Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIV - n° 10 - décembre 2010
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Cas clinique
Post-partum céphalalgique
Jean-Marc Kuhn*
* Service d’endocrino-
logie, diabète et maladies
métaboliques, CHU de
Bois-Guillaume, Rouen.
M
adame L.F., âgée de 32 ans, est hospitalisée
dans un service d’endocrinologie en raison de
la découverte d’une masse hypophysaire mise
en évidence sur l’imagerie par résonance magnétique
(IRM) encéphalique eectuée dans le bilan étiologique
d’intenses céphalées. Celles-ci ont débuté deux mois
après la naissance de son deuxième enfant. Attribuées
initialement à des algies vasculaires de la face, ces cépha-
lées ont résisté à un traitement associant Bi-profenid
®
(kétoprofène), prescrit sous couvert d’une protection
gastrique (Inexium 20
®
soméprazole]), Laroxyl
®
(ami-
triptyline), Lexomil
®
(bromazépam) et en cas d’accès
phalalgique aigu Relpax 40
®
létriptan). Une contra-
ception orale par Triella
®
(ethinyl-estradiol et noréthi-
stérone) a été reprise 21 jours après l’accouchement. La
patiente n’a pas souhaité mettre en route un allaitement
maternel. Lors de l’hospitalisation sont notés, outre d’in-
tenses céphalées, une asthénie et une photophobie
majeures, des nausées et vomissements. Madame L.F.
pèse 55 kg pour une taille de 1,66 m. Lexamen neurolo-
gique clinique ne retrouve pas danomalie. En particulier,
il n’y a pas de signes ménins. Le champ visuel est nor-
mal. La pression artérielle est mesurée à 120/70 mmHg
et le rythme cardiaque est gulier à 76 pulsations/mn. Il
nest pas retrouvé de galactorrhée ni de signes cliniques
de décit ou d’hypersécrétion hormonale hypophysaire.
La diurèse quotidienne est de 1,6 l/24 h. Lexamen par
IRM de la région hypophysaire retrouve une masse intra-
et suprasellaire aeurant le chiasma optique prenant
le contraste de façon quasi homogène après injection
de gadolinium (gure 1).
La natrémie s’inscrit dans la norme à 143 mmol/l.
Lévaluation biologique des fonctions hypophysaires
fournit les informations suivantes. LACTH (anocortico-
trophine) = 7 pg/ml et le cortisol plasmatique s’élève de
30 (N > 300) à 90 nmol/l aps administration de 250 µg
de Synacthène
®
(tétracosactide) [N > 600]. La TSH
(Thyroid Stimulating Hormone) plasmatique (1,05 mU/l
à l’état basal, N = 0,1-4,5) sélève à 11,4 après injection
de TRH (Thyrotropin Releasing Hormone) et la T4 libre
est à 9,8 pmol/l (N = 10-22). La GH (Growth Hormone) =
6 mU/l dans les conditions basales subit une ascension
à 67 mU/l après stimulation par GHRH (Growth Hormone
Releasing Hormone). L’IGF-1 = 98 ng/ml s’inscrit dans la
norme comprise entre 80 et 350 pour la tranche dâge.
LH (Luteinazing Hormone) et FSH (Folicle-Stimulating
Hormone) sont respectivement mesurées à 0,1 et 0,3 U/l.
Elles s’élèvent respectivement à 15,4 et 3 aps stimula-
tion aiguë par GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone).
Lestradiolémie basale est de 27 pg/ml. La prolactine
Figure 1. Aspect de l’hypophyse par IRM au moment du diagnostic d’hypophysite lymphocytaire.
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Post-partum céphalalgique
s’élève de 61 (N < 25) à 195 ng/ml après stimulation
par la TRH. À l’exception des données de l’exploration
gonadotrope, qui sont à interpréter en fonction du
contexte thérapeutique (Triella®), ce bilan objective la
présence d’un décit corticotrope prédominant associé
à une insusance thyréotrope modérée alors que la
sécrétion de GH paraît normale et qu une hyperpro-
lactinémie avec un prol de réponse poststimulatif
d’allure fonctionnelle est mise en évidence.
Le contexte de post-partum récent, l’aspect de l’hypo-
physe sur l’IRM, le caractère dissocié du décit hypophy-
saire, l’atteinte corticotrope est la plus pronone, et
l’hyperprolactinémie réactive à la TRH font retenir l’hypo-
thèse d’une hypophysite lymphocytaire. Ce diagnostic,
qui sera conrmé chez madame L.F. par l’évolution sous
traitement, est en accord avec les caractéristiques habi-
tuelles de ces hypophysites (1). Elles surviennent, en
eet, préférentiellement chez la femme en riode d’ac-
tivigénitale et plus spéciquement pendant le dernier
trimestre de la grossesse ou dans les mois qui suivent un
accouchement de déroulement normal (en particulier,
sans hémorragie massive ou choc cardio-vasculaire).
Les hypophysites lymphocytaires sont responsables
neuf fois sur dix d’une insusance hypophysaire plus
ou moins complète où domine le décit corticotrope.
L’hyperprolactinémie, qui fait discuter la possibilid’un
macroprolactinome lorsqu’elle s’associe à une image
radiologique hypophysaire dallure tumorale, est loin
d’être rare dans ce cadre pathologique. Les caractéris-
tiques de l’IRM qui met en évidence une augmentation
symétrique des dimensions de l’hypophyse qui reste
homogène et qui s’associe à un épaississement de la tige
pituitaire, par ailleurs non déviée – sont également très
évocatrices d’un processus d’hypophysite lymphocytaire.
Ce tableau clinique, biologique et radiologique a permis
d’éviter d’avoir recours à une biopsie hypophysaire, geste
parfois nécessaire mais d’une certaine agressivité (2).
Le traitement de l’hypophysite lymphocytaire reste
médical, repose sur une corticothérapie anti-inamma-
toire, avec une posologie initiale de prednisone voisine
de 1 mg/kg, et a trois chances sur quatre de réduire
les dimensions de l’hypophyse (1). Cette approche
thérapeutique, employée pour traiter madame F.L., a
permis de faire disparaître les symptômes cliniques en
quelques jours et d’obtenir une normalisation de l’image
radiologique en quelques mois (gure 2). La mise en
route du traitement par corticoïdes a cependant révé
l’existence d’un diabète insipide dont la symptomato-
logie initiale était atténuée par le décit corticotrope.
L’introduction d’un traitement par Minirinmelt
®
(des-
mopressine) a permis de juguler ce diabète insipide
dont l’association au décit anté-hypophysaire semble
fréquente au décours des hypophysites lymphocytaires
(1). Lecacité clinique et radiologique du traitement
médical n’a cependant pas permis l’obtention d’une
“récupération de la fonction sécrétoire hypophysaire.
Cette évolution endocrinienne, loin d’être rare au cours
des hypophysites lymphocytaires, implique d’identier
la persistance des décits pituitaires et, si nécessaire,
de maintenir une substitution hormonale.
Figure 2. Aspect radiologique (IRM) de la région hypothalamo-hypophysaire après traitement médical par stéroïdes anti-inammatoires.
1. Gutemberg A et al. Eur J
Endocrinol 2006;155:101.
2. Howlett TA et al. Clin
Endocrinol 2010;73:18.
R é f é r e n c e s
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