HYPERTENSION Coordonnée par le Pr J.J. Mourad Pourquoi je prescris conjointement deux bloqueurs du SRA ? Cette rubrique a été réalisée avec le soutien institutionnel du Laboratoire MENARINI. Elle témoigne de l’engagement de MENARINI dans le domaine de l’hypertension artérielle. Dans le respect total de l’indépendance scientifique et éditoriale. Pr Jean-Michel Halimi, CHU de Tours Quel est l’intérêt potentiel d’un double blocage du système rénine-angiotensine (SRA) ? Sur le plan du traitement antihypertenseur, il n’existe aucune indication à un double blocage du SRA, et ce y compris dans le traitement des HTA réfractaires, où plusieurs études ont montré que l’adjonction de 2 bloqueurs du SRA ne modifiait pas le contrôle de la pression artérielle (− 4 mmHg en moyenne…). Concernant le rein, le bénéfice de ce double blocage n’a jamais été démontré pour les néphropathies avec faible protéinurie – essentiellement représentées par les néphropathies vasculaires. Il pourrait même être potentiellement dangereux, avec un risque majoré d’hyperkaliémie et d’insuffisance rénale aiguë dans les situations d’hypovolémie (diarrhées,­vomissements, infection, contexte post-chirurgical). En fait, la question du double blocage peut se poser pour les patients porteurs d’une néphropathie avec une protéinurie sévère (> 1 g/­jour, voire > 3 g/jour) chez lesquels il n’a pas été possible, malgré une prise en charge adaptée, de réduire cette protéinurie. La prise en charge doit avoir associé un traitement étiologique (corticoïdes et/ou immunosuppresseurs) et un traitement symptomatique dans un objectif de néphroprotection. Ce traitement symptomatique comprend : baisse de la pression artérielle et de l’apport sodé (6 g/24 heures), arrêt du tabagisme et perte de poids. Avant d’envisager toute prescription d’un double blocage, il convient donc de s’assurer que le traitement antihypertenseur adapté (diurétique et bloqueur du SRA aux doses maximales autorisées par l’AMM) est efficace – efficacité vérifiée par un holter tensionnel – et que la réduction de l’apport sodé est confirmée par une natriurèse des 24 heures (≤ 100 mmol/jour). Si l’indication d’un double blocage est retenue, quel est le spécialiste qui doit le prescrire et en assurer la surveillance ? Quelles sont les associations à privilégier en première intention ? Après discussion pluridisciplinaire avec le cardiologue, le médecin généraliste et le diabétologue, c’est le néphrologue qui prend l’entière responsabilité de cette prescription et qui doit définir très précisément les modalités du suivi (clinique et biologique) auprès de ses correspondants. Il est important en effet de surveiller la kaliémie et la créatininémie et de préciser la conduite à tenir en cas de survenue d’événements intercurrents. En première intention, il est logique d’associer un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II), avec la possibilité, en cas d’antécédents de toux ou d’intolérance aux IEC, d’avoir recours à un inhibiteur direct de la rénine (IDR). ­L’objectif principal est d’obtenir une réduction de la protéinurie à moins de 1 g/jour, en raison de la relation très forte existant entre le niveau de cette protéinurie et la dégradation ultérieure de la fonction rénale. La conduite à tenir pour le patient en cas de survenue d’événements intercurrents (bronchites, infections, diarrhées) est très importante : qui doit-il appeler, quels sont les médicaments dont il faut interrompre l’administration ? Le risque d’insuffisance rénale aiguë est réel, en particulier en situation d’hypovolémie. Une surveillance très stricte de la kaliémie doit être réalisée en raison du risque d’hyperkaliémie : quand faut-il arrêter le double blocage, faut-il ou non le reprendre par la suite ? Au total, cette prescription d’un double blocage du SRA relève purement du spécialiste néphrologue, et il faut être absolument certain que les bénéfices attendus sont en rapport avec les risques encourus. Elle ne concerne, en pratique, qu’un très faible pourcentage de patients. ■ La Lettre du Cardiologue Risque Cardiovasculaire • n° 444 - avril 2011 | 29