ovariectomies facultatives sion d’une intervention chirurgicale au voisinage des

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Les ovariectomies prophylactiques ou facultatives
● D. Raudrant*, F. Golfier*, J. Rouhana Feghaly*
L
es ovariectomies facultatives se discutent à l’occasion d’une intervention chirurgicale au voisinage des
ovaires.
Les deux circonstances les plus fréquentes sont :
– l’hystérectomie à partir de 40 ans,
– le traitement per-cœlioscopique d’une pathologie annexielle
(kyste de l’ovaire ) en période péri- ou postménopausique.
– l’hystérectomie conservatrice pour les ovaires : le risque est
divisé par deux, 15 ans après l’hystérectomie (5) ;
– l’ovariectomie unilatérale : le risque est diminué de 30 %
après conservation d’un seul ovaire.
La décision d’ovariectomie prophylactique est motivée par la
peur du cancer de l’ovaire, dont l’incidence, en France, est de
15 pour 100 000, ce qui représente 5 000 nouveaux cas par an.
Le pronostic de ces tumeurs est redoutable, puisque 3 200 décès
liés au cancer de l’ovaire sont enregistrés chaque année. Le
risque majoré ou diminué de cancer de l’ovaire devra être estimé
pour chaque patiente avant de proposer une ovariectomie prophylactique.
QUELLE RÉDUCTION DU RISQUE DE CANCER DE L’OVAIRE
APPORTERAIT UNE OVARIECTOMIE PROPHYLACTIQUE
SYSTÉMATIQUE LORS D’UNE HYSTÉRECTOMIE APRÈS
40 ANS ?
LES FACTEURS MAJORANT LE RISQUE
DE CANCER DE L’OVAIRE
Les porteuses du gène muté BRCA 2 et surtout BRCA 1 :
risque cumulatif estimé de 9,4 à 63, 3 %.
Les porteuses du gène HNPCC (syndrome de Lynch II) :
risque cumulatif estimé de 10 %.
Les antécédents familiaux : antécédent personnel de cancer du
sein ou antécédent familial de cancer de l’ovaire au premier
degré (RR = 4,5).
Le risque lié à la stérilité et aux inductions de l’ovulation.
L’hypothèse associant le risque de cancer de l’ovaire avec le
taux cumulé d’ovulation reste possible (1). Il semble cependant actuellement que l’infécondité soit le facteur de risque
essentiel, surtout s’il s’agit d’une nullipare infertile (2-4).
LES FACTEURS DIMINUANT LE RISQUE
DE CANCER DE L’OVAIRE
Ils peuvent tous être expliqués par la théorie mécanique de
Fathalla (1), qu’il s’agisse de :
– la prise d’estroprogestatifs : le risque est diminué de 40 %
après six mois de prise et de 80 % après dix ans de prise
d’estroprogestatifs ;
– l’allaitement maternel ;
* Service de gynécologie-obstétrique, Pr Raudrant, Hôtel-Dieu, 61, quai JulesCourmont, 69002 Lyon.
La Lettre du Gynécologue - n° 263 - juin 2001
Les avantages et les inconvénients de l’ovariectomie prophylactique sont schématisés dans le tableau I.
On estime que cette réduction varie de 2,2 % au Japon à 7,9 %
aux États-Unis : 2 000 cancers de l’ovaire seraient évités sur
les 26 000 survenant chaque année aux États-Unis.
Ce paramètre dépend évidemment de la fréquence de l’hystérectomie.
En France, le pourcentage serait plus proche des 3 %.
Combien faut-il réaliser d’ovariectomies bilatérales à
l’occasion d’une hystérectomie pour éviter un cancer de
l’ovaire ?
Les estimations varient, selon les auteurs, de 60 à 500. Il est
probable que la réalité est intermédiaire.
QUELLE SUPPRESSION HORMONALE
APRÈS OVARIECTOMIE ?
La suppression du 17 ß-estradiol et de la progestérone est bien
documentée, et la supplémentation est possible.
Les discussions concernent la sécrétion des androgènes, particulièrement après la ménopause.
La testostérone est sécrétée à la dose de 60 µg par jour. Les
taux sont identiques avant et après la ménopause.
La sécrétion de delta 4 androstenedione diminue régulièrement
après la ménopause de 1,5 à 0,3 mg par jour.
Après suppression ovarienne à la ménopause, la production de
testostérone est diminuée de 50 %, celle de delta 4 androstenedione de 20 %. Il n’y a, en revanche, pas de modification de la
faible conversion périphérique en estradiol.
Si l’on croit aux bénéfices de cette sécrétion androgénique, la
supplémentation sera toujours possible après ovariectomie :
Estratest® est commercialisé aux États-Unis et les patchs de
testostérone seront mis sur le marché à court terme (6).
39
D
O
S
S
I
E
La fonction hormonale après hystérectomie conservatrice
pour les ovaires
Elle sera de toute façon perturbée après une hystérectomie
conservatrice pour les ovaires. Les dysovulations sont plus fréquentes. L’âge de la ménopause est avancé de 2 à 4 ans selon
les études. La ménopause survient encore plus précocement en
cas de conservation d’un seul ovaire.
R
antécédents personnels de cancer du sein, les antécédents de
stérilité, l’absence de prise de pilule.
On peut la proposer dès 40 ans à l’occasion d’une hystérectomie en présence d’importants facteurs de risque.
À partir de 45 ans, lorsqu’une hystérectomie doit être réalisée
pour lésion bénigne, il faut informer la patiente des avantages
et des inconvénients de l’ovariectomie prophylactique, ne
jamais l’imposer et ne pas enlever qu’un seul ovaire.
■
LES FACTEURS INFLUENÇANT LA RÉALISATION
D’UNE OVARIECTOMIE LORS D’UNE HYSTÉRECTOMIE
Ils ont bien été étudiés. De nombreux facteurs individuels, non
médicaux, interviennent : l’attitude du médecin, de la patiente
vis-à-vis de ses ovaires, de l’entourage.
Mais c’est essentiellement la voie d’abord qui va conditionner
la fréquence de l’ovariectomie, ce qui peut paraître surprenant.
Dans notre expérience à l’Hôtel-Dieu de Lyon (7), 25,7 % des
hystérectomies par voie haute, entre 45 et 50 ans, ont été associées à une ovariectomie bilatérale. Par voie basse, l’ovariectomie prophylactique a été réalisée dans seulement 10,6 % des
cas.
Cette différence est retrouvée par tous les auteurs, y compris
après la ménopause (86 % d’ovariectomies par voie haute
après la ménopause et seulement 27 % par voie basse dans une
série du Maryland) (8).
Tableau I. Les avantages et les inconvénients de l’ovariectomie prophylactique avant la ménopause à l’occasion d’une hystérectomie.
Avantages
Prévention des tumeurs de l’ovaire
Suppression de douleurs pelviennes
chroniques si adhérences
Inconvénients
Psychologiques +++
Technique : ovariectomie
difficile par voie vaginale,
place pour la cœliopréparation ?
Suppression du syndrome prémenstruel Ménopause chirurgicale brutale
de la préménopause
en l’absence de THS
Suppression de la pathologie ovarienne Augmentation du risque
bénigne (dystrophie kystique) :
cardiovasculaire et ostéoporotique
1 à 8 % seront réopérées
en l’absence de THS avant 50 ans
Diminution du risque de cancer
Observance du THS
du sein (si pas de THS)
médiocre en France
Le risque de cancer de l’ovaire
est déjà réduit par l’hystérectomie,
surtout si les estroprogestatifs ont
été pris de nombreuses années.
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1. Fathalla MF. Incessant ovulation – a factor in ovarian neoplasia ? Lancet
1971 ; 17 (2) : 163.
2. Venn A, Watson L, Lumley J et al. Breast and ovarian cancer incidence after
infertility and in vitro fertilization. Lancet 1995 ; 14 (346) : 995-1000.
3. Mosgaard BJ, Lidegaard O et al. Infertility, fertility drugs, and invasive ovarian cancer : a case-control study. Fertil Steril 1997 ; 67 : 1005-12.
4. Modan B, Ron E, Lerner-Geval et al. Cancer incidence in a cohort of infertile women. Am J Epidemiol 1998 ; 1 ; 147 (11) : 1038-42.
5. Parzzini F, Braga C, Carlo la Vecchia. Hysterectomy, oophorectomy in premenopause and risk of breast cancer. Am J Obstet Gynecol 1997 ; 90 : 453-6.
6. Schifren JL, Braunstein GD, Simon JA, Casson PR. Transdermal testosterone
treatment in women with impaired sexual function after oophorectomy. N Engl J
Med 2000 ; 343 (10) : 682-8.
7.
Martin X, Gjata A, Golfier F, Raudrant D. Hystérectomie pour lésion
bénigne : peut-on tout faire par voie vaginale ? J Gynecol Obstet Biol Reprod
1999 ; 28 (2) : 124-30.
8. Gross CP, Nicholson W, Powe NR. Factors affecting prophylactic oophorectomy in postmenopausal women. Obstet Gynecol 1999 ; 94 (6) : 962-8.
CONCLUSION
Après la ménopause, l’ovariectomie nous paraît devoir être
proposée systématiquement.
Le bénéfice de la conservation ovarienne est difficile à prouver
en dehors des problèmes psychologiques.
La supplémentation en androgènes sera probablement possible
à court terme si on le juge nécessaire après ovariectomie.
Il faut, en revanche, ne pas s’acharner à réaliser une ovariectomie difficile par voie vaginale si la patiente est âgée : l’âge
moyen de survenue du cancer de l’ovaire est de 59 ans.
Avant la ménopause, il faut analyser les facteurs de risque : les
antécédents familiaux de cancers de l’ovaire ou du sein, les
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La Lettre du Gynécologue - n° 263 - juin 2001
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