Vol.100A, Revue des cancérogènes pour l'Homme : produits pharmaceutiques

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Vol.100A, Revue des cancérogènes pour l'Homme :
produits pharmaceutiques
En octobre 2008, 21 scientifiques venus de 9 pays se sont réunis au Centre international de Recherche sur le
cancer (CIRC) et ont confirmé la classification de 20 agents pharmaceutiques dans le Groupe 1 des «
Cancérogènes pour l’Homme » (tableaux 1 et 2).
Le CIRC est en train d’effectuer la revue de plus de 100 agents du Groupe 1, dont beaucoup ont été évalués
il y a plus de vingt ans, avant que les études mécanistiques ne soient des outils importants d’évaluation. De
plus, il est probable que des types de tumeurs et des scénarios d’exposition supplémentaires soient identifiés
dans cette nouvelle revue. Par exemple, le tabac a d’abord été identifié à l’origine du cancer du poumon chez
les fumeurs, et a depuis été reconnu comme responsable de plus d’une douzaine de types de cancers, et ce
pour diverses formes de tabac à fumer ou de tabac non fumé.
Les évaluations seront publiées dans le Volume 100 des Monographies du CIRC qui comprendra six parties.
Le Volume 100 inclura des informations concernant les types de tumeurs et les mécanismes de la
cancérogenèse, bien que cela n’exclue pas la possibilité qu’un agent puisse provoquer d’autres types de
cancer ou par d’autres mécanismes. Le Volume 100 fournira des informations pour deux publications
consécutives : la concordance des types de tumeurs chez l’Homme et chez l’animal, ainsi que les mécanismes
impliqués dans la cancérogenèse chez l’Homme ». Les résultats principaux du Volume 100 deviendront aussi
les premières entrées d’une base de données électronique enrichie des résultats des Monographies.
Cinq traitements hormonaux ont été réévalués (tableau 1), parmi lesquels deux augmentent le risque de
cancer pour certaines localisations et le diminuent pour d’autres, exerçant leur effet via des récepteurs et des
mécanismes génotoxiques.
Le groupe de travail a conclu qu’il existe des indications suffisantes montrant que le traitement hormonal de la
ménopause aux œstrogènes seuls augmente le risque de cancer de l’ovaire, alors qu’aucune association
formelle n’avait été identifiée lors de l’évaluation en 1999 par le CIRC1. Depuis lors, deux méta­analyses ont
rapporté que le risque de cancer de l’ovaire était augmenté chez les femmes traitées par œstrogènes seuls.
Les risques relatifs (RR) associés à ce traitement étaient significatifs et s’inscrivaient dans l’intervalle suivant :
1,19 à 1,51 2.3. De plus, une augmentation du risque par année d’utilisation d’un traitement aux œstrogènes
seuls a été notée (RR 1,07 [IC à 95%, 1,06­1,08]).3
Le groupe de travail a aussi souligné la diminution de l’incidence du cancer du sein après la réduction à grande
échelle de l’hormonothérapie de substitution aux œstroprogestatifs combinés depuis 20034. En outre, le
groupe a aussi confirmé que les contraceptifs oraux œstroprogestatifs combinés augmentent le risque de
carcinome hépatocellulaire5, insistant sur le fait que dans des populations où l’infection par le virus de
l’hépatite B (VHB) est endémique, ce risque est vraisemblablement masqué par un risque plus élevé lié à
l’infection à VHB.
15 autres agents ont été réévalués, y compris certains mélanges (tableau 2). Le groupe de travail a identifié le
composant spécifique responsable selon toute probabilité du risque de cancer dans trois mélanges, bien que
l’identification de nouveaux agents cancérogènes ne soit pas l’intention exprimée du Volume 100.
Le groupe de travail a confirmé la classification dans le Groupe 1 des mélanges analgésiques contenant de la
phénacétine et a même classé la phénacétine elle­même dans le Groupe 1 (auparavant classée dans le Groupe
2A comme « probablement cancérogène pour l’Homme » en 1987). Le groupe a pris cette décision parce
que les risques accrus de cancers du rein et de l’uretère ne pouvaient pas être expliqués par d’autres
composants des mélanges analgésiques (c’est­à­dire aspirine, codéine­phosphate et caféine) et il a noté que le
phénazone (ajouté parfois à ces mélanges) n’était pas un composant de ces mélanges évalué dans une étude
importante6.
Lorsqu’il a passé en revue les médicaments antinéoplasiques, le groupe de travail a noté que la leucémie aiguë
myéloïde induite par les agents alkylants tels que le busulfan montre fréquemment une délétion (partielle ou
totale) du chromosome 5 ou 7, la distinguant par là de la leucémie aiguë myéloïde induite par les inhibiteurs
de la topoisomérase II tels que l’étoposide. Cette dernière montre des translocations clonales équilibrées
impliquant le gène MLL sur le chromosome 11(11q23)7.8. Suivant ce raisonnement, le groupe de travail a
classé l’étoposide lui­même dans le Groupe 1 (auparavant classé dans le Groupe 2A en 2000).
Lors de la revue des plantes qui contiennent de l’acide aristolochique, le groupe de travail a examiné de
nouvelles données selon lesquelles on trouvait des adduits à l’ADN et des transversions A :T ­>T :A dans le
gène TP53, induits par l’acide aristolochique chez des malades atteints de néphropathie ou de tumeurs
urothéliales après avoir ingéré des substances provenant des espèces du genre Aristolochia9.10. Par
conséquent, l’acide aristolochique a été classé dans le Groupe 1 (auparavant classé dans le Groupe 2A en
2002). En l’espace de 6 ans seulement, des études mécanistiques ont montré de façon convaincante que
l’acide aristolochique était responsable du risque élevé de cancer et de néphropathie chez les personnes ayant
ingéré des substances provenant de plantes du genre Aristolochia –sous la forme de pilules minceur en
Belgique et de céréales provenant de champs où les aristoloches poussaient à l’état sauvage dans les
Balkans10.11.
Cela montre comment les données mécanistiques peuvent contribuer à identifier les risques de
cancérogénicité. Il est encourageant de penser que d’autres cancers liés à des expositions environnementales
ou professionnelles puissent être étudiés et expliqués avec un degré de confiance similaire.
Tableau 1 : Traitements hormonaux évalués par le Groupe de travail des monographies du CIRC
Cancer avec
Localisations
Autres événements
Agent du
indications
où le risque
Evénements
mécanistiques
Groupe 1
suffisantes chez
de cancer mécanistiques établis
probables
l'Homme
est réduit
Diéthylstilbestrol
Sein (exposition
pendant la grossesse),
vagin et col de l'utérus
(exposition in utero)
­­
Indications limitées :
testicules (exposition in
utero), endomètre
Thérapie de la
ménopause aux
œstrogènes seuls
Endomètre, ovaires
Indications limitées :
sein
Endomètre (le risque
Thérapie de la diminue en fonction du
ménopause aux nombre de jours/mois
œstroprogétatifs
d'utilisation de
combinés
progestatifs), sein
­­
­­
Activité par
l'intermédiaire des
récepteurs aux
œstrogènes comme
médiateur (vagin, col de
l'utérus), génotoxicité
Activité par
l'intermédiaire des
récepteurs aux
œstrogènes comme
médiateur
Activité par
l'intermédiaire des
récepteurs comme
médiateur
Programmation
épigénétique
Génotoxicité
Génotoxicité des
œstrogènes
Génotoxicité des
Tableau 1 : Traitements hormonaux évalués par le Groupe de travail des monographies du CIRC
Cancer avec
Localisations
Autres événements
Agent du
indications
où le risque
Evénements
mécanistiques
Groupe 1
suffisantes chez
de cancer mécanistiques établis
probables
l'Homme
est réduit
œstrogènes, expression
Contraceptifs
Activité par
Sein, col de l'utérus,
des gènes du
oraux
Endomètre,
l'intermédiaire des
foie
papillomavirus stimulée
œstroprogestatifs
ovaire
récepteurs comme
par les hormones chez
combinés
médiateur
l'Homme
Tamoxifène
Endomètre
Sein
Activité par
l'intermédiaire des
récepteurs œstrogènes
comme médiateur,
génotoxicité
­­
Tableau 2 : Médicaments antinéoplasiques et autres médicaments évalués par le Groupe de
travail des monographies du CIRC
Cancer avec des
Agents du groupe
indications
Evénements mécanistiques établis
1 suffisantes chez
l'Homme
Busulfan
Leucémie aiguë
myéloïde
Génotoxicité (agents alkylants)
Chlorambucil
Leucémie aiguë
myéloïde
Génotoxicité (agents alkylants)
Cyclophosphamide
Leucémie aiguë
myéloïde, vessie
Génotoxicité (métabolisation en agents alkylants)
Melphalan
Leucémie aiguë
myéloïde
Génotoxicité (agents alkylants)
Sémustine (méthyl­
CCNU)
Leucémie aiguë
myéloïde
Génotoxicité (agents alkylants)
Thieotepa
Leucémie
Génotoxicité (agents alkylants)
Tréosulfan
Leucémie aiguë
myéloïde
Génotoxicité (agents alkylants)
Chimiothérapie
combinée MOPP
Leucémie aiguë
myéloïde, poumon
Génotoxicité
Etoposide en
association avec le
cisplatine et la
bléomycine
Leucémie aiguë
myéloïde
Génotoxicité; translocations impliquant le gène MLL (étoposide)
Etoposide (Groupe
2A en 2000)
­­
Génotoxicité (agent alkylant, métabolisme des dérivés de la 2­
naphthylamine)
Chlornaphazine
Vessie
Génotoxicité, immunosuppression
Azathioprine
Lymphome non
hodgkinien, peau
Immunosuppression Ciclosporine
Lymphome non
hodgkinien, peau,
multiples autres
localisations
Immunosuppression
Tableau 2 : Médicaments antinéoplasiques et autres médicaments évalués par le Groupe de
travail des monographies du CIRC
Cancer avec des
Agents du groupe
indications
Evénements mécanistiques établis
1 suffisantes chez
l'Homme
Méthoxsalen +
Peau
Génotoxicité à la suite d'une photoactivation
rayons ultra violets
Plantes contenant
de l'acide
aristolochique
Bassinet du rein,
uretère
Génotoxicité, adduits à l'ADN chez l'homme, transversion A :T ­
> T :A du TP 53 dans les tumeurs chez l'homme
Acide aristolochique
(Groupe 2A en
2002)
­­ Génotoxicité, adduits à l'ADN chez l'animal sont les mêmes que
ceux trouvés chez les personnes exposées aux plantes,
transversion A :T ­> T :A du TP 53, activation de RAS Mélanges
d'analgésiques
contenant de la
phénacétine
Bassinet du rein,
uretère
(voir phénacétine)
Phénacétine
(Groupe 2A en
1987)
Bassinet du rein,
uretère
Génotoxicité, prolifération cellulaire
MOPP : chlorméthine (méchloréthamine), vincristine (oncovin), procarbazine et prédnisone
Yann Grosse, Robert Baan, Kurt Straif, Béatrice Secretan, Fatiha El Ghissassi, Véronique Bouvard,
Lamia Benbrahim­Tallaa, Neela Guha, Laurent Galichet, Vincent Cogliano, représentant le Groupe de travail des
monographies du Centre international de la Recherche sur le Cancer, OMS.
Centre international de Recherche sur le Cancer, Lyon, France.
Les auteurs ont déclaré n’avoir pas de conflits d’intérêts.
Références
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contraception and post­menopausal hormonal therapy. Lyon: International Agency for Research on Cancer
1999.
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Gynecol Oncol 2008; 108: 641–51.
3 Greiser CM, Greiser EM, Dören M. Menopausal hormone therapy and risk of ovarian cancer: systematic
review and meta­analysis. Hum Reprod Update 2007; 13: 453–63.
4. Jemal A, Ward E, Thun MJ. Recent trends in breast cancer incidence rates by age and tumor
characteristics among U.S. women. Breast Cancer Res 2007; 9: R28.
5. IARC. IARC Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans. Volume 91. Combined
estrogen­progestogen contraceptives and combined estrogen­progestogen menopausal therapy. Lyon:
International Agency for Research on Cancer 2007.
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and renal pelvis. Int J Cancer 1993; 53: 245–49.
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genetic abnormalities in the pathogenesis of therapy­related myelodysplasia and acute myeloid leukemia.
Leukemia 2006; 11: 1943–49.
8. WHO classification of tumours of haematopoietic and lymphoid tissues. Swerdlow SH, Campo E, Harris NL,
et al, eds. Lyon: WHO Press, 2008.
9. Lord GM, Hollstein M, Arlt VM, et al. DNA adducts and p53 mutations in a patient with aristolochic acid­
associated nephropathy. Am J Kidney Dis 2004; 43: e11–17.
10. Grollman AP, Shibutani S, Moriya M, et al. Aristolochic acid and the etiology of endemic (Balkan)
nephropathy. Proc Natl Acad Sci USA 2007; 93: 12129–34.
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herb (Aristolochia fangchi). N Engl J Med 2000; 342: 1686–92.
Article disponible en anglais
Grosse Y, Baan R, Straif K, Secretan B, El Ghissassi F, Bouvard V, et al. A review of human carcinogens—Part
A: pharmaceuticals. The Lancet Oncology. 2009 Jan;10(1):13–4: https://doi.org/10.1016/S1470­
2045(08)70286­9
Pour plus d’informations sur les Monographies du CIRC, voir : http:// monographs.iarc.fr Membres du Groupe de travail
A B Miller—Co­président (Canada), D H Phillips—Co­président (Royaume­Uni); J Kaldor (Australie); J H Olsen
(Danemark); M R Berger, H H Schmeiser (Allemagne); H Tsuda (Japon); S H Kim (excusé, République de
Corée) ; B C Baguley (Nouvelle­Zélande); M Marques (Portugal); P Karran (Royaume­Uni); E Barrett­Connor,
F A Beland, J L Bolton (excusé), M C Bosland, J F Buell, D Eastmond, C J Jameson, D G Kaufman, A A
Molinolo, C A Schiffer, L Titus­Ernstoff , D B Thomas (Etats­Unis d’Amérique)
Conflits d’intérêts
DE, aujourd’hui financé par Pfizer, a été financé par le passé par Johnson & Johnson et a été consultant
auprès de cette même entreprise. Ces deux sociétés fabriquent des contraceptifs hormonaux. JK est sous­
directeur du Centre d’Epidémiologie et de Recherches cliniques sur le VIH, University of New South Wales,
Australie, financé pour une part par Hoffman­La Roche, Bristol­Myers Squibb, Pfizer, et Johnson & Johnson.
Toutes ces sociétés fabriquent des médicaments ou produits de substitution mentionnés dans cet article
Spécialistes invités
aucun
Représentants
aucun
Observateurs
M G Bird (ExxonMobil Corp, Etats­Unis d’Amérique)
Traduit de l’anglais par Anne BOSSE­PLATIERE (traductrice) sous la responsabilité de Julien Carretier et
Béatrice Fervers (Département Cancer Environnement, Centre Léon Bérard).
Relecture : Section des Monographies du CIRC et Groupe Communication
9 mai 2017
Copyright 2016 ­ Centre Léon­Bérard
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