FICHE À DÉTACHER
IV | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 5 - mai 2011
Repères biologiques n° 1
tions : cancer de la prostate résistant à la castration asympto-
matique non traité par chimiothérapie ; cancer de la prostate
avec métastases sensible à la castration ; cancer de la prostate
localisé, en association avec la radiothérapie ou la chirurgie, etc.
Vers une médecine personnalisée
dans les cancers de la prostate
À ce jour, le cancer de la prostate métastatique reste traité
comme une maladie unique et homogène, contrairement
à d’autres cancers fréquents, alors que l’expérience clinique et
les nomogrammes montrent que l’évolution des cancers de la
prostate est très hétérogène (avec une survie médiane allant
de moins de 1 an jusqu’à plus de 10 ans après progression sous
castration). De même, la sensibilité au traitement des cancers
de la prostate résistant à la castration est très variable, qu’il
s’agisse de la chimiothérapie ou des manipulations hormo-
nales. À l’inverse, les autres cancers les plus fréquents sont
désormais classés à partir de l’existence d’altérations molécu-
laires − comme ER, PR, HER2/neu et BRCA 1 (
BReast CAncer 1
)
dans les cancers du sein ; EGFR (
Epidermal Growth Factor
Receptor
) dans les cancers du poumon ; KRAS dans les cancers
du côlon −, permettant le développement réussi de thérapies
dans des sous-groupes spécifiques de ces cancers
(8)
.
Une meilleure connaissance de la biologie des cancers de la
prostate a permis l’identification de nombreuses anomalies
moléculaires qui, pour certaines, constituent de possibles
cibles thérapeutiques. La découverte de gènes de fusion
impliqués dans le cancer de la prostate a d’importantes impli-
cations biologiques et cliniques. La fusion du gène TMPRSS2
avec le gène ETS a été récemment rapportée par S.A. Tomlins
et al.
(9)
comme le premier gène de fusion dans les cancers
de la prostate, ce qui a été confirmé par plusieurs équipes
indépendantes. La détection de la translocation TMPRSS2 et ERG
dans le tissu de cancer de la prostate peut être utilisée comme
un biomarqueur pour le développement clinique. Les gènes
impliqués sont le gène TMPRSS2, régulé par les androgènes,
et ceux de la famille des facteurs de transcription ETS, comme
ERG, ETV1 ou ETV4. La translocation TMPRSS2-ERG est la plus
fréquente : elle est présente dans 40 à 80 % des cancers de la
prostate. De plus, nous avons vu que différentes anomalies
moléculaires de la voie du RA ont été impliquées dans la résis-
tance à la castration. La voie du RA est nécessaire au dévelop-
pement du cancer de la prostate, et il a été démontré qu’elle
reste active lorque la maladie progresse du stade hormono-
sensible au stade de résistance à la castration. L’amplification
du gène du RA a été rapportée chez 25 à 30 % des patients
atteints de cancers de la prostate résistant à la castration,
mais elle est rarement détectée dans les stades précoces de la
maladie (1 à 2 %), ce qui suggère qu’elle est impliquée dans le
développement du cancer de la prostate résistant à la castration.
Elle est associée à une augmentation de l’ARN messager et
de l’expression protéique des RA. Des mutations ponctuelles
du gène des RA peuvent altérer la spécificité de fixation du
récepteur et aboutir à l’activation des récepteurs mutés par
des ligands non androgéniques comme les antiandrogènes.
Une autre voie de signalisation importante dans le cancer de la
prostate est la voie PI3K/Akt/mTOR. Plusieurs études suggèrent
que la voie PI3K/Akt/mTOR est activée dans 30 à 50 % des
cancers de la prostate, le plus souvent à cause de la perte
de PTEN
(Phosphatase and Tensin Homolog)
. Des altérations
moléculaires de la voie PI3K/Akt/mTOR ont été impliquées
dans la transformation d’un épithélium normal en cancer de
la prostate et sont associées à un stade tumoral, un grade et
un risque de rechute plus importants.
D’autres mécanismes moléculaires ont également été identifiés
dans le processus de carcinogenèse du cancer de la prostate,
et en particulier dans le développement de la résistance à la
castration, comme la voie de l’endothéline 1, l’expression de
la clustérine et l’implication de l’angiogenèse.
Cette connaissance moléculaire approfondie des cancers de la
prostate va permettre d’opérer un véritable démembrement
moléculaire de l’entité “cancer de la prostate” au profit d’une
nouvelle classification moléculaire définissant différents sous-
types moléculaires ayant une histoire naturelle, une évolution
et une sensibilité aux traitements différentes. ■
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Références bibliographiques
Encadré. Altération des récepteurs aux androgènes dans les cancers
de la prostate ; mécanismes moléculaires de la résistance à la castration.
1. Surexpression des récepteurs aux androgènes
2. Modifications des récepteurs aux androgènes (mutations, etc.)
3. Augmentation des corégulateurs
4. Activation parallèle du complexe récepteurs aux androgènes/corégulateurs
par des voies de transduction de signal
5. Augmentation des enzymes de la biosynthèse des androgènes
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