Introduction
Contexte
Les syndromes myéloprolifératifs (SMP) constituent un groupe d’hémopathies clonales caractérisées
par la prolifération d’une ou de plusieurs des lignées érythroïde, mégacaryocytaire ou granulocytaire
et conservant une capacité de différenciation en éléments matures
1
. Cette prolifération anormale
engendre un excès d’éléments myéloïdes matures dans le sang périphérique. Les SMP sont un
groupe de maladies rares, généralement découvertes au-delà de 60 ans, avec un âge médian de 60 à
70 ans au diagnostic. Classiquement, on distingue 2 catégories de SMP. D’une part, la leucémie
myéloïde chronique (LMC), définie comme étant une prolifération maligne et systématisée de la
lignée granulocytaire sans blocage de maturation. Cette maladie est systématiquement associée à la
présence du chromosome Philadelphie, issu de la translocation t(9;22)(q34;q11.2) et générant une
protéine de fusion BCR-ABL1
2
. L’incidence des LMC en France est de 1/100000 habitants par an pour
les hommes et de 0,6/100000 habitants par an pour les femmes (source InVs 2012). Depuis une
quinzaine d’années, l’utilisation d’inhibiteurs de tyrosine kinase, dont l’imatinib est le chef de file, a
révolutionné le pronostic des malades atteints de LMC, avec plus de 80% de survie à long terme
3,4
.
Les 3 autres principaux SMP de la classification OMS 2008 ne présentent pas de chromosome
Philadelphie (SMP Ph-)
5
: la polyglobulie de Vaquez (PV), caractérisée par une prolifération érythroïde
anormale, la thrombocytémie essentielle (TE), caractérisée par une prolifération anormale des
mégacaryocytes et la myélofibrose primitive (MF), caractérisée par une fibrose médullaire et une
hématopoïèse extramédullaire, essentiellement splénique. Avec 1965 nouveaux cas en France en
2012, l’incidence des SMP Ph- est très faible, de 1,8/100000 habitants par an pour les hommes et de
1,4/100000 habitants par an pour les femmes (source InVs 2012). Les patients atteints d’un SMP Ph-
ont une espérance de vie considérablement réduite
6
. En effet, ils sont exposés à un risque de
transformation leucémique
7,8
et de myélofibrose secondaire. Les infections et les maladies
cardiovasculaires et cérébrovasculaires sont les autres principales causes de décès après un SMP Ph-
9,10
.
Depuis 2005, la découverte en biologie moléculaire de la mutation ponctuelle V617F située dans
l’exon 14 du gène JAK2 codant pour la tyrosine kinase Janus-Activated Kinase 2 (JAK2)
11
, puis la
compréhension de l’hyperactivation de la voie de signalisation JAK/STAT comme étant le
dénominateur commun des SMP Ph-, ont permis à la fois une simplification du diagnostic
12
et
l’émergence de molécules ciblées efficaces, comme le ruxolitinib
13,14
. En effet, les mutations driver
mutuellement exclusives des gènes JAK2, CALR (calréticuline) et MPL (myeloproliferative leukemia
virus oncogene) sont retrouvées dans respectivement 95%, 0% et 0% des PV ; 60%, 20% et 3% des
TE ; et 60%, 25% et 7% des MF
15
. En outre, ces mutations ont été intégrées dans les critères
diagnostiques de la classification OMS 2016
16
. Malgré des avancées récentes dans la compréhension
de la physiopathologie des SMP grâce à la biologie moléculaire, l’étiologie des SMP reste inconnue.
Les études portant sur les facteurs de risque de développer un SMP mettent en évidence un rôle
possible de l’inflammation chronique
17
, de certaines maladies auto-immunes
18
, des mutagènes
environnementaux
19
et de l’utilisation d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause
20
. Une
étude épidémiologique scandinave chez 2213 personnes atteintes d’un SMP a montré une
prévalence plus importante de cancers préexistants avec un ratio standard de prévalence (RSP) de
1,20 (IC95% 1,07-1,34) par rapport à la population générale
21
. Dans la littérature, le risque de
développer une hémopathie myéloïde est connu après un cancer du sein
22
. En revanche, aucune
étude, à notre connaissance, n’a évalué l’antécédent de cancer solide comme facteur de risque de
développer un SMP.
Notre but était d’analyser le risque de développer un SMP après tout cancer solide avec une
attention particulière portée à l’étude du cancer du sein et des autres cancers hormonodépendants.