
Le Courrier des addictions (11) – n ° 4 – octobre-novembre-décembre 2009
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Zoom sur THS 9 :
Les addictions
La génétique
Il est loin le temps où l’on se permettait de dire,
même au sein de colloques professionnels et
scientifiques, que "les addictions sont un effet
du défaut de la volonté et que seule celle-ci peut
les défaire", comme le rappelait Jean-Pierre
Daulouède. "La saga de la découverte (en avril
2008) du premier gène de vulnérabilité pour les
addictions", contée par Philippe Gorwood à
Biarritz, est là pour en témoigner : de nom-
breux gènes candidats sont déjà connus pour
avoir un rôle potentiellement important dans
les variations interindividuelles de vulnérabili-
té de différents troubles addictifs (gène codant
pour le récepteur dopaminergique D2 dans le
syndrome du déficit de récompense, du neu-
ropeptide Y [NPY], du transporteur de la do-
pamine pour les syndromes de sevrage sévères,
du GABA-6 dans la dépendance à l’alcool, etc.).
Ils sont responsables d’effets très partiels, voire
mineurs, qui ne jouent un rôle que pour un pe-
tit nombre de patients et sont loin de rendre
compte de la complexité de tout ce qui peut
entrer en jeu dans l’émergence d’une addic-
tion. "La complexité du phénotype, l’héritabi-
lité modeste, la difficulté à reposer ces analyses
sur des approches plus biologiques, expliquent,
en bonne partie cet aspect minimaliste des ré-
sultats… La question se posait donc de savoir si
la génétique devait se contenter d’aspects aussi
discrets pour les années à venir", racontait Phi-
lippe Gorwood. Il répond : "Et bien non ! Car,
en avril 2008, a été découvert le premier gène
de vulnérabilité aux comportements addictifs.
La qualité des résultats initiaux, le nombre des
réplications et la cohérence des résultats, nous
permet d’affirmer, de manière assez exception-
nelle en psychiatrie génétique, que le cluster de
gènes en question constitue un facteur de risque
pour la dépendance au tabac" (à partir de la
réplication du rôle significatif de ce gène sur
une population de 3 000 adolescents français).
Or ce gène a déjà "des frontières phénotypiques
débordantes, puisque le risque d’alcoolodépen-
dance pourrait aussi être concerné… Une fois
que le fil d’Ariane est attrapé, le but du laby-
rinthe n’est plus très loin", concluait-il.
Les traitements
Depuis longtemps, les experts en neurobiolo-
gie, les psychiatres et les cliniciens ont prouvé,
par ailleurs, l’influence prépondérante des
facteurs de vulnérabilité aux addictions dans
la réussite ou l’échec des traitements, la plus
ou moins grande propension à "s’accrocher" et
à rechuter : "Ce sont les unlucky", comme les
appelait Charles O’Brien. Et, comme dans
nombre d’autres domaines de la médecine
(notamment en cancérologie), ce sont aussi les
facteurs de chance ou malchance de répondre
plus ou moins bien aux traitements. Mais
quels traitements ? Il semble que la polémique
de années 1980-1990, devenue nettement plus
tiède, ait cédé beaucoup de terrain à l’obser-
vation, l’expérimentation, l’évaluation. Et c’est
heureux !
Bien des intervenants et auteurs de posters ont
eu l’opportunité à Biarritz de conforter l’option
thérapeutique agoniste dans le traitement des
addictions aux opiacés, en particulier Miguel
Casas de Barcelone et, bien sûr, Marie-Jeanne
Kreek qui a rappelé qu’un million de patients
de par le monde étaient désormais sous traite-
ment de substitution par la méthadone (dont
250 000 aux États-Unis, 500 000 en Europe).
Mais, comme le Pr Charles O’Brien, elle a
pu développer également l’intérêt de "l’option"
antagoniste, avec la naltrexone, qui bloque
l’euphorie en inhibant la production de do-
pamine par les récepteurs opioïdes. "Dans les
études menées chez les alcooliques, on a donné
soit un placebo, soit de la naltrexone. Chez les
patients qui ont reçu le traitement, le craving
a notablement diminué et seulement 25 % des
patients en traitement rechutent contre 50 %
de ceux qui ont reçu le placebo", rappelait le Pr
O’Brien qui a été l’initiateur de ces travaux, qui
comptent désormais une trentaine d’études in-
ternationales.
Pascal Courty et Simon Duchâteau.
La douleur
Encore un domaine où il a fallu batailler pen-
dant des années pour faire reconnaître l’ina-
nité d’idées reçues sur la quasi-absence de
douleur aiguë, pourtant très déstabilisatrice,
du patient sous opiacés, héroïne ou traite-
ments de substitution. À Biarritz, l’équipe de
Clermont-Ferrand, Pascal Courty et Nicolas
Autier ont présenté des travaux portant sur la
comparaison des seuils de douleur de patients
substitués par méthadone ou buprénorphine
et de sujets sains contrôles. Les deux groupes
traités, de 30 patients chacun, ne diffèrent que
par la durée du traitement et les antécédents
d’injection (plus élevés dans le groupe métha-
done). En accord avec les critères d’exclusion,
les patients ne présentaient aucun toxique dans
les urines, à l’exception de cannabis, avec une
prévalence de 75 %. Les deux groupes étaient
comparables en termes d’humeur, de scores de
sévérité de l’addiction et de qualité de vie, ex-
pliquait Nicolas Authier. Résultats: "Respecti-
vement 68 % à 75 % et 28 % à 78 % des patients
méthadone et bupénorphine ont présenté une
hyperalgie mécanique et électrique statistique-
ment significative. Et cette hyperalgie semble
d’intensité et de prévalence supérieure dans
le groupe méthadone." Conclusion de Pascal
Courty: "En réalité les patients sous traitement
de substitution aux opiacés (TSO) font l’expé-
rience de la douleur. Ils connaissent à la fois la
tolérance aux opiacés et l’hyperalgésie comme
le prouvent des scores plus élevés concernant la
douleur. Néanmoins, leur douleur répond aux
opiacés et comme ils en ont besoin en première
ligne, il leur en faut en traitement de la douleur
de plus fortes doses ainsi qu’une fréquence et
une durée d’administration plus élevées."
Jean-Pierre Daulouède et Jean-Luc Venisse.
Jeu pathologique
Autre actualité de THS 9, poussée sur les de-
vants "de la scène" par la nécessité faite désor-
mais aux centres de soins d’accompagnement
et de prévention en addictologie, les CSAPA,
d’intégrer dans leurs activités les addictions
sans drogue : le jeu pathologique. Encore bien
peu exploré en France, il a donné lieu à un ate-
lier spécifique, présidé par le Pr Jean-Luc Ve-
nisse de Nantes, où se sont exprimés des spé-
cialistes canadiens et français. Ainsi Isabelle
Giroux, psychologue au centre d’excellence
québécois pour la prévention et le traitement
du jeu, a présenté deux études concernant les
Mary-Jeanne Kreek et Andrew Rosenblum.