ONCOLOGIE TRANSLATIONNELLE // Coordonné par S. Faivre

publicité
ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
Coordonné par S. Faivre (hôpital Beaujon, Clichy)
C. Tournigand (hôpital Saint-Antoine, Paris)
Phase I d’un inhibiteur de PARP :
de la biologie au patient
> Fong PC, Boss DS, Yap TA, Tutt A, Wu P, Mergui-Roelvink M,
Mortimer P, Swaisland H, Lau A, O’Connor MJ, Ashworth A,
Carmichael J, Kaye SB, Schellens JH, de Bono JS. Inhibition of
poly(ADP-ribose) polymerase in tumors from BRCA mutation
carriers. N Engl J Med 2009;361(2):123-34.
L
es systèmes de réparation de l’ADN font partie
des cibles moléculaires intéressantes dans le
développement des nouvelles thérapies en cancérologie, que ce soit la chimiothérapie cytotoxique
classique ou les thérapies moléculaires ciblées.
L’inhibition thérapeutique de l’enzyme polyadénosine diphosphate ADP ribose polymérase (PARP)
est l’un des exemples les plus prometteurs de ces
5 dernières années en cancérologie. Les PARP
sont une grande famille d’enzymes jouant un rôle
majeur dans la réparation des dommages de type
simple brin de l’ADN. L’inhibition des PARP induit
l’accumulation de dommages simple brin, puis des
dommages de l’ADN double brin. Ces dommages
sont normalement réparés par un autre système de
réparation de l’ADN appelé “recombinaison homologue”. De plus, il est bien connu que le système
de recombinaison homologue est déficient dans
les cancers mutés BRCA1 ou BRCA2. L’utilisation
des inhibiteurs de PARP dans ces cellules tumorales
ayant cette anomalie spécifique peut conduire à
un effet cytotoxique très spécifique. L’inhibition
de PARP dans ces cellules induit l’accumulation de
dommages de l’ADN non réparé par le système de
recombinaison homologue déficient et aboutit à
la mort de la cellule, alors que, dans les cellules
normales, les dommages de l’ADN induits par
l’inhibition de PARP sont réparés. Cette nouvelle
stratégie thérapeutique est fondée sur le principe
de létalité synthétique, qui énonce que, dans une
cellule, l’altération de deux gènes A et B est nécessaire pour induire un phénotype anormal ou une
mort cellulaire, alors que l’inhibition d’un seul gène
n’a aucune conséquence létale. Récemment, les
équipes de Londres (A. Ashworth) et Newcastle
(H.E. Bryant) avaient montré que l’inhibition de
PARP est particulièrement efficace sur les cellules
tumorales mutées pour les gène BRAC1 ou BRCA2.
La première phase 1 avec un inhibiteur de PARP
(AZD2281, olaparib) a été évaluée.
Dans cet essai, 60 patients ont été inclus, dont
22 patients avec un cancer ayant une mutation BRCA1 ou BRCA2. La dose d’olaparib a été
augmentée de 10 mg/j 2 semaines sur 3 jusqu’à
600 mg x 2/j en continu. Ce traitement avait peu
de toxicités, essentiellement des fatigues ou des
thrombopénies réversibles à l’arrêt du traitement.
Des réponses objectives n’ont été observées que
chez les patients atteints de cancers mutés pour
BRCA1 ou BRCA2, en particulier des cancers de
l’ovaire, de la prostate ou du sein.
Ainsi, l’olaparib en monothérapie semble avoir
peu d’effets secondaires et une activité antitumorale très prometteuse dans les cancers mutés pour
BRCA1 ou BRCA2. Ces données ont été renforcées
par les présentations du congrès de l’ASCO 2009
concernant les phases II et III de l’olaparib en monothérapie dans les cancers de l’ovaire et en association avec une chimiothérapie dans les cancers du
sein triple négatifs. De plus, les inhibiteurs de PARP
pourraient présenter une synergie avec d’autres
stratégies thérapeutiques comme la radiothérapie
ou d’autres classes de chimiothérapie, ou une efficacité dans d’autres types de cancers ayant des
anomalies des voies de réparation de l’ADN.
// New England Journal of Medicine
// Journal of Clinical Oncology
C. Massard, université Paris XI,
SITEP (Service des innovations
thérapeutiques précoces) ;
département de médecine,
Institut Gustave-Roussy, Villejuif ;
Royal Marsden Hospital,
Institute of Cancer Research, Sutton,
Surrey, Royaume-Uni
Nouvelle anomalie moléculaire
dans le cancer du poumon,
nouvelle thérapie ciblée
> Shaw AT, Yeap BY, Mino-Kenudson M, Digumarthy SR, Costa
DB, Heist RS, Solomon B, Stubbs H, Admane S, McDermott U,
Settleman J, Kobayashi S, Mark EJ, Rodig SJ, Chirieac LR, Kwak
EL, Lynch TJ, Iafrate AJ. Clinical features and outcome of patients
with non-small-cell lung cancer who harbor EML4-ALK. J Clin
Oncol 2009;27(26):4247-53.
L
es cancers du poumon sont parmi les plus
fréquents et les plus mortels. Récemment, les
progrès de la biologie moléculaire ont permis
d’identifier des sous-types moléculaires de cancers
du poumon qui ont une histoire naturelle différente et qui semblent répondre différemment aux
traitements. La translocation EML4-ALK a été mise
en évidence dans certains cancers du poumon et
pourrait représenter une des cibles moléculaires
les plus prometteuses depuis l’EGFR.
Un article récent a caractérisé les patients ayant une
translocation EML4-ALK. Plus de 140 patients ont
été étudiés, et leurs cancers ont été analysés pour
la translocation EML4-ALK et les mutations EGFR
La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 2 - février 2010 |
105
ONCOLOGIE
TRANSLATIONNELLE
et KRAS. Dans cette population, 19 patients (13 %)
avaient une translocation EML4-ALK, 31 (22 %)
avaient une mutation EGFR et 91 (65 %) n’avaient
ni mutation ALK ni mutation EGFR. Les patients
ayant un cancer EML4-ALK + sont plus souvent
des hommes jeunes, non fumeurs et porteurs d’un
adénocarcinome (18/19), que les patients avec un
cancer EGFR muté ou sans mutation. De plus, les
patients ayant un cancer du poumon métastatique
EML4-ALK positif ne semblent pas bénéficier d’un
traitement par inhibiteur de tyrosine kinase de
l’EGFR. Par contre, il ne semble pas y avoir de
différence en ce qui concerne la réponse à la
chimiothérapie.
Ainsi, l’analyse de la translocation EML4-ALK
identifie un sous-type moléculaire de cancer du
poumon qui ne bénéficie pas des inhibiteurs de
l’EGFR. Cette avancée dans la biologie du cancer
et le développement d’inhibiteurs spécifiques
d’ALK sont concomitants. L’une des phases I les
plus impressionnantes présentées lors du congrès
de l’ASCO 2009 est la phase I “first in human”
d’un inhibiteur d’ALK et de MET. Le PF-02341066
est un inhibiteur oral, sélectif, dépendant du site
ATP qui inhibe les voies c-met/HGF et le récepteur tyrosine kinase ALK. En termes de réponse,
1 patient avec un sarcome inflammatoire myofibroblatique et 1 autre ayant un cancer bronchique
non à petites cellules (CBNPC) avec la translocation
ALK ont présenté une réponse partielle majeure.
À la suite de la première partie de cette phase I,
19 patients présentant un cancer du poumon avec
amplification ou mutation de MET ou translocation d’ALK ont été inclus, une réponse objective
étant obtenue par 10 d’entre eux (53 %). La translocation ALK est présente dans 4 % des cancers du
poumon non à petites cellules, et cet inhibiteur
d’ALK semble être une thérapeutique prometteuse
(Kwak et al., ASCO 2009, abstract 3509).
C. Massard, université Paris XI,
SITEP (Service des innovations
thérapeutiques précoces) ;
département de médecine,
Institut Gustave-Roussy, Villejuif ;
Royal Marsden Hospital,
Institute of Cancer Research, Sutton,
Surrey, Royaume-Uni
Analyse microarray
dans les tumeurs du testicule
> Korkola JE, Houldsworth J, Feldman DR, Olshen AB, Qin LX, Patil
S, Reuter VE, Bosl GJ, Chaganti RS. Identification and validation
of a gene expression signature that predicts outcome in adult
men with germ cell tumors. J Clin Oncol 2009;27(31):5240-7.
L
es tumeurs germinales du testicule sont l’un des
cancers les plus fréquents de l’homme jeune. Ces
tumeurs ont un pronostic le plus souvent excellent
compte tenu de l’utilisation de chimiothérapies à
base de cisplatine et d’une classification pronostique pour définir le traitement optimal. À ce jour,
le pronostic de ces patients est défini dans la classification internationale de IGCCCG par les critères
cliniques simples que sont la valeur des marqueurs
tumoraux, la présence de métastases viscérales
et le site de la tumeur primitive. La définition du
pronostic de ces patients pourrait être améliorée
par l’utilisation de marqueurs moléculaires.
L’équipe du MSKCC a analysé par une technique
de microarray les tumeurs germinales non séminomateuses de plus de 100 patients. De 1982 à 2002,
les patients ayant une tumeur du testicule non
séminomateuse traités par une chimiothérapie
à base de cisplatine et pour lesquels on disposait
d’une quantité suffisante d’ARN ont été inclus dans
cette étude. Ils ont été classés selon la méthode de
prediction analysis for microarrays (PAM). Le but
de cette étude était de définir les facteurs pronostiques de la survie à 5 ans. Dans une première
série, 74 patients (training set) ont été étudiés, et
l’analyse moléculaire a permis de définir 140 gènes
pronostiques de la survie à 5 ans. Le modèle PAM
permettait aussi de classer 34 autres patients (set
de validation). Une analyse par PCR quantitative a
confirmé l’expression différentielle des 140 gènes
entre les 2 groupes de patients. De plus, ce modèle
était pronostique de la survie dans une analyse
multivariée quand la classification IGCCCG était
étudiée (p = 0,01).
C. Massard, université Paris XI,
SITEP (Service des innovations
thérapeutiques précoces) ;
département de médecine,
Institut Gustave-Roussy, Villejuif ;
Royal Marsden Hospital,
Institute of Cancer Research, Sutton,
Surrey, Royaume-Uni
Photo de couverture : © Finn Brandt
Les articles publiés dans La Lettre du Cancérologue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© mai 1992 - EDIMARK SAS - Dépôt légal : à parution.
Imprimé en France - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne
Est routé avec ce numéro un supplément “ASCO GI 2010” des laboratoires Roche (20 pages).
Est piqué au centre de ce numéro, entre les pages 128 et 129, un encart CROI des laboratoires Sanofi (4 pages).
Erratum. Une erreur s’est malencontreusement glissée dans l’article “Cancer bronchique”, publié dans le numéro 1, vol. XIX, janvier 2010, pp. 26-28. Les figures 2 et 3 ont été inversées.
Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser.
106 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XIX - n° 2 - février 2010
Téléchargement