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PARTIE 1 – LA SYSTÉMIQUE ET L’APPRENTISSAGE EN RÉPONSE AUX LIMITES EN
STRATÉGIE DE PME
1.1- Les limites de la perspective prédominante en stratégie de PME
Le domaine de la stratégie est marqué par une perspective rationaliste qui inspire l’application du
«génie social» à la compréhension des phénomènes psychosociaux. Selon la perspective traditionnelle en
stratégie le modèle d’analyse stratégique SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats) est
un exemple de l’influence du «génie social» en stratégie. Cette perspective regroupe le courant de la
planification animé par Ansoff (1965), celui du design animé par Andrews (1987) et Learned et al. (1965),
celui du positionnement animé par Porter (1980, 1985) ainsi que leurs dérivés. Le modèle SWOT et toute
la perspective traditionnelle s’inspirent des bases théoriques héritées d’Aristote et de Descartes qui
propagent l’idéal de la séparation entre l’esprit et la matière, entre la pensée et l’action, en plus de l’idéal
de recherche de solutions aux problèmes à travers l’analyse basée sur la fragmentation de la réalité
(Calori, 1998).
Peu compatible avec le besoin de flexibilité des entreprises et avec le dynamisme des changements
environnementaux (d’Amboise, 1997; Mintzberg, 1994) la perspective traditionnelle en stratégie fait face
à un grand problème. Au cœur même des groupes universitaires qui soutiennent la perspective
traditionnelle, des chercheurs se questionnent sur le potentiel de la perspective traditionnelle face au
niveau actuel de complexité de l’environnement des entreprises. Dans Planning Review, le périodique de
la International Society for Strategic Management and Planning, certains universitaires se demandent si
faire de la stratégie de façon traditionnelle devient obsolète dans l’environnement chaotique qui
caractérise le monde des affaires (Reimann et Ramanujam, 1992).
La capacité rationnelle-analytique d’un acteur stratégique qui agit selon les préceptes traditionnels
en stratégie est fragile face à la complexité croissante qui caractérise le monde contemporain du
management. La rigidité et la formalité de la perspective traditionnelle vont à contresens avec le besoin de
flexibilité des entreprises. De plus, l’exercice de prévision avec précision, si important dans cette
perspective, reste fragile face aux turbulences environnementales qui réservent beaucoup de surprises aux
dirigeants. Tout cela est particulièrement problématique dans le cas des PME (d’Amboise, 1997).
Parmi les caractéristiques des PME qui rendent difficile l’utilisation de la perspective traditionnelle
en stratégie, il faut noter un bon nombre de particularités : (1) la fragilité de ces organisations; (2) la limite
des ressources, comme le personnel et la disponibilité financière; (3) à cause de sa centralité, le
propriétaire-dirigeant est souvent trop accaparé par le niveau opérationnel et son temps pour réfléchir et
travailler à la stratégie s’en trouve comprimé; (4) la flexibilité structurelle est une caractéristique
stratégiquement centrale des PME.
Ces remarques se répètent dans de nombreux travaux (par exemple, d’Amboise, 1997; Marchesnay,
1991; Miller et Toulouse, 1986; Patterson, 1986). Patterson fait remarquer que de faibles ressources
financières et un manque de temps sont les obstacles majeurs que les dirigeants de PME rencontrent lors
du processus de planification stratégique. Associés à un besoin de réponses rapides face aux défis d’un
environnement turbulent, ces facteurs poussent les PME à diminuer sensiblement l’écart temporel entre la
décision stratégique et sa mise en œuvre. Cette situation est plus propice à la réflexion-dans-l'action
(reflection-in-action – Schön, 1983) et à l’improvisation qui se basent plus sur l’intuition que sur
l’exercice de l’appréciation analytique formelle, typique de la perspective traditionnelle en stratégie.
Marchesnay (1991) et Wyer et Mason (1998) mettent l’accent sur la complexité, la turbulence et les
changements continuels propres au contexte des affaires. Selon eux, ces éléments font appel à
l’apprentissage plutôt qu’aux approches formelles et rationnelles en stratégie de PME. Dodgson (1991)
conclut que la capacité d’apprendre rapidement est un facteur clé pour le succès des grandes et des petites