R ev u e de presse Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris) Intérêt de l’activité physique dans le traitement des effets indésirables de l’hormonothérapie du carcinome prostatique La privation androgénique représente la base du traitement médical du carcinome prostatique, avec une extension de ses indications et du nombre de patients traités ces dernières années. Elle entraîne au long cours de multiples effets indésirables, limitant la qualité de vie des patients : ostéoporose et augmentation du risque fracturaire, diminution de la force musculaire, augmentation de l’incidence du syndrome métabolique avec augmentation de l’insulinorésistance, perturbation du bilan lipidique et augmentation de la masse grasse, troubles sexuels, anémie, fatigue, syndrome dépressif et troubles cognitifs, etc. J.R. Gardner et al. (1) proposent une revue systématique de la littérature sur l’intérêt de l’activité physique dans la prise en charge de ces effets indésirables. Les critères de sélection des études étaient la participation à un programme défini d’activité physique de patients traités par tout type de privation androgénique. Les études ne comportant qu’une incitation à l’activité physique ou celles associant l’activité physique à un traitement pharmacologique ou à une modification du style de vie (conseils diététiques, par exemple) étaient exclues. Dix études ont été sélectionnées, présentant des activités physiques hétérogènes, avec de faibles effectifs de patients (de 5 à 155 participants), principalement sans métastases. Les résultats sont hétérogènes mais montrent globalement une amélioration de la performance physique, notamment de la force musculaire, et une augmentation de la masse maigre après la période d’activité physique. Il n’y a pas de bénéfice démontré sur les facteurs de risque cardiovasculaires ou sur les troubles métaboliques. Une seule étude retrouve une atténuation de la déminéralisation osseuse. Il existe une baisse de la fatigue, mais les résultats sur la qualité de vie sont plus hétérogènes. Il n’y a pas d’effet sur le taux sanguin de PSA, ni sur la testostéronémie. Commentaire. Cette revue montre donc l’intérêt de promouvoir l’activité physique afin de limiter les effets indésirables musculosquelettiques attendus de la privation androgénique. Elle confirme plus généralement le bénéfice déjà démontré de l’activité physique dans la réduction des effets indésirables et l’amélioration de la qualité de vie des patients pendant et après un traitement carcinologique. Ces observations ont conduit les autorités à émettre des recommandations, dans le cadre d’une prévention plus Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014 large des risques cardiovasculaires et d’une promotion de la santé : la pratique de 30 minutes d’activité physique par jour, au moins 5 fois par semaine. Cependant, des questions restent en suspens en raison des limites de ce type d’études. En effet, les faibles effectifs, les problèmes méthodologiques, la grande hétérogénéité dans la nature, l’intensité et la fréquence de l’exercice proposé et l’association ou non à une prise en charge nutritionnelle ne permettent pas actuellement de définir les modalités optimales d’une activité physique adaptée. Plusieurs études monocentriques sont actuellement en cours en France (2). Quoi qu’il en soit, l’incitation à une activité physique devrait être systématique dans nos consultations, à tous les stades de la maladie. É. Coquan, Caen 1. Gardner JR, Livingston PM, Fraser SF. Effects of exercise on treatmentrelated adverse effects for patients with prostate cancer receiving androgendeprivation therapy: a systematic review. J Clin Oncol 2014;32(4):335-46. 2. Romieu I, Touillaud M, Ferrari P. Physical activity and cancer survival. Bull Cancer 2012;99(10):979-94. Pronostic des patients traités pour une TGNS métastatique présentant une maladie résiduelle infracentimétrique après chimiothérapie : surveillance ou curage ? Les données d’une méta-analyse Vingt à 25 % des patients atteints d’une tumeur germinale non séminomateuse (TGNS) métastatique présentent, après une chimiothérapie, des lésions résiduelles, le plus souvent ganglionnaires rétropéritonéales. Pour les lésions mesurant 1 cm ou plus, le rôle de la chirurgie d’exérèse est bien établi, et elle représente la règle dans toutes les recommandations. La conduite à tenir en dessous de cette taille est controversée : le pronostic est excellent aussi bien après une simple surveillance qu’après un curage rétropéritonéal. Les auteurs ont d’abord rapporté les données d’une cohorte du Dana Farber Cancer Institute de Boston. Sur 5,4 ans de suivi médian, après une simple surveillance, 3 des 47 patients ont rechuté ; mais, au bout de 4,2 ans en médiane après la rechute, tous 3 étaient en vie. Les auteurs ont ensuite fait une revue de la littérature et rassemblé les résultats dans une méta-analyse. Le taux de nécroses, de tératomes et de tumeurs actives était estimé, respectivement, à 71, à 24 et à 4 % pour les 588 patients ayant eu un curage. Pour les 455 patients simplement surveillés, le taux de rechute était de 5 %, pour un taux de récidive rétropéritonéale isolée de 3 % et 2 décès. Intérêt de l’activité physique dans le traitement des effets indésirables de l’hormonothérapie du carcinome prostatique Pronostic des patients traités pour une TGNS métastatique présentant une maladie résiduelle infracentimétrique après chimiothérapie : surveillance ou curage ? Les données d’une méta-analyse Induction rapide de variants d’épissage du récepteur aux androgènes sous acétate d’abiratérone Essai de phase III INTORACT : la combinaison temsirolimus + bévacizumab n’est pas supérieure à l’association interféron + bévacizumab Essai MRC RT01 : résultats à long terme Faute de mieux… Deep Impact Cancer de la prostate localisé traité par hormonothérapie seule 43 R ev u e Commentaire. La surveillance semble être une stratégie raisonnable, évitant un curage dans 97 % des cas. de presse précoce en association avec des inhibiteurs du RA au niveau du domaine de fixation du ligand, avant l’apparition de mécanismes de résistance supplémentaires. P. Beuzeboc, Paris • Ravi P, Gray KP, O’Donnell EK et al. A meta-analysis of patient outcomes with subcentimeter disease after chemotherapy for metastatic non-seminomatous germ cell tumor. Ann Oncol 2014;25(2):331-8. Induction rapide de variants d’épissage du récepteur aux androgènes sous acétate d’abiratérone Lors de l’échappement à l’acétate d’abiratérone (AA), la remontée du taux de PSA suggère la persistance de l’activité du récepteur aux androgènes (RA). Cependant, les mécanismes qui sous-tendent cette résistance ne sont pas tous connus. L’objectif de cette étude (1) était d’évaluer la contribution respective de la synthèse des androgènes et de l’expression de divers variants d’épissage dans les mécanismes d’échappement à l’AA. Le modèle humain de xénogreffe résistant à la castration VCaP utilisé exprime le gène de fusion TMPRSS2-ERG et répond initialement à l’AA ; la rechute survient au bout de 1 à 2 mois. Les résultats montrent que la réactivation du RA lors de la résistance à l’AA n’est pas associée à une restauration des androgènes intratumoraux. Cela concorde avec les données publiées par E. Efstathiou (2) montrant que les taux d’androgènes au niveau des métastases médullaires restaient effondrés lors de l’échappement à l’AA. Il n’a pas non plus été observé d’augmentation de coactivateurs bien caractérisés ou de baisse de corépresseurs. En revanche, une induction du principal variant d’épissage (AR-V7) apparaît rapidement par un phénomène de feed-back. Celle-ci est susceptible de médier une activité basale basse du RA immédiatement après une privation hormonale, mais pas l’activité élevée du RA dans les rechutes tumorales. Commentaire. Ces résultats suggèrent que les traitements ciblant les variants d’épissage devraient être plus efficaces en cas d’utilisation 44 P. Beuzeboc, Paris 1. Yu Z, Chen S, Sowalsky AG et al. Rapid induction of androgen receptor splice variants by androgen deprivation in prostate cancer. Clin Cancer Res 2014;20(6):1590-600. 2. Efstathiou E, Titus M, Tsavachidou D et al. Effects of abiraterone acetate on androgen signaling in castrate-resistant prostate cancer in bone. J Clin Oncol 2012;30(6):637-43. Essai de phase III INTORACT : la combinaison temsirolimus + bévacizumab n’est pas supérieure à l’association interféron + bévacizumab L’idée d’associer un antiangiogénique et un inhibiteur de mTOR suscitait l’espoir d’améliorer la prise en charge des patients souffrant d’un cancer du rein métastatique. L’essai de phase III INTORACT (1) a randomisé 791 patients atteints d’un cancer du rein à cellules claires métastatique en première ligne entre la combinaison classique bévacizumab + interféron (n = 391) [2] et une combinaison bévacizumab 10 mg/kg toutes les 2 semaines + temsirolimus 25 mg par semaine (n = 400). Il n’a pas été retrouvé de bénéfice en faveur du temsirolimus. Pour les bras temsirolimus et interféron, les médianes de survie sans progression ont été respectivement de 9,1 et de 9,3 mois (HR = 1,1 ; IC95 : 0,9-1,3) et les médianes de survie globale, de 25,8 et de 25,5 mois. Les taux de réponse objective ont été de 27 % pour les 2 combinaisons. Sur le plan de la tolérance, des réductions de dose ont été nécessaires dans 30 et 38 % des cas. Les effets indésirables les plus fréquents ont été les mucites, dans le bras temsirolimus, et l’asthénie, dans le bras interféron. Un délai thérapeutique, le plus souvent motivé par la présence d’une protéinurie, a été nécessaire dans 17 et 14 % des cas. Dans le bras temsirolimus, il a été rapporté un peu plus de toxicités de grade 3 ou 4 (80 % versus 76 %), et 19 patients (4,8 %) ont présenté une pneumopathie interstitielle, de grade 1 ou 2 dans la plupart des cas, ce qui correspond aux données attendues (3, 4). Commentaire. Au vu de ces résultats, la combinaison bévacizumab + temsirolimus ne peut être retenue comme une alternative thérapeutique en première ligne. Il faut aussi souligner que, dans l’étude de phase II TORAVA, cette association s’était montrée plus toxique que prévu (5). P. Beuzeboc, Paris 1. Rini BI, Bellmunt J, Clancy J et al. Randomized phase III trial of temsirolimus and bevacizumab versus interferon alfa and bevacizumab in metastatic renal cell carcinoma: INTORACT trial. J Clin Oncol 2014;32(8):752-9. 2. Escudier B, Pluzanska A, Koralewski P et al. Bevacizumab plus interferon alfa-2a for treatment of metastatic renal cell carcinoma: a randomised, double-blind phase III trial. Lancet 2007;370(9605):2103-11. 3. Bellmunt J, Szczylik C, Feingold J et al. Temsirolimus safety profile and management of toxic effects in patients with advanced renal cell carcinoma and poor prognostic features. Ann Oncol 2008;19(8):1387-92. 4. Maroto JP, Hudes G, Dutcher JP et al. Drug-related pneumonitis in patients with advanced renal cell carcinoma treated with temsirolimus. J Clin Oncol 2011;29(13):1750-6. 5. Négrier S, Gravis G, Pérol D et al. Temsirolimus and bevacizumab, or sunitinib, or interferon alfa and bevacizumab for patients with advanced renal cell carcinoma (TORAVA): a randomised phase 2 trial. Lancet Oncol 2011;12(7):673-80. Essai MRC RT01 : résultats à long terme Nous rapportons ici la publication des résultats à long terme (10 ans de suivi moyen) de l’essai anglais d’escalade de dose de D.P. Dearnaley, dont les résultats après 5 ans de suivi moyen avaient déjà été publiés. De 1998 à 2001, 843 patients T1b-T3a, N0, M0 ayant un taux de PSA inférieur à 50 ng/ml ont été randomisés entre un bras contrôle recevant 64 Gy et un bras escalade recevant 74 Gy. Dans les 2 bras, un étalement-fractionnement classique de 5 × 2 Gy par semaine était utilisé. Point important : un blocage androgénique était commencé 3 à 6 mois avant l’irradiation et poursuivi jusqu’à la fin de cette dernière. À 10 ans, la survie sans progression biochimique était de 43 % (IC95 : 38-48) dans le bras contrôle, contre 55 % (IC95 : 50-61) dans le bras escalade de dose (p = 0,0003). En revanche, la survie globale (SG) à 10 ans est identique dans les 2 bras : 71 % (p = 0,96). Commentaire. Tout d’abord, la publication tardive (par la force des choses) de ces résultats souligne bien les progrès techniques réalisés durant cet intervalle de temps : la dose Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014 Revue de presse Faute de mieux… fréquemment celles de Leydig. Elles représentent 4 à 5 % des tumeurs testiculaires et ne sont, le plus souvent, ni chimiosensibles ni radiosensibles, entraînant ainsi le décès des patients en situation métastatique. Dans une cohorte de 40 sujets atteints de tumeurs à cellules de Leydig, I. Kim et al. (1) avaient identifié 6 facteurs de risque associés à l’évolution métastatique : ✓ une taille tumorale supérieure à 5 cm ; ✓ la présence d’une nécrose ; ✓ les atypies nucléaires modérées et sévères ; ✓ l’envahissement lymphovasculaire ; ✓ l’atteinte des marges ; ✓ la visualisation de plus de 5 mitoses par champ de vision (à un grossissement × 10). J.L. Silberstein et al. (2), du service d’urologie du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (MSKCC), ont entrepris d’analyser rétrospectivement les dossiers de 48 patients souffrant d’une tumeur des cordons sexuels et du stroma afin de rechercher une corrélation entre le devenir des sujets et les traitements reçus ou les facteurs pronostiques précédemment rapportés. Parmi les 48 patients, 37, dont 3 présentant un facteur de risque d’évolution métastatique, ont été uniquement surveillés. Aucun n’a présenté de récidive au cours d’un suivi médian de 14,5 mois. Les 11 autres patients ont subi un curage ganglionnaire rétropéritonéal, soit d’indication de principe (n = 8 ; 6 cas de stade 1 ayant plus de 1 facteur de risque, et 2 cas de stade 2a), soit en raison d’une localisation rétropéritonéale de la maladie (n = 3) apparue après une surveillance initiale. Ces 3 patients opérés secondairement ont tous eu une récidive métastatique et sont décédés. Parmi les sujets opérés précocement, 2 récidives suivies de décès sont survenues dans des cas de stade 1 présentant au moins 2 facteurs de risque. Les auteurs ont conclu que les patients ne présentant pas plus de 1 facteur de risque d’évolution métastatique peuvent être simplement surveillés. Pour les autres patients, le curage ganglionnaire rétropéritonéal précoce peut être bénéfique, étant donné l’absence d’autre traitement efficace. Les tumeurs des cordons sexuels et du stroma sont des cancers rares, développés à partir des cellules endocrines du testicule, le plus Commentaire. Cette étude conforte la valeur pronostique des facteurs identifiés par I. Kim et al. dans une cohorte de patients atteints de tumeurs délivrée dans le bras contrôle est maintenant considérée comme totalement obsolète, et même le bras escalade de dose est nettement au- dessous des doses considérées comme les standards actuels quand on utilise la modulation d’intensité et des techniques guidées par l’image. Par ailleurs, comme dans d’autres essais de ce type (par exemple, l’essai français GETUG 06), l’avantage en survie sans récidive ne se traduit pas par un avantage en survie. Moyennant quoi, dans le cas présent, avec 10 ans de suivi moyen et une différence importante entre les 2 bras en termes de rechute et de progression de la maladie (57 % dans le bras contrôle contre 43 % dans le bras escalade de dose), cette absence totale d’avantage en survie ne manque pas d’étonner, et les auteurs consacrent d’ailleurs une longue discussion à ce résultat un peu surprenant. En fait, il est possible que le délai de 10 ans ne soit tout simplement pas encore suffisant pour détecter une différence de survie (P. Beuzeboc citait récemment dans ces colonnes un travail de Popiolek de 2013 suggérant que le “long terme” en matière de cancer prostatique, surtout pour les formes de risque faible, devait peut-être se définir à 20 ans). Par ailleurs, l’hormonothérapie ajoutée ici systématiquement dans les 2 bras a également pu brouiller les cartes, en retardant les rechutes. Enfin, les auteurs n’avaient pas prévu d’étudier la toxicité au-delà de 5 ans, si bien qu’ils se demandent honnêtement si une possible toxicité accrue de l’irradiation dans le bras escalade de dose n’aurait pas pu “rééquilibrer” les résultats de survie globale. Globalement, ce travail confirme l’intérêt (déjà reconnu) de l’escalade de dose en radiothérapie externe du cancer prostatique, en insistant sur les efforts (déjà effectués) pour réduire dans toute la mesure du possible la toxicité des nouveaux schémas de délivrance de ces hauts niveaux de dose. J.M. Cosset, Paris • Dearnaley DP, Jovic G, Syndikus I et al. Escalated-dose versus control-dose conformal radiotherapy for prostate cancer: long-term results from the MRC RT01 randomised controlled trial. Lancet Oncol 2014;15(4):464-73. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014 à cellules de Leydig au sein d’une cohorte moins homogène de 48 tumeurs des cordons sexuels et du stroma. En effet, parmi ces 48 patients du MSKCC, seuls 28 avaient une tumeur à cellules de Leydig. Treize patients avaient une tumeur de la granulosa ; 5, des tumeurs mixtes, et 2, des tumeurs inclassables. Le type histologique n’a pas été pris en compte en tant que facteur pronostique. Les auteurs concluent que les facteurs pronostiques préétablis permettent d’identifier les cas, quel que soit le sous-type de ces tumeurs, qui justifient un curage ganglionnaire rétropéritonéal de principe. L’identification de facteurs pronostiques dans des pathologies rares est d’autant plus difficile que l’événement que l’on souhaite prédire est peu fréquent. Dans le cas présent, le risque d’évolution métastatique des cordons sexuels et du stroma est évalué à 10 %, de sorte que de larges cohortes seraient nécessaires pour pouvoir démontrer l’indépendance statistique des facteurs pronostiques. Faute de mieux, les facteurs proposés par I. Kim et al. permettent d’identifier les tumeurs histologiquement “agressives” et, ainsi, de guider la prise en charge thérapeutique. Y. Neuzillet, Suresnes 1. Kim I, Young RH, Scully RE. Leydig cell tumors of the testis. A clinicopathological analysis of 40 cases and review of the literature. Am J Surg Pathol 1985;9(3):177-92. 2. Silberstein JL, Bazzi WM, Vertosick E et al. Clinical outcomes for local and metastatic testicular sex cord-stromal tumors. J Urol 2014 (Epub ahead of print). Deep Impact Les hommes porteurs d’une mutation somatique des gènes BRCA1 (Breast Cancer 1) ou BRCA2 ont un risque plus élevé de développer un cancer de la prostate. L’étude IMPACT (Identification of Men with a genetic predisposition to ProstAte Cancer: Targeted screening in BRCA1/2 mutation carriers and controls) a été menée par un groupe de 62 centres dans 20 pays et a évalué le dépistage ciblé du cancer de la prostate chez les hommes ayant une mutation somatique de BRCA1/2. Dans l’article récemment publié dans European Urology, E.K. Bancroft et al. rapportent les résultats initiaux de ce dépistage ciblé. Des hommes âgés de 40 à 69 ans et porteurs d’une mutation somatique de BRCA1/2 et 45 R ev u e des sujets témoins − chez qui les mutations ont été recherchées et qui s’en sont avérés exempts − ont bénéficié d’un dosage du PSA. Ceux qui avaient un taux de PSA supérieur à 3 ng/ml se sont vu proposer une ponction biopsie prostatique (PBP). L’incidence et les caractéristiques pathologiques des cancers de la prostate ainsi diagnostiqués dans les 2 groupes ont été comparées. L’étude a inclus 2 081 hommes (791 porteurs de mutations de BRCA1, 731 porteurs de mutations de BRCA2 et 959 témoins sans mutations) ; 199 avaient un taux de PSA supérieur à 3 ng/ml, parmi lesquels 162 ont subi une PBP, qui a permis de diagnostiquer 59 cas de cancer de la prostate (18 porteurs de mutations de BRCA1, 24 porteurs de mutations de BRCA2 et 17 témoins sans mutations). Les cancers de la prostate étaient classés comme étant à risque intermédiaire ou élevé dans 66 % des cas. Chez les porteurs d’une mutation de BRCA2, la valeur prédictive positive (VPP) d’un taux de PSA supérieur à 3 ng/ml pour le diagnostic de cancer de la prostate était de 48 %, soit le double de la VPP rapportée dans les études concernant le dépistage. Une fréquence plus élevée de cancer de la prostate de risque intermédiaire ou élevé a été observée chez les hommes porteurs de mutations de BRCA2. Les auteurs soulignent le fait que 95 % des sujets inclus dans cette étude étaient d’origine caucasienne et que leurs résultats ne peuvent donc pas être extrapolés à toutes les populations. Commentaire. Les résultats préliminaires de l’étude IMPACT confirment l’intérêt du dépistage ciblé du cancer de la prostate dans la population des hommes porteurs de mutations de BRCA1/2. Ces hommes sont identifiés lors des enquêtes génétiques menées dans les familles des patientes atteintes de cancer du sein ou de l’ovaire. Bien qu’ils ne représentent qu’un faible nombre d’individus, ils constituent une cohorte exposée à un risque élevé de cancer de la prostate agressif, notamment pour les porteurs de mutations de BRCA2, chez qui la conduite à tenir n’est pas définie par les recommandations françaises, européennes ni nord-américaines. Les conséquences psychologiques de l’annonce de ce risque et la demande de prise en charge 46 de presse qui en découle nécesssitent d’être évaluées. Il est probable que ces hommes jeunes, témoins d’un cancer dans leur entourage familial, seront demandeurs d’une prise en charge active. Les modalités de dépistage qui pourraient leur être proposées (dosage du PSA, IRM prostatique de diffusion et biopsies plus ou moins ciblées grâce aux techniques de fusion d’images) méritent également d’être évaluées afin d’apporter une réponse proportionnée à l’anxiété causée par l’annonce du risque. BRCA1 et BRCA2 ouvrent la boîte de Pandore du dépistage ciblé tant souhaité par les gestionnaires des dépenses de santé, soucieux de ne pas voir employées inutilement les ressources diagnostiques et thérapeutiques : les questions éthiques et pratiques posées par l’annonce d’un risque élevé de cancer de la prostate chez des individus a priori sains vont devoir être prises en compte. Y. Neuzillet, Suresnes • Bancroft EK, Page EC, Castro E et al. Targeted prostate cancer screening in BRCA1 and BRCA2 mutation carriers: results from the initial screening round of the IMPACT study. Eur Urol 2014 (Epub ahead of print). Cancer de la prostate localisé traité par hormonothérapie seule L’amélioration de la survie apportée par le blocage androgénique a été montrée dans 2 situations : en association avec la radiothérapie chez les patients ayant un cancer de la prostate de risque intermédiaire ou élevé et en cas d’envahissement ganglionnaire constaté après une prostatectomie avec curage lymphatique pelvien. Néanmoins, l’hormonothérapie est employée chez des patients en situation de récidive biologique après un traitement à visée curative et chez des patients ayant un cancer localisé de la prostate, mais pour lesquels un traitement curatif n’est pas réalisé. Aux États-Unis, entre 1998 et 2002, 40 % des patients âgés de plus de 65 ans ayant un cancer de la prostate localisé ont été initialement traités par une hormonothérapie isolée. Trois précédentes études menées au moyen du registre SEER (Surveillance, Epidemiology and End Results) avaient montré des résultats discordants quant aux avantages et inconvénients de l’hormonothérapie dans ces situations. Dans ce contexte, l’étude dont les résultats ont été récemment rapportés par A. Potosky et al. dans le Journal of Clinical Oncology prétend apporter des preuves du plus haut niveau de l’effet de l’hormonothérapie sur la survie globale (SG) et la survie spécifique chez les patients ayant un cancer de la prostate localisé. Les auteurs ont analysé les données provenant de 3 systèmes de santé américains, colligeant 68 058 cas de cancers de la prostate diagnostiqués entre 1995 et 2008, parmi lesquels 15 170 avaient reçu pour seul traitement une hormonothérapie par un agoniste de la LH-RH associé ou non à un antiandrogène. L’analyse a été menée en intention de traiter ; son critère de jugement principal était la mortalité, dont la cause était documentée au moyen du code ICD-10. Outre les critères pronostiques du cancer de la prostate (taux de PSA, score de Gleason et stade clinique), les variables prises en compte dans l’analyse étaient l’âge au moment du diagnostic, l’ethnie, l’année du diagnostic, la présence d’autres cancers et de 34 pathologies ainsi que l’index de comorbidité d’Elixhauser. Une analyse par sous-groupes a été réalisée en utilisant les critères de la classification de D’Amico et en fonction de l’âge des patients, selon 3 groupes : moins de 65 ans, 65 à 75 ans et plus de 75 ans. Les résultats montrent que l’hormonothérapie n’est pas associée à une variation de la mortalité globale ni de la mortalité spécifique. Une mortalité de cause cardiovasculaire accrue a été observée chez les patients traités par hormonothérapie, mais la différence n’était pas significative après ajustement statistique en fonction des comorbidités. En revanche, l’analyse en fonction des groupes de risque de D’Amico a montré que, sous hormonothérapie, la mortalité globale était plus faible chez les patients ayant un cancer de haut risque et plus élevée chez les patients ayant un cancer de faible risque. Commentaire. Les auteurs montrent que la majorité des patients ayant un cancer de la prostate localisé traité par hormonothérapie ne bénéficient pas de ce traitement. Cependant, dans le groupe des patients ayant un cancer de Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014 Revue de presse haut risque, l’étude met en évidence un bénéfice sur la SG. Les auteurs concluent toutefois que ce bénéfice est relativement faible et ne peut être considéré comme établi de manière définitive. Selon eux, dans ce groupe de patients, la prise en compte des comorbidités cardiovasculaires est indispensable. La mise en place d’une hormonothérapie pour le traitement d’un cancer de la prostate sans métastase caractérisée n’est clairement pas décidée selon des critères consensuels et alimente les discussions au cours des réunions de concertation pluridisciplinaire. Cette étude constitue la meilleure preuve scientifique disponible à ce jour de l’absence de bénéfice de l’hormonothérapie chez ces patients. Ainsi, la diffusion de ces résultats auprès des médecins et des chirurgiens spécialistes du cancer de la prostate devrait conduire à une réduction des prescriptions d’hormonothérapie en cas de cancer de la prostate localisé lorsque l’indication d’un traitement curatif n’est pas retenue. Il sera cependant toujours possible d’arguer que des éléments de décision, tels que la cinétique du PSA ou son temps de doublement, n’ont pas été pris en compte et que la plupart des patients de cette étude n’ont pas bénéficié d’un bilan d’imagerie diagnostique complet à la recherche de métastases. En outre, la qualité de vie des patients n’a pas été étudiée par cette analyse de registre, alors qu’il s’agit d’une préoccupation clinique majeure. Les registres des systèmes de santé sur lesquels s’appuie cette étude n’ont pas été conçus pour mener à bien des études scientifiques, et leur utilisation dans ce but est contestable. Néanmoins, ces résultats ne peuvent être ignorés, et la balance bénéfices/risques doit prendre en considération les facteurs de risque cardiovasculaires et les critères pronostiques du cancer de la prostate localisé avant l’instauration d’une hormonothérapie. Y. Neuzillet, Suresnes • Potosky AL, Haque R, Cassidy-Bushrow AE et al. Effectiveness of primary androgen-deprivation therapy for clinically localized prostate cancer. J Clin Oncol 2014;32(13):1324-30. P. Beuzeboc, J.M. Cosset et Y. Neuzillet n’ont pas déclaré leurs éventuels liens d’intérêts. E. Coquan déclare ne pas avoir de liens d’intérêts. UN PEU PLUS… …PRÈS DE VOUS La Lettre du Cancérologue Correspondances en Onco-Hématologie La Lettre du Sénologue Correspondances en Onco-Théranostic N O U S FA I S O N S D E V O S S P É C I A L I T É S N OT R E S P É C I A L I T É www.edimark.fr - Les Lettres, Correspondances, Les Courriers, Les Images, Les Pages de la Pratique Médicale Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - noLes 2 - avril-mai-juin 2014 47