– Gaëlle Jeanmart : « L’efficacité de l’exemple » – p. 5
l’époque Moderne ?
L’objectif de cette réflexion est de comprendre, d’une part, les différents
ressorts de cette mécanique du courage des récits de vie exemplaires, d’autre part, la
pédagogie sur laquelle ils s’appuient pour rendre « plus généreux, plus beau », et,
aurait-on pu ajouter, « plus courageux », et enfin les différentes manières de penser
l’efficacité ou la performativité de l’exemple.
Le thème de l’efficacité de l’exemple renvoie à une évidence : un acte héroïque
ou vertueux aurait de soi, ou plutôt grâce au récit qui en est fait, des potentialités
incitatives incontestables, qu’il faudrait mettre en avant et tenter d’utiliser pour lutter
contre l’impuissance d’un raisonnement, et plus largement de toute théorie, en matière
d’incitation à la pratique vertueuse. On serait tenté ainsi de mettre dos à dos
l’impuissance morale du discours intellectuel, philosophique, du discours de vérité en
somme, et l’efficacité éthique du récit d’aventures, sa puissance de transformation de
l’
éthos
des auditeurs.
La réflexion menée ici a pour but de recadrer cette évidence, c’est-à-dire de la
situer à l’intérieur d’une pensée déterminée de l’exemplarité, qu’on cherchera à
caractériser dans le contraste avec d’autres pensées de l’exemplarité. Cette manière
de recadrer une évidence a pour objectif d’inviter à la prise en considération des
présupposés sur lesquels l’évidence repose et qu’il faudrait assumer dès lors qu’on
veut continuer à y souscrire. Il s’agirait donc ici de développer une pensée critique de
la morale de l’exemple. Non au sens où il faudrait nécessairement renoncer à une telle
morale, mais simplement au sens où il faudrait à tout le moins en assumer
l’épistémologie et l’anthropologie : quelle vision de l’homme, des moteurs de son
action, de sa liberté assume une morale de l’exemple ?
Nous commencerons par répertorier quelques grands modèles
épistémologiques qui ont pris en charge la pensée de l’exemplaire sous des
déclinaisons diverses. Nous tenterons ensuite de proposer pour chaque modèle une
définition qui lui est propre de l’efficacité, de sorte qu’aux différentes conceptions ou
usages de l’exemplarité correspondent également différentes conceptions ou divers
usages de l’efficacité. Cette tentative s’autorise de la manière même dont se sont
formulées les théories de l’exemplarité dans une référence constante malgré leur
diversité à l’efficacité. Il nous faudra donc interroger : l’efficacité a-t-elle un contenu, un
objet : à quoi vise donc l’efficacité dans ces théories et sur quels mécanismes repose
cette efficacité supposée de l’exemple ?
On pense souvent l’exemplarité en termes d’efficacité, mais inversement,
l’exemple est-il un bon terrain pour penser l’efficacité ? Deux éléments permettent de
voir en lui une bonne clé de lecture pour décrire les modèles de l’efficacité : d’une part,