hémorragique:nousnelerencontronspas.Ilciteletouristedescendantducarqui,aulieu
deregarderlepaysage,prendunephoto,metenboitepourplustard,parcommodité‐
sécurité,ratel’intensitédelarencontre,restedanslesemblant.Aufondiln’affrontepasce
quisurgit,l’assautquiémerge.Ilciteaussil’enregistrementd’uneconférence,quidiminuela
qualitédel’écoute(puisquel’onpourraréécouter).Ettoutescesinventionstechniquesqui
empêchentd’êtrevraimentlà(portable…).Ilenconclut,pourêtreprésentàlaprésence,
qu’ilnefautpasreporter(mauvaisestratégiequelaprocrastination),qu’ilfautêtreattentif
(Augustin).
Ilestdifficiledepenserleprésent,lesgrecsyontéchoué,carilsleprenaientpourl’instant.
Maiscelui‐cin’existepas,ilestmort‐né,némourant,carindéfinimentdivisible,deplusen
plusinatteignablecommepointultime,évanescent.Commentvivreleprésent,donnerde
l’extensionàl’instant,passerdel’instantaumaintenant,cequejepeux«tenirdansmes
mains»,pourqu’ilsoitconsistant?Maintenirleprésent,enfaireunmain‐tenant,c’estne
paslereporter.
‐Mais,deuxièmeélémentdelatensiondevivreauprésent,vivreleprésent,ilfautaussi
savoirdifférer.Laisservenirleprésent,lâcherprise,l’accueillirsansleprécipiter,caril
supposematuration.Autantlarelectureimmédiatepeutdiluer,autantlarelecture(ou
l’écriture)différéeestriche,carletempsatravailléànotreinsu,parprocessus,
cheminementsouterrain,productionlentedufruit.Lamoderniténesaitpasdifférer:tout
viteettoutdesuite.Conclusion:vivre,c’estunetensionentre:«Est‐cequejerefusede
reporterouest‐cequejediffère?».Labonnestratégieestnil’unnil’autre,nil’unetl’autre,
entrelesdeux.
2)Vivre,c’estlatensiondel’entre.
Vivrenecoïncidejamaisaveclui‐même.Seulelamortestcoïncidence.Vivreestune
transition,unécartdemoiàmoi,unetensionavecsoi‐même,unentre,celuidudésir.Mais
commentlepenseretlevivre?L’évidementdubesoinquisignifielemanqueappellele
comblementpourêtrerassasié.Vivre,c’estdevoirremplirunmanque.Maisjusqu’où?Dans
lamétaphoredutonneaupercédansleGorgiasdePlaton,faut‐ilboucherletroupour
arriveràleremplir(Socrate),ouleremplirsanscessepourqu’ilnesevidepas(Calliclès)?
Grecsetchrétienshésitententrefrustrationetsatisfaction.Lebonheuraquelquechose
d’insupportable,carilsupprimelatension,etgénèrel’ennui(«Rienn’estplusinsupportable
qu’unesuitedebeauxjours»ditGoethe).C’estl’alternativeentredésirquifaitcouriret
dégoûtdugavage.PourPascal,lachasseestvaine,puisqu’elleperdsonintérêtparcapture
dugibier.Ledésircomblén’estquevanité:d’oùledédoublementpouréchapperau
divertissement.MaisditJullien,lemomentsuivant(obtenir)n’annulepasleprécédent(le
plaisirdel’activitédechasser).Chaqueinstantvautparlui‐même,nonpourlesuivant.
Conclusion:ilfaut«versersansjamaisremplir,puisersansjamaisépuiser».Vivreestdans
cetentre‐deux.
L’occidentaétéfascinéparlesextrémités,danslaperspectivedelalogiquearistotélicienne
denoncontradiction,dutiersexclu:ouc’estplein,ouc’estvide,oul’unoul’autre,maisnon
lesdeux,carl’unexclutl’autre.Maisdanslarespiration,lespoumonsnesontjamais
totalementpleinsoutotalementvides,onnevajamaistotalementversl’unoul’autre,etça
circule:commedel’énergie(etnondel’Être).Ilfautunephilosophiedelarespiration,de
l’entredeux,alorsquel’occidentreposesurunephilosophiedelaperception(ex:La
phénoménologiedelaperceptiondeMerleau‐Ponty),etparticulièrementdelavue,dela
vision(del’Être,lavérité…).Larespirationneparlepasdel’Être,maisdel’énergie,du
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