Baromètre cancer 2010
Sous la direction de
François Beck
Arnaud Gautier
Préface de
Agnès Buzyn et Thanh Le Luong
168
Un risque de cancer très bien
connu, mais des connaissances
encore insuffisantes
La quasi-totalité des enquêtés sait
que l’exposition au soleil peut provo-
quer des cancers, plus de neuf sur dix
savent que le soleil fait vieillir pré-
maturément la peau et plus de huit
sur dix se sentent bien informés à
ce sujet. Toutefois, seule une per-
sonne sur deux sait que les heures
d’ensoleillement les plus dange-
reuses correspondent à la tranche
12 h-16 h. Cette connaissance est
plus fréquente parmi les femmes, les
enquêtés les plus diplômés et ceux
résidant dans le sud de la France.
Des pratiques de protection
contrastées et trop
rarement systématiques
Lors d’une journée d’été ensoleil-
lée, la pratique de protection systé-
matique la plus fréquente est le port
de lunettes de soleil (42 %), devant
le port d’un t-shirt (38 %) et l’évi-
tement des heures les plus enso-
leillées (32 %). Ces pratiques se
combinent pour former des profils
contrastés : près d’une personne sur
deux a tendance à cumuler toutes
les pratiques de protection (profil
plus féminin, d’âge intermédiaire,
plus diplômé et plus aisé), une per-
sonne sur cinq privilégie plutôt le
t-shirt et les lunettes, au détriment
des autres moyens de protection
(profil plus masculin et plus jeune,
moins diplômé et moins aisé), une
personne sur six se protège très
peu, en se contentant des lunettes
de soleil (profil féminin et plus
jeune), enfin une personne sur sept
n’utilise ni lunettes ni crème solaire
mais utilise les autres moyens de
protection (profil plus masculin et
plus âgé).
Un Français sur quatre examine
régulièrement sa peau à la
recherche d’anomalies
Parmi les enquêtés, 23 % exa-
minent régulièrement leur peau
à la recherche d’éventuelles ano-
malies et 42 % le font de temps
en temps. Cet examen régulier est
plus fréquent parmi les femmes et
les 55-64 ans ; il est plus rarement
déclaré par les personnes les moins
diplômées et les moins aisées.
Certaines croyances erronées
persistent encore
Quatre personnes sur dix pensent
que les coups de soleil de l’enfance
sont sans conséquence à l’âge adulte
s’ils ont été bien soignés, une sur
cinq croit encore que les coups de
soleil préparent la peau en la rendant
moins vulnérable au soleil, enfin près
d’une sur dix estime que mettre de la
crème solaire une seule fois permet
de s’exposer au soleil toute la jour-
née. Ces « fausses croyances » sont
plus fréquentes parmi les hommes,
les personnes les moins diplômées
et celles dont le ménage a de faibles
revenus.
Évolutions 2005-2010 : les
pratiques et les connaissances
des Français progressent
Toutes les pratiques de protec-
tion contre le soleil ont progressé
depuis 2005 ; toutefois, en 2010, si
les Français déclarent davantage
avoir « souvent » recours à ces pra-
tiques, ils ne sont pas plus nombreux
à y recourir « systématiquement ».
S’agissant des connaissances rela-
tives au soleil et aux coups de soleil,
deux évolutions significatives sont
à relever : d’une part, désormais la
majorité des 16-85 ans sait que le
soleil estival est le plus dangereux
entre 12 h et 16 h (54 % en 2010,
46 % en 2005) ; d’autre part, la pro-
portion de personnes pensant à tort
que les coups de soleil préparent la
peau en la rendant moins vulnérable
au soleil est passée de 25 % en 2005
à 18 % en 2010.
Enfin, du point de vue des inégali-
tés sociales de santé, globalement
les croyances comme les conduites
relatives au soleil restent sociale-
ment différenciées, et les variations
observées selon les niveaux de reve-
nus et de diplôme, comme selon la
situation professionnelle, se révè-
lent similaires en 2005 et en 2010.
Soleil et cancer
Connaissances, croyances
et pratiques de protection
169
Soleil et cancer
Connaissances, croyances
et pratiques de protection
Patrick Peretti-Watel
François Beck
LE SOLEIL, PREMIER FACTEUR
DE RISQUE D’UN CANCER
EN FORTE AUGMENTATION
L’exposition prolongée et non protégée
au soleil, en particulier l’été pendant les
heures les plus ensoleillées de la journée,
peut provoquer à court terme des coups
de soleil, des réactions allergiques ou des
problèmes de vue, mais à plus long terme
elle peut aussi favoriser l’apparition de
cancers cutanés tels que les mélanomes.
Près de 70 % des mélanomes seraient
en effet dus à l’exposition solaire [1]. La
pratique du bronzage depuis plusieurs
décennies a certainement contribué à
l’augmentation de ce type de cancers au
sein des populations blanches dans toutes
les parties du monde, sachant que parmi
l’ensemble des cancers, c’est le mélanome
qui connaît la plus forte augmentation
d’incidence [2].
En France, les projections fournies par
l’InVS évaluent à 8 255 le nombre de nouveaux
cas de mélanomes diagnostiqués en 2010
[3]. La France se situe dans la moyenne
européenne avec environ 10 cas pour
100 000 habitants en 2008 [4]. En termes
de mortalité, on estime à 1 566 le nombre
de décès par mélanome cutané en 2010
[3]. Dans notre pays, entre 1980 et 2005, le
nombre de nouveaux cas de mélanome de la
peau a plus que triplé tandis que le nombre
de décès par mélanome a plus que doublé
[5], le mélanome se situant aujourd’hui
au onzième rang des cancers, tous sexes
confondus (il se place au onzième rang des
cancers masculins et au neuvième rang des
cancers féminins). Il faut également souli-
gner l’incidence des autres cancers de la
peau (carcinomes basocellulaires et carci-
nomes épidermoïdes), moins graves en
termes de mortalité, mais qui restent tout de
même responsables de séquelles fonction-
INTRODUCTION
170 Baromètre cancer 2010
nelles ou esthétiques importantes, sachant
qu’au total les cancers de la peau totalisent
80 000 nouveaux cas chaque année.
UNE PRÉVENTION QUI RENCONTRE
QUELQUES OBSTACLES
Pour promouvoir la réduction des
expositions non protégées aux ultravio-
lets naturels, l’OMS a lancé en 1993 le
programme Intersun, sachant qu’en France
le renforcement de cette promotion fait
partie des objectifs du second Plan cancer
2009-20131. Les trois gestes préventifs mis
en relief dans la campagne de prévention
de l’Inpes lancée en juin 2010 étaient les
suivants : éviter de s’exposer entre 12 h et
16 h et rechercher l’ombre ; se protéger avec
chapeau, lunettes de soleil, t-shirt et crème
solaire (appliquée toutes les deux heures et
après chaque baignade ou activité sportive) :
enfin, protéger systématiquement les
enfants, dont la peau et les yeux sont parti-
culièrement sensibles (en particulier ceux
qui ont la peau et les yeux clairs).
La prévention des expositions prolon-
gées et non protégées au soleil est rendue
quelque peu difficile par la symbolique très
positive associée au soleil et par la valorisa-
tion contemporaine d’une peau bronzée :
cette valorisation incite les mères à exposer
leurs enfants ; de même, les adolescents,
filles et garçons, et dans une certaine
mesure les adultes également, ont tendance
à se sentir plus séduisants et plus sûrs d’eux
lorsqu’ils sont bronzés [6-9].
En outre, les connaissances des Français
sur les dangers du soleil sont souvent
approximatives, et s’appuient sur des
croyances erronées. Par exemple, dans
le Baromètre cancer 2005, plus de neuf
personnes sur dix savaient que l’exposition
non protégée au soleil peut favoriser l’appa-
rition d’un cancer, mais moins de la moitié
connaissait la tranche horaire la plus dange-
reuse (12 à 16 heures), un tiers croyait que
les coups de soleil de l’enfance sont sans
conséquence à l’âge adulte s’ils sont bien
soignés, tandis qu’un quart pensait que les
coups de soleil endurcissent la peau en la
rendant moins sensible au soleil [10].
Le présent chapitre, centré sur les ultravio-
lets naturels, détaillera d’abord les connais-
sances des Français (sentiment d’être bien
informé, connaissance du risque de cancer
et des heures les plus dangereuses), puis
leurs pratiques préventives (moyens de
protection utilisés contre le soleil estival et
examen de sa propre peau) et leurs croyances
relatives au soleil et au coup de soleil, avant
de mettre en relief les éventuelles évolutions
mesurables entre 2005 et 2010.
RÉSULTATS
SOLEIL ET CANCER : LES
FRANÇAIS SE SENTENT BIEN
INFORMÉS ET SEMBLENT
CONNAÎTRE LES RISQUES
S’agissant des risques de cancer liés à
l’exposition au soleil, 81,9 % des personnes
âgées de 15 à 85 ans se déclarent bien infor-
mées (28,3 % se disent « très bien » infor-
mées, 53,6 % « plutôt bien » informées).
Cette proportion est inférieure à celles
observées pour le tabac et l’alcool (respec-
tivement 91,7 % et 89,0 %) et légèrement
supérieure à celle observée pour l’inacti-
vité physique (77,3 %). Elle se situe loin
devant le niveau d’information ressenti
pour les risques de cancer liés aux cabines
UV (48,6 %) et aux pesticides (33,7 %) et
1. L’action 12.5 du plan cancer 2009-2013 intitulée « Renforcer la
prévention de l’exposition aux rayonnements UV » prévoit notam-
ment de nouvelles actions d’information et d’évolution réglemen-
taire dans ce domaine.
171Soleil et cancer – Connaissances, croyances et pratiques de protection
pour les risques ressentis face au wifi et à la
téléphonie mobile (33,2 %).
Cette forte proportion de personnes qui
se sentent bien informées sur les risques de
cancer liés à une exposition non protégée au
soleil masque des disparités significatives.
En effet, cette proportion est plus forte parmi
les femmes (84,1 %, vs 79,4 % des hommes),
elle augmente avec l’âge (de 72,2 % chez
les 15-19 ans à 88,8 % parmi les 75-85 ans),
avec le niveau de diplôme (71,9 % pour les
sans diplôme, 84,7 % pour les bacheliers
et équivalents, 91,4 % pour les personnes
qui ont au moins bac + 3), comme avec le
niveau de revenus du ménage par unité de
consommation : 76,8 % dans le premier
tercile (qui correspond à un plafond de
1 100 euros mensuels par unité de consom-
mation), 86,6 % dans le troisième tercile (au
moins 1 800 euros mensuels par unité de
consommation). Enfin, parmi les enquêtés
qui se trouvent au chômage, seuls 68,2 %
se sentent bien informés sur les risques de
cancer induits par une exposition au soleil
sans protection.
Concernant ce risque, la plupart des
personnes interrogées savent que s’exposer
au soleil sans se protéger peut favoriser
l’apparition d’un cancer : 69,6 % répondent
« certainement » et 27,0 % « probable-
ment », soit au total 96,6 % des enquêtés
qui connaissent ce risque. Celui-ci est donc
très bien connu et seul le risque de cancer
induit par le tabagisme obtient un score
supérieur (97,8 %). Étant donné le très haut
niveau de connaissance de ce risque, aucune
variation notable n’est observée : quels que
soient le sexe, l’âge, le niveau de diplôme ou
de revenus, cette proportion est toujours
supérieure à 90 %.
HEURES DANGEREUSES : UN
FRANÇAIS SUR DEUX INDIQUE
LA BONNE PLAGE HORAIRE
Quelles sont les heures durant lesquelles
il vaut mieux ne pas s’exposer au soleil en
été en France ? Les campagnes de préven-
tion ciblent en général la tranche horaire
12-16 heures comme étant la plus dange-
reuse. Ces heures sont effectivement les
plus souvent citées comme dangereuses par
les personnes interrogées : 86,5 % jugent
que la tranche 13-14 heures est dangereuse,
les tranches adjacentes (12-13 heures et
14-15 heures) sont citées par 81,8 % d’entre
elles, tandis que deux enquêtés sur trois
estiment qu’il est dangereux de s’exposer au
soleil estival entre 15 et 16 heures [figure 1].
Au total, 51,7 % des enquêtés mentionnent
la tranche horaire 12-16 heures comme étant
dangereuse, et peuvent donc être consi-
dérés objectivement comme bien informés
sur cette question. En revanche, parmi les
Heures désignées comme dangereuses pour l’exposition
au soleil, en été en France (en pourcentage)
0
20
40
60
80
100
%
après 19h18h-19h17h-18h16h-17h15h-16h14h-15h13h-14h12h-13h11h-12h10h-11h9h-10havant 9h
0,20,2 5,3
20,5
81,8 86,5 81,8
66,5
11,3 2,80,30,0
FIGURE 1
1 / 17 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !