|1 Les limites du droit du patient Contexte « Nul n’est censé ignorer la loi » cependant la loi n’est pas toujours accessible à tout un chacun. Dans cette analyse, nous aborderons les limites du droit du patient, droit qui fait l’objet de tant de discussions et d’interrogations par les personnes handicapées impliquées sur le terrain. A ce sujet, il faut savoir que jusque l’an 2002, la législation en matière de droit du patient était floue et soumise à l’appréciation du médecin. Le patient ne pouvait pas invoquer de lois spécifiques. Il devait se référer aux droits de traités internationaux, à des principes généraux du droit, à des dispositions constitutionnelles et pénales. Peu de personnes avaient usage de ce droit puisque peu accessible. Cette nouvelle loi, le droit du patient, se montre innovatrice notamment par son langage accessible et précis à la fois. En outre, il faut savoir que la Belgique est le cinquième pays européen à avoir bénéficié d’une telle protection. L’A.S.P.H., en tant que mouvement de défense des droits des personnes handicapées et des personnes souffrant de maladies chroniques, s’intéresse de près à l’actualité et à l’accessibilité des droits pour chacun. Elle soutient cette loi et la volonté de son législateur de la vouloir précise et accessible. Cette loi présente cependant des limites auxquelles l’A.S.P.H. est sensible et attentive. A travers cette analyse, nous aborderons les limites de la loi du droit du patient. Afin de comprendre au mieux ces dernières, nous nous permettrons dans un premier temps de résumer brièvement la loi du droit du patient, en abordant notamment son champ d’application, son contenu et les institutions compétentes en la matière. Application de la loi Cette loi s’applique à toute « personne physique à qui des soins de santé sont dispensés, à sa demande ou non. Il faut entendre par soins de santé, les services dispensés par un praticien professionnel en vue de pouvoir, de |2 déterminer, de conserver, de restaurer ou d’améliorer l’état de santé d’un patient ou de l’accompagner en fin de vie. » 1 On entend, actuellement, par praticiens professionnels: les médecins, les dentistes, les pharmaciens, les kinésithérapeutes, les infirmiers et les paramédicaux, qu’ils travaillent ou non dans un établissement. En principe, le droit du patient est exercé par le patient lui – même. Toutefois, dans certains cas, en raison de l’incapacité de ce dernier, ses droits devront nécessairement être exercés par une autre personne. La représentation du patient La loi envisage trois situations mettant le patient dans l’incapacité d’exercer ce droit : 1. Le patient est mineur : l’exercice des droits revient aux parents ou au tuteur. La loi insiste cependant pour que le mineur soit associé à l’exercice de ce droit et prévoit même qu’il puisse l’exercer s’il en est capable compte tenu de son âge et de sa maturité. Cela pose des questions : Qu’en est – il de l’enfant présentant un handicap mental ? Qui juge de sa maturité ? Selon quels critères ? Qui veille à l’exercice de son droit ? 2. Le patient est majeur sous statut de minorité prolongée ou d’interdiction : l’exercice du droit revient également aux parents ou au tuteur. Leur enfant ou protégé sera également associé au maximum à l’exercice de ce droit, en fonction de ses capacités de compréhension. Cela pose certaines questions éthiques comme pour le patient mineur à savoir : qui juge de ses capacités ? Et selon quelle grille de critères ? 3. La personne est considérée comme juridiquement capable mais n’est plus à même d’exercer sa volonté : la capacité d’exercer ses droits est alors transférée, en ordre subsidiaire, aux personnes suivantes : • un mandataire désigné par mandat écrit, daté et signé par cette personne et le patient lorsque ce dernier était encore apte 1 Loi belge relative aux droits du patient, publiée au moniteur belge en date du 22/08/02. |3 • • • à le faire. Ce mandat peut être révoqué par le mandataire ou par le patient, via un écrit daté et signé ; l’époux(se) cohabitant(e), le cohabitant(e) légal ou de fait ; un enfant majeur, un parent, un frère ou une sœur majeur(e) ; le praticien. 2 Le patient est cependant associé à l’exercice de ses droits autant qu’il est possible et compte tenu de sa capacité de compréhension. Cette notion, une fois de plus, est difficile à évaluer. En outre, à qui en revient la tâche ? Avec quelle(s) compétence(s) dans le cadre du handicap mental ? Il est important de se souvenir que le représentant doit toujours intervenir dans l’intérêt du patient. Si le praticien estime que ce n’est pas le cas, il peut prendre une décision différente de celle du représentant à condition qu’elle soit à son tour dans l’intérêt du patient. La décision, au besoin, pourra résulter d’une concertation pluridisciplinaire. En cas de conflit éventuel entre le praticien professionnel et le représentant, il est possible de faire appel à la fonction de médiation compétente. Cependant, le prestataire de soins ne pourra pas déroger à la décision du mandataire désigné par le patient si celui – ci peut prouver que sa décision correspond à la volonté du patient. Contenu de la loi Les patients jouissent de sept droits, à savoir : • La prestation de services de qualité: chaque patient a le droit de se voir offrir, en fonction de ses besoins, des soins de santé efficaces, vigilants et de bonne qualité, et ce, dans le respect de sa dignité humaine et de son autonomie, sans la moindre discrimination 3. • Le libre choix du prestataire de soins : la loi reconnaît le droit de choisir son prestataire de soins à l’exception de : • lorsqu’il s’agit de traitements médicamenteux en prison ou de l’admission forcée d’une personne atteinte de maladie mentale ; 2 Question de droit : les droits du patient. 3 Question de droit : les droits du patient. |4 • • lorsque dans l’hôpital ou la clinique, il n’y a qu’un seul praticien compétent ou présent pour les soins requis. En outre, le patient a le droit de prendre contact avec un autre praticien professionnel et éventuellement de revenir à son choix. 4 L’information sur l’état de santé : « le patient a le droit, de la part du praticien professionnel, à toutes les informations qui le concernent et peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de santé et d’évolution probable » 5. Le praticien doit transmettre au patient des informations claires et précises sur le diagnostic et s’assurer que le patient comprend ces dernières. Si le patient ne souhaite pas en savoir d’avantage sur son état actuel de santé, le praticien est tenu de respecter sa demande et d’en garder trace dans son dossier sauf en cas où l’absence d’informations risque d’entraîner un préjudice grave à la santé de son patient ou à celle d’autres personnes ( ex : maladie contagieuse). Le praticien doit, dans ce cas de figure, consulter préalablement un collègue mais aussi la personne de confiance éventuellement désignée par son patient. a. Il existe à cette règle une exception thérapeutique : le praticien est en droit de ne pas informer son patient sur son état de santé, lorsqu’il estime que les informations risquent de lui causer préjudice. Ici encore, il ne peut prendre la décision sans en référer à un collègue et à la personne de confiance éventuellement désignée par son patient. En outre, il notera les raisons de son choix dans le dossier médical. Si les circonstances ont changé et que le patient ne risque plus de souffrir d’un préjudice grave en prenant connaissance de son état de santé, le praticien doit alors l’en informer 6. • Le consentement : le patient a le droit de donner ou de refuser son consentement après que le praticien lui ait transmis tous les aspects de son intervention. Celle-ci ne pourra avoir lieu sans son accord à l’exception des cas d’urgence et d’incertitude quant aux volontés du patient ou de son représentant. Le praticien pourra alors pratiquer 4 Question de droit : les droits du patient. 5 Loi belge relative aux droits du patient, publiée au moniteur belge en date du 22/08/02. 6 Question de droit : les droits du patient. |5 toute intervention nécessaire dans l’intérêt du patient. En outre, si un patient, après avoir été informé, n’exprime pas clairement son consentement mais ne montre aucune réticence à l’intervention, le praticien est en droit d’interpréter son comportement comme un consentement implicite. Le patient peut également retirer son consentement. • La consultation du rapport médical : cela implique que le praticien devra tenir à jour le dossier médical et le conserver en lieu sûr. Le patient peut lui demander d’y ajouter n’importe quel document (articles scientifiques, déclarations,…). Lorsque le patient en a fait la demande, le praticien a quinze jours pour le mettre à disposition du patient à l’exception des notes personnelles du praticien. En ce qui concerne l’exception thérapeutique que nous avons abordée précédemment, si le praticien estime que cette crainte est toujours d’actualité, alors seul un praticien désigné par ce même patient pourra consulter le dossier médical. • La protection de la vie privée : le patient a le droit au respect de son intimité. Les informations liées à sa santé ne peuvent pas non plus être divulguées. En outre, « sauf accord du patient, seules les personnes dont la présence est justifiée dans le cadre de services dispensés par un praticien professionnel peuvent assister aux soins, examens et traitements » 7 sauf dérogation légale et lorsque la protection de la santé publique ou celle des droits et des libertés d’autres personnes est en danger. • La médiation en matière de plaintes : lorsqu’un patient estime que ses droits ne sont pas respectés, il peut introduire une plainte. En effet, la loi prévoit une fonction de médiation en secteur hospitalier et ambulatoire. A cet effet, il existe des institutions compétentes. 7 Loi belge relative aux droits du patient, publiée au moniteur belge en date du 22/08/02. |6 Les institutions compétentes. La commission fédérale « droits du patient » : Cette commission collecte les informations concernant les matières relatives aux droits du patient, formule des avis à l’intention du ministre, évalue l’application de la loi et le fonctionnement des fonctions de médiateur et traite les plaintes relatives au fonctionnement des fonctions de médiation. 8 Le service de médiation fédéral « droits du patient » : Ce service de médiation est compétent pour renvoyer une plainte d’un patient concernant l’exercice de ses droits, accordés par la loi relative aux droits du patient, à la fonction de médiation locale compétente. S’il n’y a pas de fonction de médiation locale compétente, le service de médiation fédéral est compétent pour traiter lui – même la plainte. 9 Les services de médiation locaux « droits du patient » : Chaque hôpital dispose d’une fonction de médiation où le patient peut déposer une plainte en vertu d’un droit mentionné dans la loi relative aux droits du patient. 10 Les limites de la loi relative aux droits du patient. Cette loi se veut accessible à tous et claire. Cependant, elle présente des limites à différents niveaux : La loi sur les erreurs médicales : un patient qui subit un dommage à la suite d’une intervention médicale doit pour se faire indemniser, passer devant un tribunal civil et prouver l’existence du dommage, la faute du médecin et le lien entre les deux. En d’autres termes, il ne reçoit rien s’il n’arrive pas à convaincre le tribunal qu’il y a bien eu erreur médicale. Une loi, votée sous la précédente législature, visant à indemniser les erreurs médicales sans démontrer la faute d’un professionnel devrait rentrer en vigueur au plus tard en janvier 2009. Les questions éthiques : l’accès au dossier pose des questions d’ordre éthique notamment pour les personnes souffrant de maladie mentale ou présentant un handicap mental. Certains travailleurs sociaux font preuve d’innovation à ce sujet, d’autres peuvent refuser cet accès ou le limiter. www.portal.health.fgov.be www.portal.health.fgov.be 10 www.portal.health.fgov.be 8 9 |7 En effet, se posent des questions de compréhension, d’interprétation, parfois même de danger lorsqu’il s’agit de la lecture d’un dossier psychiatrique. En outre, qui peut juger des capacités d’une personne ? Selon quels critères objectifs ? L’isolement des patients et les mentalités : les patients peuvent avoir peur d’interpeller le médiateur craignant des vexations du personnel de soins, des « représailles »,… Ils possèdent parfois un réseau social pauvre voir inexistant. Dans ce cas, le médiateur A- t- il les moyens humains pour descendre sur le terrain ? Comment est–il vécu par les équipes de soins ? L’incapacité en raison d’un handicap : certaines personnes présentent un handicap physique et ont parfois besoin d’un membre du personnel pour se déplacer vers le médiateur, d’autres personnes ne savent pas téléphoner ou écrire. Qui sera le garant de leurs droits ? En outre, les personnes atteintes d’un double ou triple diagnostic n’ont pas toujours l’outillage pour se faire entendre. La question des effectifs en termes de personnel se posent également. La question de la relation de confiance : certains sujets sont difficiles à aborder tel que le respect de l’intimité, le respect de la vie privée. Conclusion Autrefois, les patients devaient se référer à plusieurs lois afin de connaitre leurs droits. Ce contexte rendait les droits du patient peu accessibles au public. En 2002, la loi du droit du patient voit le jour. Son législateur avait le souhait de la rendre accessible à tous. Elle reste cependant méconnue de beaucoup de personnes ou peu utilisée. Elle s’applique pourtant en principe à toute « personne physique à qui des soins de santé sont dispensés, à sa demande ou non. Il faut entendre par soins de santé, les services dispensés par un praticien professionnel en vue de pouvoir, de déterminer, de conserver, de restaurer ou d’améliorer l’état de santé d’un patient ou de l’accompagner en fin de vie. » 11 La personne peut également être représentée si elle est mineure, en minorité prolongée, en interdiction ou si elle n’est plus à même à exercer sa volonté. 11 Loi belge relative aux droits du patient, publiée au moniteur belge en date du 22/08/02. |8 Cette loi comporte 7 droits : • Le droit à des prestations de services de qualité, • Le libre choix du prestataire de soins, • L’information sur l’état de santé, • Le consentement, • La consultation du rapport médical, • La protection de la vie privée, • La médiation en matière de plaintes. Même si il existe des institutions compétentes pour veiller à l’application de ces derniers, la loi du droit du patient présente des limites à différents niveaux. Relevons tout d’abord que la loi sur les erreurs médicales n’est pas encore rentrée en vigueur. En plus, la loi sur le droit du patient se veut tellement innovatrice qu’elle se heurte encore aux mentalités et à la difficulté pour les patients de l’utiliser soit pour des raisons de type plus organisationnel soit pour des raisons d’ordre plus affectif ou encore en raison de leur réduction d’autonomie. Se posent également des questions en termes de moyens humains, matériels ou encore éthiques. Sources Adresses internet : www.portal.health.fgov.be www.droitbelge.be www.users.swing.be La loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient Brochure : question de droit, les droits du patient Article de journal : « la loi sur les erreurs médicales reportée », La Libre Belgique, 14/11/07. Date : 25 février 2008 Chargée d’analyse : Stéphanie Splingard Experte en législation Responsable A.S.P.H : Gisèle Marlière Secrétaire Nationale de l’Association Socialiste de la Personne Handicapée.