La Lettre du Cancérologue • Vol. XVIII - n° 3 - mars 2009 | 147
Résumé
Les sujets jeunes présentent soit des formes tardives de cancer de l’enfant (leucémie aiguë lymphoïde, lymphome B,
sarcome), soit des formes précoces de cancer de l’adulte (sein, côlon, GIST). Ces tumeurs, en dehors des mélanomes
et des cancers de la thyroïde, sont généralement de très mauvais pronostic. Leurs particularités biologiques
restent mal connues.
Mots-clés
Sujet jeune
Cancer
Épigénétique
Télomère
Highlights
Cancers developped in young
adults and teenagers are
often late onset of children
cancers (LLA, B lymphoma) or
early onset of adults cancers
(breast, colon, GIST). They have
a worst prognosis, except for
melanoma and thyroid cancers.
Their biological specificities are
poorly known.
Keywords
Young adult
Teenager
Cancer
Epigenetic
Telomere
de Cajal ou de leur précurseur, et leur phénotype est
CD117/KIT+ (98 %), CD34+ (70 %). Elles sont carac-
térisées par la fréquente expression des protéines
KIT (80 %) ou PDGFRβ (5 %) mutées, activées de
manière mutuellement exclusive.
Chez les sujets de moins de 40 ans, l’atteinte prédo-
mine chez les femmes ; la présentation est multi-
focale ; la mutation de KIT ou de PDGFR n’est pas
retrouvée, ce qui explique l’absence de sensibilité
à l’imatinib (8).
Cancer du sein chez la femme jeune
Les tumeurs sont souvent de plus grande taille, et
de grade plus élevé. L’atteinte ganglionnaire est plus
fréquente, avec un nombre de ganglions atteints
plus élevé. Les formes dites triple-négatives (RE–,
RP–, HER2–), non hormonosensibles, sont plus
fréquentes.
L’association avec un risque familial accru (mutations
de BCRA1) est plus fréquente. Chez une femme de
moins de 30 ans avec une histoire familiale de cancer
du sein, une mutation de BRCA1, BRCA2 ou TP53 est
retrouvée dans plus de 50 % des cas, tandis que, en
l’absence d’antécédents familiaux, ces mutations ne
sont retrouvées que dans 10 % des cas (9).
Existe-t-il des gènes distinctifs particulièrement
impliqués dans la tumorogenèse du cancer du sein
des patientes de moins de 45 ans et des patientes
de plus de 65 ans ? Des études ont porté sur de
multiples ensembles de gènes (367) impliqués
dans la fonction immune, la voie mTOR/rapamy-
cine, BRCA1, l’apoptose, les voies de signalisation
de myc, d’E2F, de Ras, de la β-caténine, d’AKT, de
p53, etc. (10, 11).
Autres tumeurs
La fréquence du variant de type alvéolaire du rhab-
domyosarcome (avec translocation du 13, PAX
3-FKHR) chez les adolescents et les adultes jeunes
de pronostic plus défavorable est plus grande.
Dans le sarcome d’Ewing, le gain de 1q ou la perte
de 16q, de moins bon pronostic, sont plus fréquents
chez les patients de plus de 15 ans (12).
Dans les liposarcomes, des translocations impli-
quant les chromosomes 2, 16 et 22 sont le plus
souvent retrouvées.
L’incidence du mélanome est 2 fois supérieure chez
les jeunes filles à ce qu’elle est chez les adultes.
La fréquence plus élevée de mutations de BRAF
(40 à 50 % des cas) est corrélée à un index mito-
tique plus faible, à des tumeurs moins épaisses, et
donc à un meilleur pronostic.
Quels mécanismes,
quels facteurs pourraient
intervenir dans la spécificité
des cancers des sujets jeunes ?
La régulation épigénétique de gènes suppresseurs de
tumeurs (hyperméthylation d’îlots CpG de régions
promotrices) intervient à plusieurs niveaux (13) :
Dans les LAL, la méthylation des gènes de kinases
➤
régulatrices de la croissance (p57 codé par CDKN1C
et p15 codé par CDKN2B) et des gènes suppres-
seurs de tumeurs TP73 est plus importante chez
les adolescents et les adultes jeunes que chez les
enfants (14).
L’hyperméthylation du gène MLH1 est retrouvée
➤
dans 16 % des cas de polypes du sujet jeune, sans
que l’on sache s’il s’agit d’un facteur de progression
accélérée vers la cancérisation (15).
Le raccourcissement de la longueur des télomères
est associé, d’une génération à l’autre, à une dimi-
nution de l’âge des patients au moment de l’appa-
rition du cancer, dans le cadre du syndrome de Li
et Fraumeni (16).
Certains facteurs comme la maturation sexuelle ou
l’obésité (en augmentation chez les adolescents)
pourraient être impliqués.
Les prélèvements congelés, dont le nombre est faible
chez les sujets jeunes par rapport aux adultes, sont
indispensables à l’étude de la fonction des gènes et
des effets des mutations. Leur compréhension pour-
rait permettre en effet l’identification de nouvelles
cibles et la conception de substances thérapeutiques
capables de restaurer un fonctionnement cellulaire
normal. ■
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