Parmi les 22 médecins ayant arrêté leur participation en cours
d’action, la majorité (16 cas) a invoqué la complexité et la lour-
deur des procédures de prise en charge ainsi que la nécessité de
réaliser l’enquête épidémiologique préalable, enquête pourtant
rémunérée. La non-pratique d’une activité gynécologique a été
signalée par 12 médecins et le refus de participation à une expé-
rience de dépistage de masse a été notifié par 4 médecins
(tableau III).
Les mêmes difficultés sont évoquées par les 52 médecins qui
participaient encore au programme lors de l’enquête, et, de ce
fait, seuls 12 d’entre eux (20 %) n’avaient pas modifié leur com-
portement vis-à-vis de la campagne depuis son démarrage
(tableau IV). Paradoxalement, 43 médecins, soit 82 % des parti-
cipants, ont considéré que le type d’action proposé était en
accord avec leur propre conception du dépistage.
Sur l’ensemble des médecins ayant répondu à l’enquête, 60 %
estimaient que la réalisation d’un dépistage de masse ne devait
pas relever d’une structure spécialisée, ce qui était d’ailleurs le
type d’organisation proposé.
DISCUSSION
L’analyse de cette campagne de dépistage de masse permet de
retenir plusieurs enseignements :
●
●Malgré une méthodologie destinée à mobiliser le corps médi-
cal et à sensibiliser fortement les femmes, le taux de participa-
tion effective est faible (12,3 %), bien que plus élevé chez les
femmes de plus de 60 ans (17,7 %). Il reste cependant inférieur
au taux de 30 % observé dans la campagne de l’Isère, ciblée sur
les femmes de plus de 50 ans (4). Il est, en revanche, voisin des
taux de participation observés en Martinique (5), respective-
ment 20,2 %, 16,3 % et 21,7 % selon les tranches d’âge étu-
diées (20-34 ans, 35-49 ans et 50-65 ans). Ces taux de partici-
pation ne peuvent être comparés avec ceux de la campagne du
Doubs, la méthodologie de l’action étant différente (6). L’adhé-
sion de la population féminine à ce type d’action est donc diffi-
cile à obtenir, malgré la gratuité et de multiples actions de pro-
motion.
●
●La population féminine incluse regroupait certainement une
forte proportion de femmes estimées comme ayant des facteurs
de risque. En premier lieu, un tiers des frottis réalisés concer-
nait des femmes de plus de 50 ans, alors que dans l’étude du
CRISAP (7) portant sur plus de 815 000 frottis réalisés en
1992, seulement 18 % des examens concernaient cette tranche
d’âge. Par ailleurs, 25 % des femmes incluses n’avaient pas de
couverture sociale complémentaire, alors qu’une enquête du
CREDES de 1993 (8) rapportait un taux de 13 % dans la popu-
lation française. Enfin, notre campagne montre une proportion
très élevée de femmes ayant un suivi par frottis irrégulier (66 %
des femmes incluses), alors que ce taux est de 42,6 % dans
l’étude de Riou (9), réalisée en 1989 auprès de 10 000 femmes
résidant dans la région Rhône-Alpes. L’objectif principal de
notre campagne consistant à cibler une population plus défavo-
risée du point de vue socio-économique ou moins bien suivie a
donc été en partie atteint.
●
●L’analyse de la participation des médecins est également
intéressante. Un des axes principaux de notre campagne était
d’impliquer les médecins, et notamment les généralistes, pour
augmenter la participation des femmes. Le faible taux d’inclu-
sion montre que cette stratégie a en partie échoué. Les méde-
cins généralistes ont pourtant réalisé près de la moitié des frot-
tis ; ce taux est voisin de celui de la campagne de l’Isère (4) et
très supérieur aux taux de 9 %, 20 % et 26 % précédemment
publiés (10-12). De plus, ils ont inclus majoritairement des
femmes de plus de 50 ans et/ou “non à jour” (78 % contre 69 %
pour les gynécologues). En revanche, l’enquête que nous avons
réalisée auprès de ces médecins (13) confirme la plus forte par-
ticipation des médecins femmes, déjà soulignée par d’autres
auteurs (14-16), et montre que seuls les médecins qui avaient
déjà une activité gynécologique ont participé activement à la
campagne.
CONCLUSION
La pratique du frottis cervical, largement répandue en France, a
permis de faire diminuer l’incidence du cancer du col utérin,
mais il n’en demeure pas moins qu’il persiste une partie impor-
tante de la population féminine n’ayant pas accès à ce suivi, le
plus souvent dans le cadre plus général de conditions socio-éco-
nomiques défavorables. La santé de la femme n’est alors plus un
objectif prioritaire. La mise en place d’une information forte et
multivectorielle au cours d’une action de promotion du dépis-
tage organisé peut amener, comme le montre notre expérience,
ces femmes globalement “sous-médicalisées” à un suivi gynéco-
DOSSIER
32
La Lettre du Gynécologue - n° 245 - octobre 1999
Tableau IV. Difficultés rencontrées par les médecins participants
(plusieurs réponses possibles).
52 médecins participants
n%
Manque de temps pour sensibiliser les femmes 15 29
Lourdeur de l’enquête épidémiologique 38 73
Remplissage de la feuille de soins 23 44
Mode de paiement 12 23
Délai de paiement 8 16
Interprétation du CR du frottis 4 8
Tableau III. Motifs de non-participation des médecins (plusieurs
réponses possibles).
N’ont jamais Arrêt en cours
participé de campagne
n=23 % n=22 %
Pas de demande des femmes 3 13 7 31
Pas de temps à consacrer
à la campagne 0 2 9
Pas d’activité gynécologique 11 48 3 14
Procédures de la campagne
trop complexes 4 17 16 73
Pas de femmes à inclure 1 4 0
Ne pratique pas de frottis 12 52 2 9
Refus de participation
à une campagne de masse 4 17 7 31