R e v u e d e ... Intérêt de l’activité physique dans le traitement des eff ets indésirables de l’hormonothérapie du carcinome

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R ev u e
de
presse
Coordination : Philippe Beuzeboc et Stéphane Oudard (Paris)
Intérêt de l’activité physique
dans le traitement des effets indésirables
de l’hormonothérapie du carcinome
prostatique
La privation androgénique représente la base du traitement médical du carcinome prostatique, avec une
extension de ses indications et du nombre de patients
traités ces dernières années. Elle entraîne au long cours
de multiples effets indésirables, limitant la qualité de vie
des patients : ostéoporose et augmentation du risque
fracturaire, diminution de la force musculaire, augmentation de l’incidence du syndrome métabolique avec
augmentation de l’insulinorésistance, perturbation du
bilan lipidique et augmentation de la masse grasse,
troubles sexuels, anémie, fatigue, syndrome dépressif
et troubles cognitifs, etc.
J.R. Gardner et al. (1) proposent une revue systématique
de la littérature sur l’intérêt de l’activité physique dans
la prise en charge de ces effets indésirables. Les critères
de sélection des études étaient la participation à un
programme défini d’activité physique de patients traités
par tout type de privation androgénique. Les études
ne comportant qu’une incitation à l’activité physique
ou celles associant l’activité physique à un traitement
pharmacologique ou à une modification du style de
vie (conseils diététiques, par exemple) étaient exclues.
Dix études ont été sélectionnées, présentant des activités physiques hétérogènes, avec de faibles effectifs
de patients (de 5 à 155 participants), principalement
sans métastases. Les résultats sont hétérogènes mais
montrent globalement une amélioration de la performance physique, notamment de la force musculaire, et
une augmentation de la masse maigre après la période
d’activité physique. Il n’y a pas de bénéfice démontré
sur les facteurs de risque cardiovasculaires ou sur les
troubles métaboliques. Une seule étude retrouve une
atténuation de la déminéralisation osseuse. Il existe une
baisse de la fatigue, mais les résultats sur la qualité de
vie sont plus hétérogènes. Il n’y a pas d’effet sur le taux
sanguin de PSA, ni sur la testostéronémie.
Commentaire. Cette revue montre donc l’intérêt de promouvoir l’activité physique afin de limiter les effets indésirables musculosquelettiques attendus de la privation
androgénique. Elle confirme plus généralement le bénéfice
déjà démontré de l’activité physique dans la réduction des
effets indésirables et l’amélioration de la qualité de vie des
patients pendant et après un traitement carcinologique.
Ces observations ont conduit les autorités à émettre des
recommandations, dans le cadre d’une prévention plus
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
large des risques cardiovasculaires et d’une promotion de
la santé : la pratique de 30 minutes d’activité physique par
jour, au moins 5 fois par semaine. Cependant, des questions
restent en suspens en raison des limites de ce type d’études.
En effet, les faibles effectifs, les problèmes méthodologiques,
la grande hétérogénéité dans la nature, l’intensité et la fréquence de l’exercice proposé et l’association ou non à une
prise en charge nutritionnelle ne permettent pas actuellement
de définir les modalités optimales d’une activité physique
adaptée. Plusieurs études monocentriques sont actuellement en cours en France (2). Quoi qu’il en soit, l’incitation
à une activité physique devrait être systématique dans nos
consultations, à tous les stades de la maladie.
É. Coquan, Caen
1. Gardner JR, Livingston PM, Fraser SF. Effects of exercise on treatmentrelated adverse effects for patients with prostate cancer receiving androgendeprivation therapy: a systematic review. J Clin Oncol 2014;32(4):335-46.
2. Romieu I, Touillaud M, Ferrari P. Physical activity and cancer survival.
Bull Cancer 2012;99(10):979-94.
Pronostic des patients traités
pour une TGNS métastatique
présentant une maladie résiduelle
infracentimétrique après chimiothérapie :
surveillance ou curage ?
Les données d’une méta-analyse
Vingt à 25 % des patients atteints d’une tumeur germinale non séminomateuse (TGNS) métastatique
présentent, après une chimiothérapie, des lésions
résiduelles, le plus souvent ganglionnaires rétropéritonéales. Pour les lésions mesurant 1 cm ou plus, le rôle de
la chirurgie d’exérèse est bien établi, et elle représente
la règle dans toutes les recommandations. La conduite
à tenir en dessous de cette taille est controversée : le
pronostic est excellent aussi bien après une simple
surveillance qu’après un curage rétropéritonéal.
Les auteurs ont d’abord rapporté les données d’une
cohorte du Dana Farber Cancer Institute de Boston. Sur
5,4 ans de suivi médian, après une simple surveillance,
3 des 47 patients ont rechuté ; mais, au bout de 4,2 ans
en médiane après la rechute, tous 3 étaient en vie. Les
auteurs ont ensuite fait une revue de la littérature et
rassemblé les résultats dans une méta-analyse. Le taux de
nécroses, de tératomes et de tumeurs actives était estimé,
respectivement, à 71, à 24 et à 4 % pour les 588 patients
ayant eu un curage. Pour les 455 patients simplement
surveillés, le taux de rechute était de 5 %, pour un taux
de récidive rétropéritonéale isolée de 3 % et 2 décès.
Intérêt de l’activité
physique dans le traitement
des effets indésirables
de l’hormonothérapie
du carcinome prostatique
Pronostic des patients
traités pour une TGNS
métastatique présentant
une maladie résiduelle
infracentimétrique
après chimiothérapie :
surveillance ou curage ?
Les données
d’une méta-analyse
Induction rapide de variants
d’épissage du récepteur
aux androgènes sous
acétate d’abiratérone
Essai de phase III
INTORACT : la combinaison
temsirolimus +
bévacizumab n’est pas
supérieure à l’association
interféron + bévacizumab
Essai MRC RT01 :
résultats à long terme
Faute de mieux…
Deep Impact
Cancer de la prostate
localisé traité par
hormonothérapie seule
43
R ev u e
Commentaire. La surveillance semble être une
stratégie raisonnable, évitant un curage dans
97 % des cas.
de
presse
précoce en association avec des inhibiteurs du
RA au niveau du domaine de fixation du ligand,
avant l’apparition de mécanismes de résistance
supplémentaires.
P. Beuzeboc, Paris
• Ravi P, Gray KP, O’Donnell EK et al. A meta-analysis of patient
outcomes with subcentimeter disease after chemotherapy
for metastatic non-seminomatous germ cell tumor. Ann
Oncol 2014;25(2):331-8.
Induction rapide de variants
d’épissage du récepteur
aux androgènes sous acétate
d’abiratérone
Lors de l’échappement à l’acétate d’abiratérone (AA), la remontée du taux de PSA
suggère la persistance de l’activité du récepteur aux androgènes (RA). Cependant, les
mécanismes qui sous-tendent cette résistance ne sont pas tous connus. L’objectif de
cette étude (1) était d’évaluer la contribution
respective de la synthèse des androgènes et
de l’expression de divers variants d’épissage
dans les mécanismes d’échappement à l’AA.
Le modèle humain de xénogreffe résistant à
la castration VCaP utilisé exprime le gène de
fusion TMPRSS2-ERG et répond initialement
à l’AA ; la rechute survient au bout de 1 à
2 mois. Les résultats montrent que la réactivation du RA lors de la résistance à l’AA n’est
pas associée à une restauration des androgènes intratumoraux. Cela concorde avec
les données publiées par E. Efstathiou (2)
montrant que les taux d’androgènes au
niveau des métastases médullaires restaient
effondrés lors de l’échappement à l’AA. Il n’a
pas non plus été observé d’augmentation de
coactivateurs bien caractérisés ou de baisse
de corépresseurs. En revanche, une induction du principal variant d’épissage (AR-V7)
apparaît rapidement par un phénomène de
feed-back. Celle-ci est susceptible de médier
une activité basale basse du RA immédiatement après une privation hormonale, mais
pas l’activité élevée du RA dans les rechutes
tumorales.
Commentaire. Ces résultats suggèrent que
les traitements ciblant les variants d’épissage
devraient être plus efficaces en cas d’utilisation
44
P. Beuzeboc, Paris
1. Yu Z, Chen S, Sowalsky AG et al. Rapid induction of
androgen receptor splice variants by androgen deprivation
in prostate cancer. Clin Cancer Res 2014;20(6):1590-600.
2. Efstathiou E, Titus M, Tsavachidou D et al. Effects of abiraterone acetate on androgen signaling in castrate-resistant
prostate cancer in bone. J Clin Oncol 2012;30(6):637-43.
Essai de phase III INTORACT :
la combinaison temsirolimus +
bévacizumab n’est pas supérieure
à l’association interféron +
bévacizumab
L’idée d’associer un antiangiogénique et
un inhibiteur de mTOR suscitait l’espoir
d’améliorer la prise en charge des patients
souffrant d’un cancer du rein métastatique.
L’essai de phase III INTORACT (1) a randomisé
791 patients atteints d’un cancer du rein à
cellules claires métastatique en première
ligne entre la combinaison classique bévacizumab + interféron (n = 391) [2] et une
combinaison bévacizumab 10 mg/kg toutes
les 2 semaines + temsirolimus 25 mg par
semaine (n = 400). Il n’a pas été retrouvé de
bénéfice en faveur du temsirolimus. Pour les
bras temsirolimus et interféron, les médianes
de survie sans progression ont été respectivement de 9,1 et de 9,3 mois (HR = 1,1 ; IC95 :
0,9-1,3) et les médianes de survie globale,
de 25,8 et de 25,5 mois. Les taux de réponse
objective ont été de 27 % pour les 2 combinaisons. Sur le plan de la tolérance, des réductions de dose ont été nécessaires dans 30 et
38 % des cas. Les effets indésirables les plus
fréquents ont été les mucites, dans le bras
temsirolimus, et l’asthénie, dans le bras interféron. Un délai thérapeutique, le plus souvent
motivé par la présence d’une protéinurie, a
été nécessaire dans 17 et 14 % des cas. Dans
le bras temsirolimus, il a été rapporté un peu
plus de toxicités de grade 3 ou 4 (80 % versus
76 %), et 19 patients (4,8 %) ont présenté une
pneumopathie interstitielle, de grade 1 ou 2
dans la plupart des cas, ce qui correspond
aux données attendues (3, 4).
Commentaire. Au vu de ces résultats, la combinaison bévacizumab + temsirolimus ne peut être
retenue comme une alternative thérapeutique en
première ligne. Il faut aussi souligner que, dans
l’étude de phase II TORAVA, cette association
s’était montrée plus toxique que prévu (5).
P. Beuzeboc, Paris
1. Rini BI, Bellmunt J, Clancy J et al. Randomized phase III
trial of temsirolimus and bevacizumab versus interferon
alfa and bevacizumab in metastatic renal cell carcinoma:
INTORACT trial. J Clin Oncol 2014;32(8):752-9.
2. Escudier B, Pluzanska A, Koralewski P et al. Bevacizumab
plus interferon alfa-2a for treatment of metastatic renal
cell carcinoma: a randomised, double-blind phase III trial.
Lancet 2007;370(9605):2103-11.
3. Bellmunt J, Szczylik C, Feingold J et al. Temsirolimus safety
profile and management of toxic effects in patients with
advanced renal cell carcinoma and poor prognostic features.
Ann Oncol 2008;19(8):1387-92.
4. Maroto JP, Hudes G, Dutcher JP et al. Drug-related pneumonitis in patients with advanced renal cell carcinoma treated
with temsirolimus. J Clin Oncol 2011;29(13):1750-6.
5. Négrier S, Gravis G, Pérol D et al. Temsirolimus and bevacizumab, or sunitinib, or interferon alfa and bevacizumab
for patients with advanced renal cell carcinoma (TORAVA):
a randomised phase 2 trial. Lancet Oncol 2011;12(7):673-80.
Essai MRC RT01 :
résultats à long terme
Nous rapportons ici la publication des résultats à long terme (10 ans de suivi moyen)
de l’essai anglais d’escalade de dose de
D.P. Dearnaley, dont les résultats après 5 ans
de suivi moyen avaient déjà été publiés. De
1998 à 2001, 843 patients T1b-T3a, N0, M0
ayant un taux de PSA inférieur à 50 ng/ml
ont été randomisés entre un bras contrôle
recevant 64 Gy et un bras escalade recevant
74 Gy. Dans les 2 bras, un étalement-fractionnement classique de 5 × 2 Gy par semaine
était utilisé. Point important : un blocage
androgénique était commencé 3 à 6 mois
avant l’irradiation et poursuivi jusqu’à la fin de
cette dernière. À 10 ans, la survie sans progression biochimique était de 43 % (IC95 : 38-48)
dans le bras contrôle, contre 55 % (IC95 : 50-61)
dans le bras escalade de dose (p = 0,0003).
En revanche, la survie globale (SG) à 10 ans
est identique dans les 2 bras : 71 % (p = 0,96).
Commentaire. Tout d’abord, la publication
tardive (par la force des choses) de ces résultats souligne bien les progrès techniques réalisés durant cet intervalle de temps : la dose
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
Revue de presse
Faute de mieux…
fréquemment celles de Leydig. Elles représentent 4 à 5 % des tumeurs testiculaires et
ne sont, le plus souvent, ni chimiosensibles
ni radiosensibles, entraînant ainsi le décès
des patients en situation métastatique. Dans
une cohorte de 40 sujets atteints de tumeurs
à cellules de Leydig, I. Kim et al. (1) avaient
identifié 6 facteurs de risque associés à l’évolution métastatique :
✓ une taille tumorale supérieure à 5 cm ;
✓ la présence d’une nécrose ;
✓ les atypies nucléaires modérées et sévères ;
✓ l’envahissement lymphovasculaire ;
✓ l’atteinte des marges ;
✓ la visualisation de plus de 5 mitoses par
champ de vision (à un grossissement × 10).
J.L. Silberstein et al. (2), du service d’urologie
du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center
(MSKCC), ont entrepris d’analyser rétrospectivement les dossiers de 48 patients
souffrant d’une tumeur des cordons sexuels
et du stroma afin de rechercher une corrélation entre le devenir des sujets et les
traitements reçus ou les facteurs pronostiques précédemment rapportés. Parmi les
48 patients, 37, dont 3 présentant un facteur
de risque d’évolution métastatique, ont été
uniquement surveillés. Aucun n’a présenté
de récidive au cours d’un suivi médian de
14,5 mois. Les 11 autres patients ont subi
un curage ganglionnaire rétropéritonéal,
soit d’indication de principe (n = 8 ; 6 cas de
stade 1 ayant plus de 1 facteur de risque, et
2 cas de stade 2a), soit en raison d’une localisation rétropéritonéale de la maladie (n = 3)
apparue après une surveillance initiale. Ces
3 patients opérés secondairement ont tous
eu une récidive métastatique et sont décédés.
Parmi les sujets opérés précocement, 2 récidives suivies de décès sont survenues dans
des cas de stade 1 présentant au moins
2 facteurs de risque. Les auteurs ont conclu
que les patients ne présentant pas plus de
1 facteur de risque d’évolution métastatique
peuvent être simplement surveillés. Pour les
autres patients, le curage ganglionnaire rétropéritonéal précoce peut être bénéfique, étant
donné l’absence d’autre traitement efficace.
Les tumeurs des cordons sexuels et du stroma
sont des cancers rares, développés à partir
des cellules endocrines du testicule, le plus
Commentaire. Cette étude conforte la valeur
pronostique des facteurs identifiés par I. Kim et al.
dans une cohorte de patients atteints de tumeurs
délivrée dans le bras contrôle est maintenant
considérée comme totalement obsolète, et
même le bras escalade de dose est nettement
au- dessous des doses considérées comme les
standards actuels quand on utilise la modulation
d’intensité et des techniques guidées par l’image.
Par ailleurs, comme dans d’autres essais de ce type
(par exemple, l’essai français GETUG 06), l’avantage en survie sans récidive ne se traduit pas
par un avantage en survie. Moyennant quoi,
dans le cas présent, avec 10 ans de suivi moyen
et une différence importante entre les 2 bras en
termes de rechute et de progression de la maladie
(57 % dans le bras contrôle contre 43 % dans le
bras escalade de dose), cette absence totale
d’avantage en survie ne manque pas d’étonner,
et les auteurs consacrent d’ailleurs une longue
discussion à ce résultat un peu surprenant.
En fait, il est possible que le délai de 10 ans ne
soit tout simplement pas encore suffisant pour
détecter une différence de survie (P. Beuzeboc
citait récemment dans ces colonnes un travail de
Popiolek de 2013 suggérant que le “long terme”
en matière de cancer prostatique, surtout pour
les formes de risque faible, devait peut-être se
définir à 20 ans). Par ailleurs, l’hormonothérapie
ajoutée ici systématiquement dans les 2 bras a
également pu brouiller les cartes, en retardant les
rechutes. Enfin, les auteurs n’avaient pas prévu
d’étudier la toxicité au-delà de 5 ans, si bien qu’ils
se demandent honnêtement si une possible toxicité accrue de l’irradiation dans le bras escalade de
dose n’aurait pas pu “rééquilibrer” les résultats de
survie globale. Globalement, ce travail confirme
l’intérêt (déjà reconnu) de l’escalade de dose en
radiothérapie externe du cancer prostatique,
en insistant sur les efforts (déjà effectués) pour
réduire dans toute la mesure du possible la toxicité
des nouveaux schémas de délivrance de ces hauts
niveaux de dose.
J.M. Cosset, Paris
• Dearnaley DP, Jovic G, Syndikus I et al. Escalated-dose versus
control-dose conformal radiotherapy for prostate cancer:
long-term results from the MRC RT01 randomised controlled
trial. Lancet Oncol 2014;15(4):464-73.
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
à cellules de Leydig au sein d’une cohorte moins
homogène de 48 tumeurs des cordons sexuels
et du stroma. En effet, parmi ces 48 patients du
MSKCC, seuls 28 avaient une tumeur à cellules
de Leydig. Treize patients avaient une tumeur
de la granulosa ; 5, des tumeurs mixtes, et 2, des
tumeurs inclassables. Le type histologique n’a
pas été pris en compte en tant que facteur pronostique. Les auteurs concluent que les facteurs
pronostiques préétablis permettent d’identifier les
cas, quel que soit le sous-type de ces tumeurs, qui
justifient un curage ganglionnaire rétropéritonéal
de principe.
L’identification de facteurs pronostiques dans
des pathologies rares est d’autant plus difficile
que l’événement que l’on souhaite prédire est peu
fréquent. Dans le cas présent, le risque d’évolution
métastatique des cordons sexuels et du stroma
est évalué à 10 %, de sorte que de larges cohortes
seraient nécessaires pour pouvoir démontrer
l’indépendance statistique des facteurs pronostiques. Faute de mieux, les facteurs proposés par
I. Kim et al. permettent d’identifier les tumeurs
histologiquement “agressives” et, ainsi, de guider
la prise en charge thérapeutique.
Y. Neuzillet, Suresnes
1. Kim I, Young RH, Scully RE. Leydig cell tumors of the testis.
A clinicopathological analysis of 40 cases and review of the
literature. Am J Surg Pathol 1985;9(3):177-92.
2. Silberstein JL, Bazzi WM, Vertosick E et al. Clinical outcomes
for local and metastatic testicular sex cord-stromal tumors.
J Urol 2014 (Epub ahead of print).
Deep Impact
Les hommes porteurs d’une mutation somatique des gènes BRCA1 (Breast Cancer 1) ou
BRCA2 ont un risque plus élevé de développer
un cancer de la prostate. L’étude IMPACT
(Identification of Men with a genetic predisposition to ProstAte Cancer: Targeted screening
in BRCA1/2 mutation carriers and controls) a
été menée par un groupe de 62 centres dans
20 pays et a évalué le dépistage ciblé du
cancer de la prostate chez les hommes ayant
une mutation somatique de BRCA1/2. Dans
l’article récemment publié dans European
Urology, E.K. Bancroft et al. rapportent les
résultats initiaux de ce dépistage ciblé. Des
hommes âgés de 40 à 69 ans et porteurs
d’une mutation somatique de BRCA1/2 et
45
R ev u e
des sujets témoins − chez qui les mutations
ont été recherchées et qui s’en sont avérés
exempts − ont bénéficié d’un dosage du PSA.
Ceux qui avaient un taux de PSA supérieur
à 3 ng/ml se sont vu proposer une ponction
biopsie prostatique (PBP). L’incidence et les
caractéristiques pathologiques des cancers
de la prostate ainsi diagnostiqués dans les
2 groupes ont été comparées.
L’étude a inclus 2 081 hommes (791 porteurs de mutations de BRCA1, 731 porteurs
de mutations de BRCA2 et 959 témoins
sans mutations) ; 199 avaient un taux de
PSA supérieur à 3 ng/ml, parmi lesquels
162 ont subi une PBP, qui a permis de diagnostiquer 59 cas de cancer de la prostate
(18 porteurs de mutations de BRCA1, 24 porteurs de mutations de BRCA2 et 17 témoins
sans mutations). Les cancers de la prostate
étaient classés comme étant à risque intermédiaire ou élevé dans 66 % des cas. Chez
les porteurs d’une mutation de BRCA2, la
valeur prédictive positive (VPP) d’un taux
de PSA supérieur à 3 ng/ml pour le diagnostic de cancer de la prostate était de
48 %, soit le double de la VPP rapportée
dans les études concernant le dépistage.
Une fréquence plus élevée de cancer de la
prostate de risque intermédiaire ou élevé a
été observée chez les hommes porteurs de
mutations de BRCA2. Les auteurs soulignent
le fait que 95 % des sujets inclus dans cette
étude étaient d’origine caucasienne et que
leurs résultats ne peuvent donc pas être
extrapolés à toutes les populations.
Commentaire. Les résultats préliminaires de
l’étude IMPACT confirment l’intérêt du dépistage
ciblé du cancer de la prostate dans la population des hommes porteurs de mutations de
BRCA1/2. Ces hommes sont identifiés lors des
enquêtes génétiques menées dans les familles
des patientes atteintes de cancer du sein ou de
l’ovaire. Bien qu’ils ne représentent qu’un faible
nombre d’individus, ils constituent une cohorte
exposée à un risque élevé de cancer de la prostate agressif, notamment pour les porteurs
de mutations de BRCA2, chez qui la conduite à
tenir n’est pas définie par les recommandations
françaises, européennes ni nord-américaines.
Les conséquences psychologiques de l’annonce
de ce risque et la demande de prise en charge
46
de
presse
qui en découle nécesssitent d’être évaluées. Il
est probable que ces hommes jeunes, témoins
d’un cancer dans leur entourage familial, seront
demandeurs d’une prise en charge active. Les
modalités de dépistage qui pourraient leur être
proposées (dosage du PSA, IRM prostatique de
diffusion et biopsies plus ou moins ciblées grâce
aux techniques de fusion d’images) méritent également d’être évaluées afin d’apporter une réponse
proportionnée à l’anxiété causée par l’annonce
du risque. BRCA1 et BRCA2 ouvrent la boîte de
Pandore du dépistage ciblé tant souhaité par les
gestionnaires des dépenses de santé, soucieux de
ne pas voir employées inutilement les ressources
diagnostiques et thérapeutiques : les questions
éthiques et pratiques posées par l’annonce d’un
risque élevé de cancer de la prostate chez des
individus a priori sains vont devoir être prises
en compte.
Y. Neuzillet, Suresnes
• Bancroft EK, Page EC, Castro E et al. Targeted prostate cancer
screening in BRCA1 and BRCA2 mutation carriers: results
from the initial screening round of the IMPACT study. Eur
Urol 2014 (Epub ahead of print).
Cancer de la prostate localisé
traité par hormonothérapie seule
L’amélioration de la survie apportée par le
blocage androgénique a été montrée dans
2 situations : en association avec la radiothérapie chez les patients ayant un cancer
de la prostate de risque intermédiaire ou
élevé et en cas d’envahissement ganglionnaire constaté après une prostatectomie avec
curage lymphatique pelvien. Néanmoins,
l’hormonothérapie est employée chez des
patients en situation de récidive biologique
après un traitement à visée curative et chez
des patients ayant un cancer localisé de la
prostate, mais pour lesquels un traitement
curatif n’est pas réalisé.
Aux États-Unis, entre 1998 et 2002, 40 %
des patients âgés de plus de 65 ans ayant
un cancer de la prostate localisé ont été initialement traités par une hormonothérapie
isolée. Trois précédentes études menées
au moyen du registre SEER (Surveillance,
Epidemiology and End Results) avaient montré
des résultats discordants quant aux avantages
et inconvénients de l’hormonothérapie dans
ces situations. Dans ce contexte, l’étude dont
les résultats ont été récemment rapportés
par A. Potosky et al. dans le Journal of Clinical
Oncology prétend apporter des preuves du
plus haut niveau de l’effet de l’hormonothérapie sur la survie globale (SG) et la survie
spécifique chez les patients ayant un cancer
de la prostate localisé.
Les auteurs ont analysé les données provenant de 3 systèmes de santé américains,
colligeant 68 058 cas de cancers de la prostate diagnostiqués entre 1995 et 2008,
parmi lesquels 15 170 avaient reçu pour
seul traitement une hormonothérapie par
un agoniste de la LH-RH associé ou non à
un antiandrogène. L’analyse a été menée en
intention de traiter ; son critère de jugement
principal était la mortalité, dont la cause était
documentée au moyen du code ICD-10. Outre
les critères pronostiques du cancer de la prostate (taux de PSA, score de Gleason et stade
clinique), les variables prises en compte dans
l’analyse étaient l’âge au moment du diagnostic, l’ethnie, l’année du diagnostic, la présence d’autres cancers et de 34 pathologies
ainsi que l’index de comorbidité d’Elixhauser.
Une analyse par sous-groupes a été réalisée
en utilisant les critères de la classification de
D’Amico et en fonction de l’âge des patients,
selon 3 groupes : moins de 65 ans, 65 à 75 ans
et plus de 75 ans.
Les résultats montrent que l’hormonothérapie
n’est pas associée à une variation de la mortalité globale ni de la mortalité spécifique. Une
mortalité de cause cardiovasculaire accrue
a été observée chez les patients traités par
hormonothérapie, mais la différence n’était
pas significative après ajustement statistique
en fonction des comorbidités. En revanche,
l’analyse en fonction des groupes de risque
de D’Amico a montré que, sous hormonothérapie, la mortalité globale était plus faible
chez les patients ayant un cancer de haut
risque et plus élevée chez les patients ayant
un cancer de faible risque.
Commentaire. Les auteurs montrent que la
majorité des patients ayant un cancer de la
prostate localisé traité par hormonothérapie ne
bénéficient pas de ce traitement. Cependant,
dans le groupe des patients ayant un cancer de
Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014
Revue de presse
haut risque, l’étude met en évidence un bénéfice
sur la SG. Les auteurs concluent toutefois que ce
bénéfice est relativement faible et ne peut être
considéré comme établi de manière définitive.
Selon eux, dans ce groupe de patients, la prise en
compte des comorbidités cardiovasculaires est
indispensable. La mise en place d’une hormonothérapie pour le traitement d’un cancer de la
prostate sans métastase caractérisée n’est clairement pas décidée selon des critères consensuels et alimente les discussions au cours des
réunions de concertation pluridisciplinaire. Cette
étude constitue la meilleure preuve scientifique
disponible à ce jour de l’absence de bénéfice de
l’hormonothérapie chez ces patients. Ainsi, la
diffusion de ces résultats auprès des médecins
et des chirurgiens spécialistes du cancer de la
prostate devrait conduire à une réduction des
prescriptions d’hormonothérapie en cas de
cancer de la prostate localisé lorsque l’indication d’un traitement curatif n’est pas retenue. Il
sera cependant toujours possible d’arguer que
des éléments de décision, tels que la cinétique du
PSA ou son temps de doublement, n’ont pas été
pris en compte et que la plupart des patients de
cette étude n’ont pas bénéficié d’un bilan d’imagerie diagnostique complet à la recherche de
métastases. En outre, la qualité de vie des
patients n’a pas été étudiée par cette analyse
de registre, alors qu’il s’agit d’une préoccupation clinique majeure. Les registres des systèmes
de santé sur lesquels s’appuie cette étude n’ont
pas été conçus pour mener à bien des études
scientifiques, et leur utilisation dans ce but est
contestable. Néanmoins, ces résultats ne peuvent
être ignorés, et la balance bénéfices/risques doit
prendre en considération les facteurs de risque
cardiovasculaires et les critères pronostiques du
cancer de la prostate localisé avant l’instauration
d’une hormonothérapie.
Y. Neuzillet, Suresnes
• Potosky AL, Haque R, Cassidy-Bushrow AE et al. Effectiveness
of primary androgen-deprivation therapy for clinically localized prostate cancer. J Clin Oncol 2014;32(13):1324-30.
P. Beuzeboc, J.M. Cosset et Y. Neuzillet n’ont pas déclaré
leurs éventuels liens d’intérêts.
E. Coquan déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
UN PEU PLUS…
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