Progrès
en
urologie
(2015)
25,
1178—1179
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LETTRE
À
LA
RÉDACTION
Peurs
et
pleurs
du
cancer
de
prostate
Fears
and
tears
from
prostate
cancer
«
Il
n’est
point
d’homme
qui
ne
veuille
être
un
despote
quand
il
bande
!
».
Jacques
André
commente
cette
citation
de
Sade
:
«
La
première
contribution
de
la
psychanalyse
à
la
compréhension
de
la
domination
masculine
suit
le
mou-
vement
de
l’érection.
L’homme
est
un
homo-erectus,
le
pouvoir
appartient
à
ceux
qui
se
dressent,
pas
à
ceux
qui
se
baissent
».
Derrière
ceux
qui
se
baissent,
il
est
assez
aisé
d’entendre
les
résonances
fantasmatiques
avec
la
maladie
et
la
vieillesse
que
Chateaubriand
qualifie
de
naufrage
et
des
vieux
qu’il
qualifie
d’épaves.
Même
si
se
baisser
peut
avoir
une
valence
active,
de
choix
assumé
ou
consenti,
on
peut
également
y
voir
les
figures
de
la
passivité,
de
la
sou-
mission
voire
de
l’infamie.
C’est
en
gardant
ceci
à
l’esprit,
qu’il
convient
d’écouter
et
d’entendre
les
patients
porteurs
d’un
cancer
de
la
prostate.
Au
carrefour
des
espaces
somato-psychique
et
sexuel,
le
cancer
de
la
prostate
interroge
quant
aux
consé-
quences
psychiques
des
traitements
curateurs
mais
aussi
castrateurs
que
l’on
propose
aux
patients.
Paradoxale-
ment,
cela
reste
une
clinique
encore
taboue
et
boudée
les
«
psy
»
qui
s’intéressent
plus
volontiers
au
cancer
du
sein.
Derrière
le
manifeste
:
il
n’y
a
pas
ou
si
peu
de
psycho-
logue
en
urologie,
il
y
a
le
latent.
Peut-être
est-il
difficile
de
penser
une
maladie
qui
viendrait
malmener
le
centre
du
référentiel
et
la
théorie
sexuelle
infantile,
partagée
par
tous,
celle
du
primat
du
phallus.
Bien
sûr
que
dans
la
réalité
consciente,
cela
ne
semble
pas
un
argument
très
recevable,
mais
Jacques
André
nous
le
rappelle
:
«
Comme
pour
toute
théorie
sexuelle
infantile,
cela
n’a
guère
de
sens
de
la
dire
vraie
ou
fausse.
Le
phallus
c’est
comme
Dieu,
il
suffit
d’y
croire
pour
qu’il
existe
»
!
Mais
justement,
si
tout
le
monde
y
croit,
le
cancer
de
la
prostate
vient
alors
jouer
les
trouble-fêtes.
Maladie
de
l’homme
mûr,
elle
a
ceci
de
particulier
qu’elle
émerge
dans
le
climat
de
blessure
narcissique
d’un
vieillissement
débutant.
En
effet,
certains
évènements
de
vie
comme
les
perspectives
de
la
retraite,
les
premiers
petits-enfants,
sont
déjà
venus
rappeler
au
sujet
qu’il
n’était
pas
éternel.
En
outre,
il
est
difficile
voire
impossible
de
se
soustraire
au
poids
environnemental.
Nous
sommes
tous
inscrits
main-
tenant
dans
une
société
les
cultes
du
corps
et
de
la
performance
font
foi
et
loi.
Ces
hommes
sont
donc
à
la
fois
confrontés
à
la
tyrannie
du
bien
vieillir,
à
son
injonction
paradoxale
(«
vieillissez
bien
donc
ne
vieillissez
pas
!
»)
mais
également
au
dogme
du
mâle
infaillible.
Depuis
leur
plus
tendre
enfance,
les
petits
garc¸ons
sont
bercés
dans
l’idée
quelque
peu
tyrannique
et
culpabilisatrice
que
«
pour
être
viril,
il
faut
‘‘bander’’
».
Comment
ne
pas
éprouver
de
la
honte
quand,
sous
l’effet
d’un
diagnostic,
vous
vous
dites
que
votre
corps
vous
lâche,
que
vous
êtes
vieux
et
devien-
drez
bientôt
impuissant
?
Si
l’homme
est
complètement
sidéré
à
l’idée
de
perdre
ses
érections
et
semble
souvent
relativement
serein
quant
à
son
pronostic
vital,
conformément
aux
dires
de
l’urologue,
son
épouse
qui
a
pourtant
entendu
le
même
discours
se
montre
quant
à
elle
très
inquiète
pour
le
devenir
de
son
mari
et
paradoxalement
assez
sereine
quant
à
la
vie
sexuelle
du
couple.
Si
cela
rejoint
bien
la
proposition
freudienne
d’une
angoisse
de
perte
d’amour
propre
aux
femmes,
en
oppo-
sition
à
une
angoisse
de
castration,
plus
narcissique
et
masculine,
on
peut
ironiser
en
disant
que
les
angoisses
des
uns
(j’ai
peur
de
ne
pas
être
à
la
hauteur)
«
s’accouplent
»
avec
celles
des
autres
(j’ai
peur
de
le
perdre).
Bien
sûr
au
regard
du
déclin
physiologique,
le
malaise
post-
ménopausique
n’invite
plus
à
la
même
fougue
charnelle
qu’au
printemps
de
la
vie,
mais
il
convient
absolument
d’entendre
chez
l’homme
la
fonction
protectrice
de
ces
réactions
psychiques.
Il
est
en
effet
peut-être
plus
facile
et
confortable
pour
ces
hommes
de
craindre
de
ne
plus
avoir
d’érection
que
de
redouter
de
mourir.
Mais
le
déplacement
de
l’angoisse
de
mort
sur
l’angoisse
de
castration
est
un
«
luxe
»
qui
n’est
pas
offert
à
tout
le
monde.
En
effet,
pour
certains
la
castration
est
déjà
syno-
nyme
de
mort.
Ceux-là,
pour
qui
l’investissement
phallique
est
essentiel
et
psychiquement
vital
préfèrent
parfois
refu-
ser
de
se
faire
soigner
au
prix
de
leur
vie
:
vivre
«
castré
»
ou
mourir
intact/vivre
à
genoux
ou
mourir
debout,
dilemme
cornélien
qui
n’offrirait
à
certains
aucune
autre
alternative
que
la
fuite
et
le
déni.
Peurs
et
pleurs
du
cancer
de
prostate
1179
Déclaration
de
liens
d’intérêts
Les
auteurs
déclarent
ne
pas
avoir
de
liens
d’intérêts.
M.O.
Bitkera,,
A.-S.
van
Dorenb
aService
d’urologie,
hôpital
de
la
Pitié,
groupe
hospitalier
Pitié-Salpetrière,
AP—HP,
UPMC
Paris
VI,
83,
boulevard
de
l’hôpital,
75013
Paris,
France
bLaboratoire
PCPP,
EA
4056,
Université
Paris
Descartes,
Paris
V,
Paris,
France
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(M.O.
Bitker)
Disponible
sur
Internet
le
16
octobre
2015
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2015.09.014
1166-7087/©
2015
Elsevier
Masson
SAS.
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