
156 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 3 - mars 2009
Préservation de la fertilité chez l’adulte jeune atteint d’un cancer
DOSSIER THÉMATIQUE
Cancers de l’adolescent
Adaptation des traitements ◆
Une autre manière de préserver la fertilité consiste
à mettre au point des traitements moins toxiques
pour les ovaires ou moins mutilants, mais cette
“désescalade thérapeutique” ne doit pas conduire à
sous-traiter les patientes et doit être soigneusement
évaluée. Ainsi, en cas de cancers gynécologiques,
il est parfois possible de s’orienter vers un traite-
ment moins lourd : pour le cancer du col de l’utérus
débutant, trachélectomie élargie amputant le col de
l’utérus, mais préservant une partie du corps utérin ;
pour le cancer de l’endomètre débutant (stade I),
résection hystéroscopique de l’endomètre suivie
d’une hystérectomie de clôture, une fois le projet de
grossesse mené ; pour le cancer épithélial de l’ovaire
débutant (stade IA), ablation d’un seul ovaire (7). Ces
méthodes encore expérimentales ont des indications
extrêmement limitées et ne peuvent se concevoir
que dans des équipes hautement spécialisées, après
un bilan très complet et une information éclairée de
la jeune femme ou du couple.
Transposition des ovaires
◆
Enfin, la transposition des ovaires, permettant
d’exclure ceux-ci des champs d’irradiation, est
parfois proposée. Si elle permet le maintien d’une
fonction hormonale, sa place dans la préservation
de la fertilité doit se discuter selon le geste utérin
associé : rappelons qu’en France la légalisation de
la “gestation pour autrui” fait actuellement l’objet
d’un débat éthique. La conservation d’un capital
ovarien est donc problématique chez les femmes
hystérectomisées.
Restauration de la fertilité
Une grossesse est-elle “envisageable” sur le plan
oncologique est la première question qui se pose.
Ainsi, après un cancer du sein traité, la plupart des
équipes recommandent de respecter un “délai de
sécurité” d’environ 2 à 3 ans, car le risque de réci-
dive est plus élevé dans les suites immédiates du
diagnostic. De toute façon, il est recommandé d’at-
tendre au moins une année après la dernière cure
de chimiothérapie, et deux mois après l’arrêt du
tamoxifène afin d’éviter tout risque tératogène.
Chez les femmes ayant une insuffisance ovarienne
avérée ou une ménopause précoce, le seul moyen
d’obtenir une grossesse est le don d’ovocytes.
En France, ses conditions sont extrêmement
réglementées (8).
La donneuse (une jeune femme, déjà mère, de moins
de 36/37 ans) va subir une stimulation hormonale
selon un protocole “classique” de FIV. Ses ovocytes
sont prélevés et mis en contact avec les spermato-
zoïdes du conjoint de la receveuse. Le ou les embryons
obtenus sont replacés dans l’utérus de la receveuse qui,
en France, doit nécessairement avoir l’âge de procréer,
donc moins de 42/43 ans. Chez les femmes en insuf-
fisance ovarienne complète, une courte substitution
hormonale est nécessaire jusqu’au relais placentaire.
Le don est anonyme et gratuit. En France, les listes
d’attente sont très longues en raison du manque de
donneuses. Actuellement, certaines femmes y ont
recours dans d’autres pays d’Europe, où l’accès au
don d’ovocytes est plus simple et plus rapide (environ
quelques mois). Enfin, lorsqu’à l’insuffisance ovarienne
avérée s’associe, chez le conjoint, une anomalie très
sévère du sperme, reste l’accueil d’embryon : c’est le
transfert à un couple stérile d’un ovule fécondé venant
d’un autre couple ayant eu recours aux techniques
d’AMP et ayant abandonné son projet parental. Cette
possibilité peut désormais être proposée aux couples
présentant une double infertilité.
Conclusion
La congélation de sperme doit être systématique-
ment proposée aux garçons.
Malgré des avancées récentes prometteuses, la
préservation de la fertilité féminine reste encore
expérimentale, qu’il s’agisse de la congélation d’em-
bryons, d’ovocytes ou d’ovaire, ou de la mise au repos
des ovaires par des agonistes de la LH-RH pendant
la chimiothérapie (9) [tableau].
Dès aujourd’hui, il nous faut anticiper cette nouvelle
demande de nos jeunes patients, apprendre à mieux
les informer, engager des collaborations avec des
équipes d’AMP sensibilisées à ces thématiques,
rédiger des référentiels adaptés et mettre en place
des enregistrements prospectifs. ■
Tableau. Taux de succès des méthodes de préservation de la fertilité chez la femme (9).
Option Femmes qui obtiendront une grossesse (%)
Cycles spontanés
(Acceptation du risque d’infertilité)
5 à 28 %, 3 à 6 ans après le traitement
(dépend de l’âge de la femme)
Agonistes de la LH-RH pendant la chimiothérapie
(expérimental)
Non connu
Congélation d’embryons 20 à 30 % par transfert de 3 embryons
Congélation d’ovocytes 3 % par ovocyte décongelé
Congélation d’ovaire Quelques grossesses rapportées
Don d’ovocytes 40 à 50 % par transfert de 2 ou 3 embryons
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