La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 3 - mars 2011 | 219
Résumé
»
Le développement des thérapeutiques ciblées répond à une attente majeure des cancérologues : le trai-
tement spécifique de la cellule cancéreuse permettant d’éviter ou de limiter la toxicité locale ou générale
des traitements du cancer sur les cellules saines.
»
Deux approches constituent aujourd’hui la thérapeutique ciblée : les anticorps monoclonaux et les
petites molécules inhibitrices.
»
De nouvelles molécules agissant sur tous les processus de l’oncogenèse ainsi que de nouvelles approches
pharmacologiques (oligonucléotides antisens) sont actuellement en cours de développement clinique dans
le but d’amplifier l’arsenal des thérapies ciblées en vue d’une optimisation des stratégies thérapeutiques.
Mots-clés
Thérapies ciblées
Oncogenèse
Cibles
en développement
Anticorps
monoclonaux
Petites molécules
inhibitrices
Highlights
»
The development of targeted
therapies is meeting oncolo-
gists’ expectations: to specifi-
cally treat the tumor cell and
limit the systemic toxicity,
which is usually due to the
cytotoxic effect of the drug on
normal cells.
»
Most targeted therapies
currently used rely on two
pharmacological strategies:
monoclonal antibodies and
small molecules that inhibit
tyrosine kinase activity.
»
New molecules targeting
proteins involved in oncogen-
esis as well as new approaches
(such as the use of antisens
oligonucleotides) are under-
going clinical development
and will hopefully enhance the
therapeutic options for cancer
treatment.
Keywords
Targeted therapies
Oncogenesis
Emerging targets
Monoclonal antibodies
Small-molecule kinase
inhibitors
◆◆c-Met
L’identification d’une amplification de c-Met (RTK)
chez les patients résistants aux inhibiteurs de HER1
ou HER2 a mis en lumière un nouveau rôle potentiel
de ce RTK, dont l’implication dans la tumori-
genèse, la résistance à l’apoptose et l’angiogenèse
tumorale était déjà bien connue (4). La diméri-
sation de c-Met, indispensable à son activation,
est consécutive à la fixation de son seul ligand
connu, le facteur de croissance des hépatocytes
(HGF). Les stratégies les plus largement exploitées
pour bloquer c-Met sont celles qui ciblent le site
de fixation de l’ATP, et de nombreux inhibiteurs
(K252a, SU-11274) sont actuellement en cours
d’évaluation clinique (5). En outre, on dénombre
3 anticorps anti-HGF humains ou humanisés en
cours d’évaluation clinique (PRO143966, AMG102,
SCH 900105) et un anticorps anti c-Met humanisé
(MetMab ou OA5D5) actuellement en phase II dans
le cancer du poumon.
◆◆IGF-1R
L’IGF-1R fait partie de la famille des RTK et a pour
ligand essentiel le facteur de croissance à l’insuline
(IGF). La voie de l’IGF-1R est cruciale pour le
développement embryonnaire, la croissance et les
mécanismes de réparation tissulaire. Cependant, le
dysfonctionnement de l’axe IGF-1R/IGF est aussi un
acteur majeur du développement tumoral. Dans
de nombreux types tumoraux, la surexpression de
l’IGF-1R semble jouer un rôle essentiel dans la trans-
formation cellulaire, l’angiogenèse, la résistance à
l’apoptose. Récemment, son rôle a également été
mis en évidence dans des mécanismes de résistance
aux traitements par trastuzumab ou géfitinib (6).
Il pourrait donc être utile d’associer les 2 types de
traitement ou de cibler des populations résistantes
à ces molécules en utilisant une thérapie dirigée
contre l’IGF-1R, ce qui justifie l’évaluation clinique
d’anticorps monoclonaux ciblant ce récepteur.
Celui dont le développement est le plus avancé est
le CP-751,821 pour lequel 18 essais cliniques sont
déclarés, dont 2 phases III dans le cancer du poumon
en association avec le paclitaxel-carboplatine. Enfin,
2 molécules antagonistes (AXL1717 et BMS-754807)
et 2 ITK (OSI-906 et XL228) de l’IGF-1R sont en
cours de développement clinique.
◆◆HSP90
La protéine chaperon HSP90 (Heat Shock Protein)
joue un rôle vital non seulement dans la réponse au
stress cellulaire en maintenant un bon repliement
tridimensionnel des protéines en dépit des chocs
thermiques, mais aussi dans la régulation de
certaines fonctions cellulaires fréquemment
dérégulées lors d’un cancer, telles que la prolifération
cellulaire et l’apoptose. De nombreuses protéines
impliquées dans l’oncogenèse sont prises en charge
par HSP90, telles que HER2 et c-Met (7). La tanespi-
mycine inhibe l’activité de HSP90 et entraîne ainsi la
dégradation de HER2, l’arrêt de la croissance cellu-
laire et l’apoptose (2). Une étude de phase I a évalué
la faisabilité de l’association trastuzumab-tanespi-
mycine chez 25 patientes atteintes du cancer du sein
surexprimant HER2 et réfractaires au trastuzumab
seul. Des réponses tumorales ont été observées chez
5 patientes (8).
◆◆ADAM
Les membres de la famille des désintégrines et
des métalloprotéases (ADAM) sont des molécules
transmembranaires qui jouent un rôle majeur dans
la transformation des proligands de la famille des
EGFR, de leur forme transmembranaire en forme
soluble par clivage (figure,◆p.◆220). L’activation des
ADAM fait suite à l’activation d’un récepteur couplé
aux protéines G (RCPG). De plus, le fragment ancré
de l’EGF dans la membrane après clivage peut être
transloqué dans le noyau et accentuer la prolifération
cellulaire en séquestrant une protéine répressive
de la transcription (figure). Enfin, ADAM10 est
capable de cliver la partie extracellulaire de HER2,
rendant le récepteur constitutivement actif, ce qui
se traduit par des cancers de mauvais pronostic et
résistants aux thérapies ciblées de type anticorps
monoclonaux (9). Un inhibiteur des ADAM10 et 17
(ADAM les plus souvent surexprimés), INCB7839,
est actuellement en cours d’évaluation dans un essai
clinique de phase II chez des patients atteints de
tumeurs solides surexprimant HER2 (9). KB-R7785
inhibe, quant à lui, la translocation nucléaire du
fragment du ligand restant après clivage, entraînant
ainsi l’inhibition de la croissance cellulaire, qui peut
être renforcée par l’association avec un anticorps
dirigé contre EGFR, tel le cétuximab (10).