Cas clinique Le coup d’œil Balanoposthite herpétique sévère, à germes aérobies et anaérobies, révélant un diabète chez un adulte jeune Balanite • Herpès • Diabète. Balanitis • Herpes • Diabetes. Severe herpetic, aerobic and anaerobic balanoposthitis revealing diabetes mellitus in a young adult N. Kluger (Departments of dermatology, allergology and venereology, Institute of clinical medicine, Skin and Allergy Hospital, Helsinki University Central Hospital, Finlande) N ous rapportons ici le cas d’un jeune homme de 20 ans ayant des lésions érosives et ulcérées douloureuses du gland liées à une infection herpétique combinée à une infection par des germes aérobies et anaérobies. Une glycémie élevée révélait un diabète de type I méconnu. Observation Un homme de 20 ans, non circoncis, hétérosexuel et sans antécédent notable, se présentait au service des urgences pour des lésions érosives douloureuses du gland évoluant depuis une semaine. Les lésions étaient survenues rapidement après un rapport sexuel avec sa compagne et s’aggravaient rapidement. Il n’avait pas d’antécédent d’infection sexuellement transmissible (IST) – notamment d’herpès génital –, ni de lésions évocatrices (vésicules, ulcérations). L’examen clinique montrait un prépuce et le fourreau du pénis œdématiés avec un phimosis, des ulcérations mutilantes massives et exsudatives avec des sécrétions venant du gland du pénis ainsi que des adénopathies bilatérales douloureuses évocatrices d’adénites (figure 1). À la palpation, le scrotum était indolore et normal. Le patient mentionnait des douleurs à la miction et une dysurie. Une décharge purulente du méat urétral était difficile à mettre en évidence étant donné les douleurs à l’examen clinique et les exsudats tout autour du gland. De manière étonnante, il existait une discordance entre la sévérité locale et l’état général du patient, qui était bon et sans fièvre. Il ne présentait aucune lésion orale, anale ou cutanée. Sa compagne ne reconnaissait aucun symptôme génital, ni antécédent d’IST ou d’herpès (orolabial ou génital). Tous deux ne reconnaissaient aucun vagabondage sexuel. La NFS était normale. Un syndrome inflammatoire était noté, avec une CRP (40 mg/l, N < 5 mg/l) et une VS élevées (41 mm, N < 7 mm). Les écouvillons bactériologiques retrouvaient de nombreuses bactéries à Gram + du groupe F (Streptococcus anginosus) mais aussi des bactéries à Gram- anaérobies (Prevotella spp.) et quelques streptocoques à Gram+ du groupe B. En revanche, les mycoplasmes génitaux, Neisseria gonorrhoeae ou Chlamydia trachomatis, étaient absents. Aucun écouvillonnage urétral n’avait pu être fait. Un examen direct d’écouvillon était négatif pour Treponema pallidum. Les sérologies du VIH, de l’Epstein-Barr Virus, du cytomégalovirus, du parvovirus B19 et du TPHA-VDRL étaient négatives ou en faveur d’une infection ancienne. 90 Images en Dermatologie • Vol. VII • no 3 • mai-juin 2014 Légendes Figure 1. Ulcérations exsudatives et fibreuses mutilantes du gland du pénis et phimosis. Figure 2. Amélioration clinique après 5 jours d’aciclovir et pénicilline A – acide clavulanique i.v. Cas clinique Le coup d’œil 1 2 Images en Dermatologie • Vol. VII • no 3 • mai-juin 2014 91 Cas clinique Le coup d’œil Le cytodiagnostic de Tzanck et les sérologies HSV-1 et HSV-2 étaient négatives mais l’amplification spécifique de l’ADN de HSV par PCR retrouvait un HSV-1 dans les lésions génitales. Un diagnostic d’herpès génital compliqué d’une surinfection bactérienne était posé. En raison de la sévérité des symptômes locaux et de la crainte d’une gangrène de Fournier, le patient était hospitalisé et recevait un traitement intraveineux comprenant aciclovir (5 mg/kg x 3/j) et pénicilline A – acide clavulanique (1 g x 3/j). Aucun traitement antifongique n’était administré. Dans les 48 heures, la CRP diminuait progressivement à 23 mg/l avec une amélioration des lésions (figure 2, p. 91), révélant un aspect plus “caractéristique” d’un herpès génital. Dans le même temps, on retrouvait chez ce patient une glycémie élevée (18,9 mmol/l, N < 6,4), tout comme le taux d’hémoglobine glycquée (HbA1c = 14,44 %, N < 5,6 %), ainsi qu’une glycosurie et une cétonurie en l’absence d’acidocétose. Le patient reconnaissait à l’interrogatoire ressentir depuis 5 mois une fatigue d’intensité croissante, s’accompagnant d’une perte de poids de 25 kg. Le syndrome polyuro-polydipsique qu’il présentait était en faveur d’un diabète cliniquement méconnu. Le patient sortait du service devant l’amélioration des lésions cliniques et du phimosis ainsi que des taux de glycémie sous insuline. Le patient était perdu de vue et aucun suivi sérologique n’a pu être réalisé pour documenter une possible séroconversion herpétique 3 semaines plus tard. Discussion La balanite est définie comme une inflammation du gland du pénis et la balanoposthite, comme l’atteinte concomitante du prépuce chez le sujet non circoncis (1). Dans notre cas, la balanoposthite était le résultat d’une infection mixte par le virus HSV et des germes aérobies (streptocoque) et anaérobies. L’infection est la première cause de balanite (1). Les infections aérobies peuvent être causées par les streptocoques du groupe B et du groupe A hémolytiques (1-4). Les infections anaérobies surviennent le plus souvent chez les patients non circoncis sous la forme d’une urétrite non spécifique et d’une balanite. Bacteroides spp. est le plus souvent retrouvé, mais une infection à un seul germe est assez rare (1-4). De plus, dans notre cas, le virus Herpes simplex virus peut aussi être responsable de la balanite (1). A.N. Masfari et al. ont montré qu’il n’existait aucune différence entre la flore bactérienne de patients avec ou sans ulcères génitaux herpétiques (4). Chez notre patient, il était impossible de désigner avec certitude quel micro-organisme était la cause de l’infection, si bien qu’il a été décidé de traiter toutes les infections dans le même temps. Les patients avec un diabète ont le même risque de développer une IST que la population générale. Cependant, plusieurs cas illustrent bien qu’une infection peut précipiter une acidocétose diabétique (5-7). Les auteurs recommandent ainsi la surveillance de la glycémie chez les patients diabétiques ayant une infection génitale. Ici, notre patient avait probablement un diabète récent non diagnostiqué cliniquement depuis plusieurs mois, qui a précipité le tableau sévère d’infection herpétique (8) associée à d’autres germes. Conclusion Le diabète augmente le risque d’infections, mais aussi la sévérité de ces dernières ainsi que leurs présentations, qui peuvent être atypiques. Ainsi, un diabète non contrôlé peut induire une balanoposthite candidosique et/ou d’autres infections. Notre cas illustre à la fois qu’un diabète doit certainement être recherché en cas de primo-infection ou de récurrence herpétique anormalement sévère ou atypique. De plus, les patients avec un diabète devraient savoir qu’une infection herpétique peut être plus sévère en l’absence d’un contrôle de la glycémie. II 92 Images en Dermatologie • Vol. VII • no 3 • mai-juin 2014 Références bibliographiques 1. Edwards S. Balanitis and balanoposthitis: a review. Genitourin Med 1996;72(3):155-9. 2. Cree GE, Willis AT, Phillips KD, Brazier JS. 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A 23-year-old white single insulin-dependent diabetic woman admitted as a gynaecological emergency with a 3-day history of painful vulval swelling and dysuria. Int J STD AIDS 1992;3(4):297. L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.