité : il faut et il suffit de montrer qu’il n’y a pas de dans la colonne de de sa table.
Pour montrer qu’une formule entraîne une autre formule ou est équivalente à elle, on pourra appliquer (2.12)
ou (2.13): pour prouver , on construira la table de vérité de , pour prouver , on construira la
table de vérité de .
Par exemple, on veut montrer que les formules et sont équivalentes. Cela revient
à prouver que la formule est une tautologie:
Exercice 3 Montrer par la méthode des tables de vérité les équivalences (2.1) à (2.11).
Principe de non pertinence de la syntaxe. Si et sont deux formules équivalentes ( ) qui expriment des
connaissances, alors, les raisonnements qu’on peut faire à partir de , on peut les faire à partir de et inversement.
Par exemple, on a :
Par conséquent, toute conclusion issue d’un raisonnement sur peut être inférée à partir de
. Par conséquent, se demander, par exemple, combien il y a de symboles « » dans «
» relève de la syntaxe mais pas de la sémantique et n’est donc pas un raisonnement.
L’exemple suivant est plus général. On a vu plus haut que, pour toutes formules , et , on a
. Comme la syntaxe n’est pas pertinente, les formules sont considérées modulo . Par
conséquent, on peut noter qui se lira ou : les deux formules ne sont pas égales
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mais sont équivalentes, donc on peut les assimiler sans risque. De la même façon, on a ,
donc on peut noter , sans parenthèse.
Dans le même ordre d’idée, on peut montrer que, si est une sous-formule de et que est une formule
équivalente à , alors la formule obtenue en substituant par dans est équivalente à . Par exemple,
est équivalente à car .
Bases de connaissances en LP. Une base de connaissances en LP est un ensemble de
formules de cette logique. Une formule est une conséquence de , ce qu’on note si, pour tout modèle
commun à , , ... et , est un modèle de . Cela équivaut à ou à .
C’est pourquoi on assimilera souvent à la conjonction .
On notera si (ou, de façon équivalente ). Notons que si alors , mais
que la réciproque peut être fausse: on peut avoir et , comme le montre le contre-exemple suivant:
avec
et
on a et
Preuve : On va montrer en prouvant et on va prouver en prouvant que n’est
pas une tautologie. On utilise pour cela la méthode des tables de vérité:
On voit ainsi que est une tautologie alors que ne l’est pas.
Deux formules et sont équivalentes modulo une base de connaissances — noté — si et
. Notons que si alors mais que la réciproque est fausse.
Satisfiabilité. Une formule est satisfiable s’il existe un modèle de (i.e., s’il existe une interprétation de
telle que ). Autrement dit, dans la table de vérité de , il y a au moins un .
Une base de connaissances est satisfiable si est satisfiable.
Si n’est pas satisfiable alors elle est dite incohérente (on dit aussi inconsistante) et elle permet de prouver
tout (et son contraire !). Par exemple, la base est incohérente et, quelle que soit la formule , on a:
et . Autrement dit, on ne peut rien faire d’utile avec une base de connaissances incohérente.
On a l’équivalence suivante:
est une tautologie ssi n’est pas satisfiable
Une preuve réfutationnelle du fait que soit une tautologie consiste à prouver que n’est pas satisfiable. Par
exemple, pour prouver que , il suffit de prouver qu’il n’existe pas de modèle de
.
2.1.3 Inférences déductives
L’approche de LP présentée ci-dessus est sémantique. Ci-dessous, nous présentons une vision syntaxique de
LP qui s’appuie sur la notion de système formel, puis, nous verrons les liens entre la syntaxe et la sémantique.
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Notion de système formel. La notion de système formelle est définie rigoureusement dans l’ouvrage de De-
lahaye cité en tête de chapitre. Nous en présentons ici une définition simplifiée. Un système formel est donné
par Un ensemble de mots sur un alphabet donné appelé ensemble des formules bien formées (on dira, par la
suite, simplement « formules »), par exemple, est une formule bien formée de LP, mais
n’en est pas une.
Un ensemble d’axiomes, sous-ensemble de l’ensemble des formules.
Un ensemble de règles d’inférence , notées , qui se lit « à partir de , , ... et , on
peut conclure2».
Étant donné un système formel , une preuve dans d’une formule à partir d’un ensemble de formules
(appelées hypothèses) est une séquence de formule , , ... telle que et, pour tout
, est
soit un axiome de ,
soit une des hypothèses ( ),
soit une formule qu’on peut conclure grâce à une règle d’inférence à partir de formules , avec :
avec
La notation signifie qu’il existe une preuve de à partir de . Soit
. sera aussi noté .
Un théorème de est une formule prouvable dans à partir d’un ensemble vide d’hypothèses: on conclut
en appliquant uniquement les axiomes et les règles d’inférence, autrement dit, , ce qu’on note plus simplement
.
Un système formel pour le calcul propositionnel dans LP. Dans un premier temps, nous allons définir un
système formel sur les formules de LP construites sur et (repris de l’ouvrage de Delahaye). Nous verrons
plus loin comment l’étendre aux formules de LP en toute généralité. Ce système est tel que:
Ses formules bien formées sont les formules de LP sans les connecteurs , , ni .
Ses axiomes sont les formules de la forme :
(SA1)
(SA2)
(SA3)
, et sont des formules quelconques de ce système formel (il y a donc une infinitié d’axiomes
construits sur ces trois schémas d’axiomes).
La seule règle d’inférence est le modus ponens, noté : .
Dans ce système formel, on a . En effet, on a la preuve ci-dessous:
: hypothèse
: cf. (SA1)
:
: cf. (SA3)
:
2. Dans l’ouvrage de Delahaye, « déduire » est utilisé à la place de « conclure ». Nous préférons ce dernier verbe, car nous avons
défini la notion de déduction au chapitre 1 en lien avec la notion sémantique de vérité, alors que Delahaye utilise ce terme avec un sens
intrinsèquement lié aux règles d’inférence; nous utiliserons, à la place de « déduire », au sens de Delahaye, le terme de « prouver », comme
nous le verrons plus loin.
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