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CONFERENCE 28 août 2014 (EEE)
La productivité au secours de la croissance ?
Intervenants :
Conférence animée par Jean-Marc Vittori (Les Échos)
- GILBERT CETTE Économiste, Banque de France
- ALEXANDRA ROULET Économiste, Harvard University, USA
- AUGUSTIN DE ROMANET DE BEAUNE PDG, Aéroports de Paris
Introduction :
La productivité est un facteur prépondérant de la croissance. Dans quelle mesure peut-on
compter sur des gains de productivité à venir pour relancer la croissance ? À qui profite la
croissance désormais?
Intervention de Gilbert Cette :
1. L’évolution de la productivité montre des « vagues » de productivité en longue
période. Prenons ainsi les évolutions de la productivité horaire du travail depuis 1890 :
- À la fin de la première révolution industrielle : baisse qui correspond à la fin de la
première vague d’innovations.
- La seconde révolution industrielle marque le début d’une seconde vague
d’innovations : augmentation puis baisse de la productivité du travail.
- Au début des années 1980 : petite vague qui s’épuise au début des années 2000 (TIC).
Cette 3e vague est beaucoup plus courte (30 ans).
Enjeu = Est-ce que les TIC c’est fini ou pourrait-on connaître une nouvelle vague portée par
de nouvelles innovations liées aux TIC ?
Exemple : la future puce 3D démultiplierait les capacités mais débat sur sa pertinence et son
efficacité.
2. Comparaison des évolutions de la productivité entre les États-Unis et la France :
En France, on a moins profité de la première révolution industrielle que les États-Unis. Par
contre, rattrapage phénoménal suite à la seconde guerre mondiale (après un effondrement au
moment de la crise des 30’s). À présent, à notre époque, ralentissement de cette croissance de
la productivité du travail par rapport aux États-Unis. D’où la question :
Comment se fait-il que les TIC, pourtant accessibles à tous, bénéficient beaucoup moins à
l’ensemble de la population en France qu’aux États Unis ? Pourquoi ce décalage ?
Remarque préalable : Attention, la performance en termes de productivité des pays européens
est une illusion car les taux d’emploi sont plus faibles et la durée du travail plus courte, ce qui
a un effet positif sur la productivité du travail du fait de la loi de rendements décroissants. Si
l’on prend les niveaux de productivité du travail corrigés : notre niveau de productivité en
France serait beaucoup plus bas. On décroche en fin de période car révolution technologique
moins présente.
La diffusion des TIC, plus ou moins forte selon les pays, s’expliquerait donc par le rôle des
institutions. Notamment par les écarts d’éducation de la population en âge de travailler, et les
rigidités sur le marché des biens et du travail.
Dans l’avenir, les réformes structurelles joueront un rôle central.
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Intervention d’Alexandra Roulet :
Problématique=Les PP (pouvoirs publics) sont-ils capables de provoquer et encadrer la
prochaine vague de productivité ?
Remarque préalable : On ne peut pas tout attendre des PP.
1. Depuis le « miracle de la productivité » qui a eu lieu entre la fin de la seconde guerre
mondiale et 1985, la croissance de la productivité diminue mais en niveau continue à
augmenter. Exception : à partir de 1995, l’utilisation des TIC entraîne aux États-Unis
une forte augmentation de la productivité du travail. Mais pourquoi ce phénomène ne
s’est pas produit en Europe alors que le prix des TIC a également baissé ?
2 types de réponses :
- Rôle des institutions et de l’environnement : réglementation, marché du travail
- Rôle des pratiques de management, de l’organisation des firmes
Cette deuxième explication a été notamment analysée dans une étude de la productivité en
Europe des filiales des firmes américaines : les filiales américaines en Europe sont plus
productives que les firmes françaises ou les filiales des firmes non américaines. Elles ont une
productivité supérieure pour un stock égal de TIC. Donc plus gros retour sur investissement
en TIC pour les filiales américaines.
Or, on observe des différences de pratiques de management (pas de promotion à l’ancienneté
de la même façon, les cadres seniors ne sont pas incités de la même façon à recruter de
nouveaux talents…). Ce rôle de l’organisation interne des firmes sur les écarts de productivité
montre que l’on ne peut pas tout attendre des pouvoirs publics.
2. Néanmoins, trois rôles des pouvoirs publics :
- Amélioration du capital humain médian : lutter contre décrochage scolaire, familiariser
les jeunes avec l’esprit d’initiative, repenser la formation des seniors, en particulier
leur adaptation face aux changements technologiques.
- L’environnement : Basculer dans un équilibre il est rentable, même sans
subventions, d’utiliser des technologies propres. Il faut donc une rupture
technologique, l’utilisation de technologies propres serait rentable en elle-même. Il
faut donc aussi subventionner à court terme la recherche et développement dans les
nouvelles technologies, les énergies alternatives, l’environnement.
- Répartition des gains de productivité :
Aux EU : les gains de productivité n’ont pas néficié aux bas revenus (c’est-à-dire
revenus inférieurs au revenu médian). Stagnation du bas de l’échelle des revenus. Les
gains de productivité ont profité aux propriétaires du K (la part du L dans la VA a
diminué) et aux plus qualifiés.
Cf. L’ouvrage « House of debt
1
» pour une analyse des conséquences
macroéconomiques (comme une conso déprimée) de cette stagnation du revenu
médian. Attention : la crise ne résulte donc pas, comme certains l’ont cru, d’un
problème de surproduction, mais de répartition de la richesse.
1
http://houseofdebt.org/
House of Debt: How They (and You) Caused the Great Recession, and How We Can Prevent It from Happening
Again Hardcover, 2014, A. Mian, A. Sufi
Résumé de la quatrième de couverture : La récession aux États-Unis a provoqué la perte de 8 millions d’emplois
entre 2007 et 2009. Plus de 4 millions de maisons ont été perdues du fait des saisies. Est-ce une coïncidence que
les États-Unis aient été témoins de l’augmentation de la dette des ménages la plus dramatique durant ces années,
que le montant total de la dette des ménages américains ait doublé entre 2000 et 2007 pour atteindre 14 000
milliards de dollars ? Certainement pas.
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On estime les gains en PIB avec moins de rigidités structurelles (si le niveau de régulation en
France était celui d’autres pays) : le PIB pourrait être relevé de 9 points.
Intervention d’A. DE ROMANET DE BEAUNE
1. Rappels:
- Définition de la productivité et place dans la croissance ; croissance extensive ou
intensive. Comme l’augmentation du K et L marque des limites, innovation reste
comme moteur de la croissance
- 4 types d’innovations (de produit, procédé, commercialisation et d’organisation)
- Si une situation est catastrophique auparavant, la productivité peut exploser sans que
cela soit nécessairement positif.
Ex : Lors de la crise, le BTP s’est effondré en Espagne et ce secteur avait une très faible
productivité ; la baisse de la part relative de ce secteur dans l’économie espagnole a donc fait
remonter la productivité.
Au contraire, un ralentissement de la productivité peut parfois signifier un enrichissement de
la croissance en emplois (notamment en emplois faiblement qualifiés)
Ex : enrichissement de la croissance en emplois très peu productifs au RU par Cameron
2. Débat : l’innovation, le PT est-il durablement affaibli ou pas ?
- cf. « Un monde de violence »
2
JH Lorenzi
- Pour Phelps, c’est l’innovation qui est à l’origine du déclin économique des pays
occidentaux. Plus de déversement de l’innovation dans la croissance. Les TIC sont
circonscrites à un unique secteur, incapable d’irriguer l’économie.
Ex : la loi de Moore (selon laquelle la productivité des puces électroniques doublerait tous
les18 mois à prix constant), vraie pendant 20 ans, est aujourd’hui remise en cause.
- D’un autre côté, le PT pourrait repartir avec de nouvelles innovations : les
nanotechnologies, les biotechnologies et NBIC (cyborg), le développement du
numérique, l’éco collaborative (ex : les MOOC) peuvent être de nouvelles sources de
croissance.
- Cf. aussi le débat entre les luddistes et anti-luddistes
(rappel : 1811 : l’ouvrier Ludd à Londres s’oppose aux nouvelles machines à tisser, par
crainte des destructions d’emplois. Mais bien avant Ludd, certains redoutaient que
l’imprimerie fasse disparaître les copistes)
Idées néo-luddistes : Crainte d’une substitution trop rapide du K au L. Après que l’agriculture
- comme secteur prépondérant- disparaît, les emplois vont apparaître dans l’industrie. Quand
l’industrie disparaît, les emplois vont apparaître dans les services. Et maintenant que les
services disparaissent au profit des automates et des robots, comment créer de l’emploi ?
Réponse de l’intervenant : Refusons les innovations néo-luddistes : les besoins des humains
sont infinis.
Ex : dans les aéroports : possibilité de contrôle des passeports par les humains ou un scanner
(technologie PARAF). Ce dernier est à développer car cela bénéficie au conso, au
contribuable, à la police de l’air qui est moins occupée. Les policiers se sont opposés à la mise
en place de ce dispositif.
Sur le long terme, les besoins de services à la personne et de contacts humains sont tels que
les emplois ne disparaîtront pas.
2
https://www.youtube.com/watch?v=12LTRpMIJRI (pour un résumé en vidéo)
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Réponse aux questions de la salle :
Remarque d’A. Roulet :
On distingue 3 types de facteur travail :
- Le L qualifié
- Le L non qualifié routinier
- Le L non qualifié et routinier ou à caractère personnel (ex : relations interpersonnelles
pour les agents d’accueil)
Seul le travail routinier peut être remplacé par du capital. Il faut donc développer les
deux autres.
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