Le Courrier de la Transplantation - Volume V - n
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2 - avril-mai-juin 2005
DOSSIER
thématique
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patients diabétiques. Le FK506 présente
un risque diabétogène non négligeable.
La rapamycine également, quand elle
est employée en combinaison avec le
FK506 (8). Les inhibiteurs de calcineu-
rine, de façon générale, interfèrent avec
une fonction normale des cellules β(9,
10). De plus, ces inhibiteurs augmentent
très fortement le risque d’insuffisance
rénale, déjà très élevé chez les patients
diabétiques. D’autre part, les effets
indésirables classiques des immunosup-
presseurs sont lourds, avec des risques
élevés de dyslipidémie, d’hypertension,
de neuropathie, mais aussi d’infections
et de cancers. Tout cela restreint grande-
ment l’indication de la transplantation
d’îlots.
Une étude réalisée sur les patients trans-
plantés aux États-Unis s’est intéressée à
la mortalité de patients diabétiques
(avec une fonction rénale préservée)
ayant reçu une greffe d’îlots, comparati-
vement à celle de patients dont le diabète
présentait un même niveau de difficulté
de contrôle, mais qui étaient toujours
sur liste d’attente pour cette même
transplantation. Les résultats assez
inquiétants montrent une augmentation
de la mortalité parmi les patients greffés
(11). Cette mortalité accrue est suppo-
sée être liée à l’immunosuppression. On
peut légitimement penser qu’aujour-
d’hui les seuls patients ayant intérêt à la
transplantation sont ceux qui ont subi
ou qui envisagent une autre greffe, très
probablement rénale, et donc déjà sous
thérapie immunosuppressive, ou bien
ceux dont le diabète ne peut pas être
efficacement contrôlé et qui souffrent
d’épisodes hypoglycémiques sévères et
récurrents.
Si l’on veut élargir le champ d’applica-
tion de la greffe d’îlots aux enfants ou
aux personnes dont le diabète est bien
régulé par les thérapies classiques, il
paraît crucial de développer des straté-
gies alternatives permettant l’induction
de tolérance aux greffes d’îlots. La tolé-
rance s’entend ici comme l’acceptation
définitive de la greffe en l’absence d’im-
munosuppression continue et en mainte-
nant l’immunocompétence du patient
greffé. De nombreuses pistes sont étu-
diées à l’heure actuelle, qui permettront
un jour sans doute de diminuer, voire de
supprimer l’emploi d’immunosuppres-
seurs. Cet article résume les principaux
essais d’induction de tolérance réalisés
dans des modèles animaux et donnant
des résultats prometteurs.
L’INDUCTION DE TOLÉRANCE
La tolérance est l’absence de réponse
immunitaire agressive et destructrice à
un antigène. Afin de maintenir l’intégrité
du soi et d’éviter les maladies auto-
immunes, le système immunitaire doit
pouvoir induire une tolérance au soi. On
distingue habituellement la tolérance
périphérique de la tolérance centrale. La
tolérance centrale est obtenue par la
délétion clonale des lymphocytes T auto-
réactifs au niveau du thymus. La tolérance
périphérique est maintenue par le
contrôle dans les tissus périphériques de
l’activité des lymphocytes T autoréactifs
ayant échappé à la sélection thymique.
Ce contrôle met en jeu des mécanismes
d’induction d’anergie, de délétion et de
régulation. Celle-ci est en partie effec-
tuée par une population de cellules parti-
culières appelées lymphocytes T régula-
teurs. Ces lymphocytes régulateurs (de
phénotype CD4+ CD25+) permettent de
maintenir l’homéostasie des lympho-
cytes T et de réguler l’activité des T auto-
réactifs ayant échappé à la sélection
négative. Ils ont en outre été montrés de
nombreuses fois comme étant les vec-
teurs de tolérance lors de transplantations
dans des modèles animaux. Les princi-
pales stratégies d’induction de tolérance
aux greffes s’inspirent de ces systèmes
de tolérance naturelle ou tentent de les
stimuler.
Dans le cas de la greffe d’îlots, le défi
posé présente une particularité par rap-
port aux autres types de greffe. En effet,
la greffe est faite dans un contexte
d’auto-immunité préexistante qui sup-
pose l’existence d’un pool de lympho-
cytes T autoréactifs, et pose la question
de la récidive possible de la maladie. On
sait effectivement que ce risque est réel
et peut participer au rejet d’îlots trans-
plantés chez des patients atteints de dia-
bète de type 1 (12-14). Il y a donc ici
deux aspects à considérer concernant
l’induction de la tolérance.
Blocage des signaux costimulateurs/
induction d’une tolérance périphérique
Une des stratégies les plus étudiées à
l’heure actuelle est la modulation de
l’activité alloréactive des cellules du
système immunitaire en périphérie.
L’approche la plus intéressante consiste
à traiter brièvement le receveur avec des
anticorps ou des molécules inhibant les
signaux de costimulation des lympho-
cytes T. Ce type de traitement met en
jeu des phénomènes de délétion et
d’anergie, mais aussi de régulation par
les fameux lymphocytes T régulateurs.
Il faut noter que les expériences sui-
vantes ont été réalisées chez des
modèles de receveurs non “auto-
immuns”, où le diabète était induit par
un toxique chimique.
La costimulation des lymphocytes T
passe par l’interaction de molécules
membranaires situées à la surface des T
avec leurs ligands exprimés à la surface
des cellules présentatrices d’antigènes
(CPA). Les deux voies principales
sont les suivantes : CD28/B7 et
CD154/CD40, avec CD28 et CD154
exprimés par le T et B7 et CD40 expri-
més par la CPA (figure 1). La première
voie peut être bloquée par la protéine
de fusion CTLA4-Ig, et la deuxième par
un anticorps monoclonal anti-CD154
(tableau I, figure 2). Le blocage simul-
tané des deux voies de costimulation