La pilule est la méthode contraceptive
la plus utilisée. Elle n’est plus taboue,
les médecins la prescrivent quasi-sys-
tématiquement aux jeunes filles, mais
elle ne convient pas à toutes les fem-
mes. En 2000, 60,8% des femmes de 20
à 44 ans ayant une contraception y
avaient recours.
Pourtant, plus les années passent, plus
les femmes s’en détournent. Les 20-24
ans (ayant des relations sexuelles et ne
désirant pas d’enfant) sont 68% à choi-
sir la pilule. Les 30-34 ans ne sont plus
que 43,8%1. Des chiffres qui s’expli-
quent d’abord par le « passage » au sté-
rilet mais pas seulement !
« Une jeune fille qui commence la
pilule à 16 ans en est lassée à 30. Si ma
génération était pro-pilule, la nouvelle
en ressent plus vite les contraintes
(prise quotidienne, contrôles sanguins,
visites médicales) », commente Nicole
Roussel, du Mouvement Français pour
le Planning Familial (MFPF).
LE RAS-LE-BOL DU COMPRIMÉ
À HEURE FIXE
Il a été entendu puisque aujourd’hui
sont commercialisés patch, anneau
vaginal et implant, qui dispensent les
femmes d’une gestion quotidienne de la
contraception. L’implant, par exemple,
évite les effets secondaires les plus
reprochés aux pilules œstro-progestati-
ves (problèmes circulatoires notam-
ment), mais peut en provoquer d’autres
(règles irrégulières, nausées). Une vic-
toire qui ne répond donc pas à tout !
« Pour les femmes jeunes qui ont vécu
leur sexualité à l’heure de la contracep-
tion moderne, les contraintes liées aux
effets secondaires et à la médicalisa-
tion apparaissent d’autant moins
acceptables que les conditions d’exer-
cice de la sexualité sont aujourd’hui
très différentes de celles qui prévalaient
dans les années 70 » expliquent les
sociologues de l’INSERM2.
La réticence hormonale de certaines
jeunes femmes d’aujourd’hui risque de
gagner demain leurs cadettes
puisqu’elle s’inscrit en plus dans un
esprit « bio » de plus en plus répandu.
« Le droit au bien-être sexuel apparaît
aujourd’hui légitime et peut conduire à
ressentir la prise d’une contraception
hormonale comme une contrainte anti-
naturelle » poursuivent les sociolo-
gues. « D’autant plus que se développe
une conscience globale des enjeux
écologiques à tous niveaux. Les recher-
ches en matière de contraception qui
visent à la seule amélioration des
contraceptifs existants n’ont pas tenu
compte de ces nouveaux enjeux. »
PEU D’ALTERNATIVE
Bien entendu, du côté des médecins,
c’est l’efficacité maximale qui prime,
d’où la forte prévalence de la contra-
ception hormonale. Seulement, si la
pilule est mal vécue, elle sera plus pro-
pice aux oublis ! Valérie Gelin, anima-
trice de prévention au Mouvement
Français pour le Planning Familial de
Marseille va plus loin : « L’efficacité
n’est pas la même pour les femmes qui
acceptent la pilule et pour celles qui la
subissent! » Martin Winckler (auteur
de La maladie de Sachs et médecin
spécialisé dans les questions de sexua-
lité et de contraception) fait le même
constat : « L’efficacité "théorique"
d’une méthode compte moins que le
choix et l’acceptation par la femme, en
connaissance de cause. Une pilule
qu’on ne tolère pas ou qu’on oublie est
moins efficace qu’un diaphragme
qu’on utilise bien... »
A l’heure actuelle, la contraception
hormonale est la seule proposée aux
françaises sans enfant3. Le stérilet,
même s’il existe pour les nullipares, est
souvent soumis au veto des gynécolo-
gues qui redoutent un risque d’infec-
tion. En 2000, seules 0,9% des 20-24 ans
et 7,5% des 25-29 ans utilisaient un sté-
rilet ! Les méthodes « barrière », type
spermicide ou diaphragme, considé-
rées comme trop peu fiables d’un
point de vue statistique sont, elles
aussi, rarement proposées.
LA PLUPART DES IVG DUES
À UNE CONTRACEPTION
INADAPTÉE
« La meilleure contraception est celle
qu’une femme choisi en connaissance
de cause, insiste Martin Winckler. Des
études récentes montrent que la plu-
part des grossesses non désirées - qui
se soldent par 203.000 IVG annuelles4-
ont pour cause les informations insuffi-
santes ou inappropriées délivrées par
des médecins qui ne connaissent que
la pilule contraceptive et rejettent les
méthodes plus sûres que sont le dispo-
sitif intra-utérin (DIU ou stérilet), l’im-
plant contraceptif et les progestatifs
injectables !5»
Situation contraceptive
des femmes au moment
de la conception ayant donné
lieu à une IVG (France)
Situation contraceptive
pas de contraception
pilule
préservatif
méthodes naturelles
stérilet
autres méthodes
total
Source : enquête Cocon 2000
(réalisée avec le soutien de l’INSERM, l’INED
et le laboratoire Wyeth-Lederlé)
1 Enquête Cocon-2000, INSERM/INED
2 De la contraception à l’avortement. Sociologie des
grossesses non prévues. Nathalie Bajos, Michèle
Ferrand et l’équipe Giné. INSERM (Institut National de
la Santé et de la Recherche Médicale)
3 Voir l’article de Winckler : l’ignorance criminelle des
médecins Nouvel observateur 29/01/04
4 Enquête sur les chiffres 2003. Direction de la
Recherche des Etudes de l’Evaluation et des
Statistiques. Parution : octobre 2005
5 Médecins sous influences, le Monde Diplomatique,
janvier 2003
%
28,1
23,1
19,3
19,1
7,0
3,4
100
2
UNE CONTRACEPTION EFFICACE
EST UNE CONTRACEPTION
CHOISIE