
26 | La Lettre du Cancérologue • Suppl. 4 au vol. XIX - n° 6 - juillet 2010
Résumé
L’ASCO 2010 a été un grand cru pour les cancers de la prostate. L’intérêt d’associer une radiothérapie à
une hormonothérapie est maintenant confirmé sans conteste dans les formes localement avancées.
Dans les cancers résistants à la castration, les résultats positifs des études de phase III évaluant le déno-
sumab dans les métastases osseuses et le cabazitaxel après docétaxel devraient rapidement modifier les
pratiques. Dans les tumeurs germinales, les arguments se précisent en faveur de chimiothérapies à fortes
doses par rapport aux chimiothérapies conventionnelles dans les formes de mauvais pronostic et en cas
de rechute.
Dans les cancers de la vessie envahissant le muscle, le SOGUG (Spanish Oncology Genitourinary Group) a
été, comme les autres groupes, incapable de compléter le recrutement de son essai adjuvant de phase III.
Mots-clés
Cancer de la prostate
Hormonothérapie
adjuvante
Dénosumab
Cabazitaxel
Cancer du testicule
Cancer de la vessie
Highlights
The ASCO 2010 meeting has
been a great year for prostate
cancer. Radiotherapy combined
with hormonotherapy is now
indisputably confirmed as the
standard treatment of locally
advanced disease. The manage-
ment of castrate-resistant
metastatic prostate cancers
should change quickly with
the positive results of phase III
trials evaluating denosumab
versus zoledronic acid in bone
metastases and cabazitaxel
versus mitoxantrone after
docetaxel. New data suggest
that high-dose chemotherapy
may be superior to standard-
dose chemotherapy in poor
prognosis and in relapsed
germ-cell cancers.
In muscle-invading bladder
cancers, the Spanish Oncology
Genitourinary Group (SOGUG),
like the other groups, has been
unable to complete the recruit-
ment of a randomized phase III
adjuvant trial.
Keywords
Prostate cancer
Adjuvant hormonotherapy
Denosumab
Cabazitaxel
Testicular cancer
Bladder cancer
Biologie : BRAF et cancer de la prostate
Des gènes de fusion impliquant BRAF viennent d’être
décrits dans les cancers de la prostate ainsi que dans
d’autres cancers (estomac, mélanomes) [4]. Cela
pourrait peut-être ouvrir des perspectives dans ces
rares cas pour des traitements avec des inhibiteurs
de RAF et MEK.
Une expression aberrante d’ERG pourrait coopérer
avec des pertes de PTEN (Phosphatase and Tensin
Homolog deleted on chromosome TEN) [5] pour
promouvoir la progression tumorale ou coopérer avec
la voie PI3-kinase dans l’oncogenèse de la prostate (6).
Parmi les “gènes associés” d’intérêt, citons :
➤le KLK2 (human kallikrein-related protein 2) ;
➤le KLK3 (human kallikrein-related protein 3) ;
➤
le JAZF1, un répresseur transcriptionnel de NR2C2
(Nuclear Receptor subfamily 2, group C, member 2)
fortement exprimé dans le tissu prostatique, pourrait
interagir avec le récepteur aux androgènes (RA).
A. Vickers et al. ont rapporté que l’étude sanguine
d’un panel de 4 formes de kallicréines pourrait éviter
des biopsies inutiles (7).
Association
radiothérapie-hormonothérapie
Une étude intergroupe de phase III a comparé
blocage androgénique avec ou sans irradiation
dans les cancers localement avancés de la prostate
(NCIC/CTG, SWOG, MRC-UK, INT: T94-0110;
NCT00002633) [Warde PR et al., abstr. 4504].
L’incidence des tumeurs localisées à haut risque (≥ cT2
ou PSA ≥ 20 ng/ml ou score de Gleason ≥ 8) a diminué
ces dernières années (44 % entre 1990 et 1994, 29 %
entre 2001 et 2004, 24 % entre 2004 et 2007 dans
la base de données CaPSURE).
L’utilité d’associer une radiothérapie (RT) à une
hormonothérapie (HT) pour traiter les tumeurs
avancées n’était pas établie. Le but de cette étude
était donc d’évaluer l’impact de l’addition d’une RT
externe à une HT avec, comme critère de jugement
principal, la survie globale (SG) ; les objectifs secon-
daires étaient la survie spécifique, le temps jusqu’à
progression, le contrôle local symptomatique et la
qualité de vie. Au total, 1 205 patients présentant
une tumeur à haut risque ont été randomisés entre
un blocage androgénique continu par un agoniste
de la LHRH seul (n = 602) et une association de la
même HT avec une RT (n = 603) de 45 Gy au niveau
du pelvis plus un complément de 20-25 Gy au niveau
de la prostate (le radiothérapeute pouvant décider
néanmoins du caractère inapproprié d’une irradiation
pelvienne au cas par cas).
À 7 ans, un bénéfice en SG (74 % versus 66 % ;
HR : 0,77 ; IC
95
: 0,61-0,98 ; p = 0,0331) mais aussi
en survie spécifique (HR : 0,57 ; IC
95
: 0,37-0,78 ;
p = 0,001) ont été retrouvés en faveur du bras RT,
confirmant l’intérêt de la combinaison des deux
traitements (figure◆2).
Une étude randomisée française rapportée par
N. Mottet et al. (abstr. 4505) a également montré
l’impact d’une RT associée à un blocage hormonal
par un agoniste de la LHRH (ADT) pendant 3 ans
comparativement à la même HT dans les tumeurs
localement avancées (T3/T4 N0M0). Elle fait pendant
à l’étude canadienne précédente, avec la particu-
larité d’utiliser une durée de castration de 3 ans et
de compléter les données de l’essai de M. Bolla en
fournissant le bras traité par HT qui manquait. L’HT
faisait appel à la leuproréline à forme trimestrielle
pendant 3 ans associée au flutamide le premier mois.
La dose de RT conformationnelle délivrée était de
70 Gy ± 4 Gy (48 ± 2 Gy sur le pelvis).
Les critères de jugement principaux étaient les
survies sans progression (SSP) biologique et clinique
avec un bénéfice attendu de 15 % à 5 ans. Au total,
273 patients ont été randomisés (92 % de T3). Le PSA
moyen était de 51,7 ng/ ml dans le bras ADT seul versus
41,5 ng/ml dans le bras combiné. Avec un suivi médian
de 67 mois, une différence très significative de la
survie sans rechute biologique a été retrouvée, qu’elle
soit définie par les critères de l’ASTRO (médiane :
7,7 ans versus 1,7 an ; p < 0,0001) ou par les critères
plus récents de Phoenix (médiane : 6,96 ans versus
3,46 ans ; p = 0,0005). La SSP clinique était également
très significativement améliorée (88,7 % versus
62,3 % ; p < 0,001) ainsi que les survies sans rechute
loco-régionale (90,3 % versus 70,77 % ; p < 0,0002)
ou métastatique (97 % versus 89,23 % ; p = 0,018).
En revanche, la SG n’est pas modifiée (71,5 % versus
71,4 % ; p = 0,78), tout comme la survie spécifique
à 5 ans (93,2 % versus 86,1 % ; p = 0,11) [figure◆3].