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Gammapathies monoclonales
de signification indéterminée (MGUS)
Monoclonal gammopathy of undetermined significance
G. Fouquet*, S. Guidez*, C. Herbaux*, H. Demarquette*, X. Leleu*
N
RÉSUMÉ
ne
e
H
....
....
(Monoclonal Gammopathy of Undetermined Significance [MGUS])
sont des affections asymptomatiques, caractérisées par la
présence d’un composant monoclonal sérique, en l’absence
de toute autre anomalie biologique. Elles sont fréquemment
découvertes de façon fortuite, au cours d’un bilan systématique
déclenché par des symptômes ou des anomalies biologiques
variées, mais non liées à une hémopathie maligne. Cette entité
est présente chez 1 à 3 % de la population générale âgée de plus
de 50 ans et chez jusqu’à 5 % des sujets âgés de plus de 70 ans. La
principale complication des MGUS est représentée par un risque
de progression d’environ 1 % par an vers un myélome multiple
(isotypes IgG, IgA et chaîne légère) ou une autre hémopathie
lymphoproliférative (isotype IgM). Elles nécessitent donc un bilan
initial précis ainsi qu’une surveillance attentive. La complexité
de la situation résidant dans l’estimation du risque évolutif, des
modèles permettent de stratifier les patients selon leur risque,
afin d’adapter le bilan initial ainsi que le rythme de surveillance.
Il n’y a pas, à l’heure actuelle, d’indication de traitement.
Mots-clés : Gammapathie monoclonale − MGUS − Myélome.
....
Summary
»»Les gammapathies monoclonales de signification indéterminée
Monoclonal gammopathy of undetermined significance
(MGUS) are asymptomatic plasma cell disorders characterized
by the presence of a monoclonal serum protein, in the
absence of end-organ damage. The diagnosis is often
established incidentally, when a blood test is prescribed in
order to explore various symptoms or biological anomalies,
but not related to an hematologic malignancy. This entity
is present in 1-3% of the general population over 50 years
old and up to 5% over 70 years old. The main complication
of MGUS is a risk of progression of about 1% per year, to
multiple myeloma (isotypes IgG, IgA and light chain) or other
lymphoproliferative disorders (IgM). They therefore require a
precise initial assessment and an attentive surveillance. As
the challenge in the management of MGUS is to estimate
the risk of progression, models have been developed in order
to stratify patients according to their risk, thus allowing to
adjust the initial assessment and the surveillance. There is
currently no treatment recommended.
Keywords: Monoclonal gammopathy of undetermined significance – MGUS – Multiple myeloma.
....
L
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COH Vol. VIII - N° 2 - 2013
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vous
es gammapathies monoclonales de signification indéterminée (Monoclonal Gammopathy
of Undetermined Significance [MGUS]) sont des
affections asymptomatiques, non malignes, caractérisées par la présence d’un clone plasmocytaire dans
la moelle osseuse sécrétant une immunoglobuline (Ig)
monoclonale dans le sérum et/ou les urines.
Elles représentent l’un des 2 précurseurs connus
du myélome multiple, avec le myélome multiple
indolent (Smoldering Multiple Myeloma [SMM]). Ces
2 entités ont été décrites par R.A. Kyle (1) en 1978
et R.A. Kyle et P.R. Greipp (2) en 1980 comme étant
définies par la présence d’une protéine monoclonale
dans le sérum et/ou d’une prolifération plasmocytaire médullaire excessive, en l’absence de critères
cliniques et biologiques de myélome multiple symptomatique ou d’une autre hémopathie lymphoproliférative.
Dans une étude de la Mayo Clinic portant sur 71 patients
diagnostiqués avec un myélome multiple, O. Landgren
et al. (3) ont démontré qu’une MGUS ou une autre entité
“prémaligne” précédait l’apparition du myélome systématiquement, dans les années précédant le diagnostic. On comprend ainsi que la MGUS ne peut pas être
systématiquement considérée comme une affection
“bénigne”.
*Service des maladies
du sang, hôpital Huriez,
CHRU de Lille.
n des
aires
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
85
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Définition et épidémiologie
dont l’isotype est classiquement IgG, IgA, IgD, IgE ou
chaînes légères.
Prévalence
La prévalence des MGUS augmente avec l’âge. On
retrouve cette anomalie chez 0,1 à 0,3 % des donneurs
de sang sains de moins de 50 ans (4), 1 à 3 % des sujets
de plus de 50 ans, 3 à 5 % des sujets de plus de 70 ans, et
jusqu’à 7,5 % des sujets de plus de 85 ans (figure 1) [5-8].
Cette incidence est probablement encore sous-estimée,
notamment si l’on prend en compte les MGUS qui ne
sont détectées qu’avec des techniques plus sensibles
que l’électrophorèse des protéines sériques, comme
l’immunofixation ou l’immuno-isoélectrofocalisation (9).
L’âge médian au diagnostic est de 72 ans (6). Les MGUS
sont plus fréquentes chez les hommes (56 %) que chez
les femmes (44 %) [8].
Isotype
Les MGUS sont le plus souvent d’isotype IgG (environ
70 % des cas), mais peuvent également être d’isotype
IgA (10 %), IgM (15 %), IgD (< 1 %), ou encore à chaînes
légères (5 %). Il existe aussi des MGUS biclonales, qui
représentent 3 % des cas. La chaîne légère est de type κ
dans environ deux tiers des cas (6, 10).
Bien que l’on parle généralement des MGUS comme
d’une entité unique, il importe en réalité de distinguer les MGUS avec un risque d’évolution vers une
hémopathie de type lymphoïde (lymphoprolifération
de phénotype B, par fréquence le lymphome lymphoplasmocytaire/maladie de Waldenström [isotype
IgM]), et les MGUS à cellules plasmocytaires avec un
risque d’évolution vers une hémopathie dysglobulinémique de type myélome multiple (ou apparentés, POEMS, plasmocytome, mais aussi amylose AL)
10
%
Hommes
Prévalence de MGUS
8
6
Femmes
4
2
0
50
60
70
Âge (ans)
Figure 1. Prévalence des MGUS en fonction de l’âge (8).
86
80
90
Physiopathologie
Sur le plan physiopathologique, les MGUS sont caractérisées par une réponse anormale à la stimulation
antigénique, ainsi que par une instabilité génétique
entraînant l’apparition d’événements oncogéniques
précoces, qui altèrent directement les interactions
entre les cellules plasmocytaires clonales et l’environnement médullaire. Parmi les anomalies cyto­
génétiques les plus fréquentes chez les patients
atteints d’une MGUS, on retiendra les translocations
au niveau de la région codant la chaîne lourde des
immuno­globulines en 14q32, les délétions du bras
long du chromosome 13 (délétion 13q) et l’hyper­
diploïdie (11, 12). Par ailleurs, on retrouve une sur­
expression du CD126 (récepteur de l’interleukine 6
[IL-6]) dans les plasmocytes de MGUS comparativement à des plasmocytes normaux, l’IL-6 étant un facteur de croissance plasmocytaire important (13). On
observe également une surexpression du CD45, un
régulateur important de l’activation lymphocytaire
liée à l’antigène, aussi bien dans les MGUS que dans
les SMM, par comparaison avec les myélomes symptomatiques (14). Il est à noter que ces anomalies cytogénétiques peuvent apparaître au cours de l’évolution
d’une MGUS, et toucher seulement une partie des
plasmocytes anormaux, générant ainsi des sous-clones
qui peuvent alors évoluer en parallèle. M. Zandecki et
al. (15) ont ainsi montré, chez 19 patients souffrant
d’une MGUS, qu’il pouvait coexister plusieurs populations de plasmocytes médullaires portant chacune des
anomalies spécifiques détectables par FISH. Ces populations correspondaient à des sous-clones différents
mais dont les anomalies étaient cependant reliées − ce
qui suggère une origine commune −, et qui pouvaient
ensuite acquérir des anomalies supplémentaires au
cours de leur évolution. L’acquisition de ces anomalies
n’était néanmoins pas reliée à une transformation en
myélome multiple ; le mécanisme de progression en
myélome multiple reste encore à démontrer.
Étiologies et facteurs de risque
Les étiologies des gammapathies monoclonales sont
résumées dans le tableau I, telles qu’elles ont été retrouvées dans 2 grandes séries, sur plus de 20 000 échantillons recueillis sur 35 ans à la Mayo Clinic, et sur
1 275 patients admis entre 1991 et 1993 dans plusieurs
centres des Pays-Bas (10, 16). L’étiologie des MGUS n’est
pas connue, cependant il semble exister différents facteurs de risque.
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
Gammapathies monoclonales de signification indéterminée (MGUS)
Ethnie
Les MGUS sont plus rares sur le continent asiatique, et
l’incidence ajustée à l’âge des MGUS est globalement
2 fois supérieure chez les Africains et les Américains
d’origine africaine que chez les sujets blancs (17, 18).
Cette observation est également valable pour le
myélome multiple (19).
Tableau I. Étiologies des gammapathies monoclonales (10, 16).
Étiologies
Obésité
L’obésité semble également être un facteur de risque
indépendant : on retrouve en effet, en analyse multivariée, un risque relatif de développer une MGUS de 1,8
chez les patients obèses (20).
Pesticides, toxiques
On retrouve une prévalence des MGUS quasiment 2 fois
plus importante chez les sujets exposés à des pesticides (risque relatif de 1,9 par rapport à une population
témoin) [21].
Hérédité et environnement
Il n’y a pas de transmission génétique (héréditaire)
de la MGUS. Cependant, plusieurs observations de
cas familiaux de gammapathies monoclonales ont
été rapportées, avec un risque relatif de développer une MGUS de 2,6 chez les sujets apparentés
au premier degré avec des patients atteints d’une
MGUS ou d’un myélome multiple par rapport à la
population générale (22). Cela semble évoquer une
prédisposition génétique, mais pourrait également
résulter d’une influence de l’environnement. Le risque
absolu restant faible, il n’est pas recommandé de
dépister les sujets apparentés à un patient présentant
une gammapathie monoclonale. Il existe en France
une étude coordonnée au niveau national par le Pr Dumontet à Lyon (au nom de l’IFM) qui a pour objectif
de progresser dans l’étude épidémiologique et la
compréhension génétique de ces cas familiaux de
dysglobulinémies.
Définition et circonstances de découverte
La MGUS étant un diagnostic d’exclusion, il ne doit pas
exister d’arguments cliniques et biologiques en faveur
d’une hémopathie maligne. En particulier, les critères
suivants doivent être réunis :
✓✓ pic monoclonal inférieur à 30 g/l (à noter que dans
les cas de MGUS à IgA ou IgM, le pic est généralement
inférieur à 20 g/l) ;
✓✓ absence d’une protéinurie de Bence-Jones ou protéinurie de Bence-Jones inférieure à 300 mg/24 h ;
Fréquence (%)
Gammapathie monoclonale de signification indéterminée
60
Myélome multiple
20
Autres hémopathies lymphoïdes : maladie de Waldenström, leucémie
lymphoïde chronique, amylose AL, lymphome non hodgkinien, etc.
6
Hémopathies malignes non lymphoïdes : myélodysplasie,
leucémie myélomonocytaire chronique, syndrome myéloprolifératif, etc.
2
Tumeurs solides : carcinome des voies biliaires, de la vessie, du sein,
du foie, du poumon, de l’ovaire, de la prostate, de l’utérus, mélanome
malin, angiosarcome, etc.
6
Maladies auto-immunes : polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie,
périartérite noueuse, lupus, etc.
2
Infections : tuberculose, ostéomyélite, pyélonéphrite, infection
à cytomégalovirus, infection à Helicobacter pylori, etc.
1
Hépatopathies : hépatite B, hépatite C, cirrhose, etc.
1
Déficits immunitaires, suites de greffe hématopoïétique
1
Autres : porphyrie aiguë, sarcoïdose, maladie de Gaucher, maladie de Paget,
hyperparathyroïdie, fibrose pulmonaire, pyoderma gangrenosum, etc.
1
✓✓ absence de l’atteinte d’organes cibles imputable
à la prolifération plasmocytaire, définie par l’absence
de critères CRAB (hypercalcémie, insuffisance rénale,
anémie et lésions osseuses) ;
•• absence d’une hypercalcémie, définie par une
calcémie corrigée supérieure ou égale à 115 mg/l ;
•• absence d’une insuffisance rénale, définie par une
créatinine supérieure à 20 mg/l ou une clairance de
la créatinine estimée inférieure à 40 ml/mn ;
•• absence d’une anémie normochrome, normocytaire, définie par une hémoglobine inférieure à
10 g/dl ou à plus de 2 g/dl en dessous de la normale
inférieure ;
•• absence de lésions osseuses ostéolytiques ou d’une
ostéopénie sévère ou de fractures pathologiques,
imputables à la prolifération plasmocytaire ;
✓✓ si un myélogramme a été réalisé, envahissement
plasmocytaire médullaire inférieur à 10 % (6, 23).
Enfin, ces paramètres ne doivent pas progresser significativement pendant 1 an, afin d’exclure un myélome multiple
débutant. De nouveaux critères vont être prochainement
définis concernant l’atteinte rénale et osseuse.
Les circonstances de découverte d’un pic monoclonal à
l’électrophorèse des protéines sériques sont variables, cet
examen étant en pratique demandé dans de nombreuses
situations. Ses indications sont cependant limitées à
l’exploration d’anomalies cliniques et biologiques évocatrices d’un myélome multiple ou d’une autre hémopathie
lymphoproliférative (syndrome tumoral hématologique,
signes d’insuffisance médullaire, signes cliniques d’hyper-
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
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calcémie ou d’insuffisance rénale, douleurs osseuses
d’horaire non spécifique, infections à répétition, mais
surtout devant une hyperprotidémie et une élévation de
la vitesse de sédimentation, une anémie normocytaire
arégénérative, une insuffisance rénale et une protéinurie).
Dans le cas de la MGUS, cette affection étant asymptomatique, il s’agit normalement d’une anomalie de
découverte fortuite dans le bilan d’une autre pathologie n’ayant en général pas de lien avec la MGUS. Le
dépistage n’est pas indiqué dans la pratique clinique.
Tableau II. Définitions des gammapathies monoclonales (23, 25).
Atteinte prémaligne
Isotype avec un faible risque
de progression (1-2 % par an)
Atteinte prémaligne
avec un haut risque
de progression (10 % par an)
Hémopathie maligne
IgG
et IgA
MGUS non IgM
Les 3 critères doivent être
présents
•• Immunoglobuline mono­clonale
sérique < 30 g/l
•• Plasmocytes clonaux
médullaires < 10 %
•• Absence d’atteinte des organes
cibles imputable à la prolifération
plasmocytaire, définie par l’absence
de critères CRAB
Myélome multiple indolent
ou SMM
Les 2 critères doivent être présents
•• Immunoglobuline monoclonale
sérique (IgG ou IgA) ≥ 30 g/l et/ou
plasmocytes clonaux médullaires
≥ 10 %
•• Absence d’atteinte des organes
cibles imputable à la prolifération
plasmocytaire, définie par
l’absence de critères CRAB
Myélome multiple
Les 3 critères doivent être présents (sauf spécifié)
•• Plasmocytes clonaux médullaires ≥ 10 %
•• Présence d’une immunoglobuline monoclonale sérique ou urinaire
(sauf dans le cas d’un myélome multiple non sécrétant)
•• Présence d’une atteinte des organes cibles imputable à la prolifération
plasmocytaire, définie par la présence d’au moins 1 critère CRAB
– hypercalcémie ≥ 115 mg/l
– insuffisance rénale : créatinine > 20 mg/l ou clairance
de la créatinine estimée < 40 ml/min
– anémie normochrome, normocytaire, avec hémoglobine < 10 g/dl
ou à plus de 2 g/dl en dessous de la normale inférieure
– lésions osseuses ostéolytiques, ostéopénie sévère ou fractures
pathologiques
IgM
MGUS IgM
Les 3 critères doivent être
présents
•• Immunoglobuline mono­
clonale sérique < 30 g/l
•• Lymphoplasmocytes clonaux
médullaires < 10 %
•• Absence d’atteinte des organes
cibles imputable à la prolifération
lymphoplasmocytaire, telle que :
anémie, signes d’évolutivité B,
hyperviscosité, adénomégalie,
hépatosplénomégalie
Maladie de Waldenström
indolente
Les 2 critères doivent être
présents
•• Immunoglobuline mono­
clonale sérique (IgG ou IgA) ≥
30 g/l et/ou lymphoplasmocytes
clonaux médullaires ≥ 10%
•• Absence d’atteinte des organes
cibles imputable à la prolifération
lymphoplasmocytaire,
telle que : anémie, signes
d’évolutivité B, hyperviscosité,
adénomégalie, hépatosplénomégalie
Maladie de Waldenström
Les 3 critères doivent être présents
•• Gammapathie monoclonale IgM
(quelle que soit la taille du pic)
•• Infiltration médullaire lymphoplasmocytaire ≥ 10 %, par de petits
lymphocytes ayant une différenciation
plasmocytaire ou plasmacytoïde, et un
immunophénotypage typique (IgM de
surface+, CD5+, CD10–, CD19+, CD20+,
CD23–)
•• Présence d’anémie, signes d’évolutivité B, hyperviscosité, adénomégalie,
ou hépatosplénomégalie, pouvant être
attribués à la prolifération lympho­
plasmocytaire
Chaînes
légères
MGUS à chaînes légères
Tous les critères doivent être
présents
•• Ratio de chaînes légères libres
sériques κ/λ anormal (< 0,26 ou
> 1,65)
•• Taux élevé de la chaîne légère
impliquée (κ si le ratio est > 1,65
et λ si le ratio est < 0,26)
•• Absence de chaînes lourdes
d’immunoglobuline détectées
à l’électrophorèse des protéines
sériques ni à l’immunofixation
•• Plasmocytes clonaux
médullaires < 10 %
•• Absence d’atteinte des organes
cibles imputable à la prolifération plasmocytaire, définie par
l’absence de critères CRAB
Protéinurie de Bence-Jones
idiopathique
Les 3 critères doivent être
présents
•• Protéinurie de Bence-Jones
≥ 500 mg/24 h et/ou plasmocytes
clonaux médullaires ≥ 10 %
•• Absence de chaînes lourdes
d’immunoglobuline détectées
à l’électrophorèse des protéines
sériques ni à l’immunofixation
•• Absence d’atteinte des organes
cibles imputable à la prolifération plasmocytaire, définie par
l’absence de critères CRAB
Myélome multiple à chaînes légères
•• Mêmes critères que pour le myélome multiple, mais absence
de chaînes lourdes d’immunoglobuline détectées à l’électrophorèse
des protéines sériques ni à l’immunofixation
88
Myélome multiple à IgM
Les 3 critères doivent être
présents
•• Gammapathie mono­
clonale IgM symptomatique
(quelle que soit la taille
du pic)
•• Plasmocytes clonaux
médullaires ≥ 10 %
•• Présence de lésions
ostéolytiques imputables
à la prolifération plasmocytaire, et/ou à une translocation t(11;14) en FISH
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
Gammapathies monoclonales de signification indéterminée (MGUS)
Les MGUS représentent 60 % des gammapathies monoclonales, mais il existe de nombreux diagnostics différentiels qu’il convient d’éliminer avant de pouvoir
poser le diagnostic. Les MGUS pouvant s’inscrire dans
une continuité évolutive avec d’autres pathologies
plasmo­cytaires ou lymphoplasmocytaires, ces différentes affections ont récemment vu leurs critères diagnostiques actualisés afin de permettre une prise en
charge adaptée à la situation clinique précise (tableau II)
[23-25]. Ainsi, pour les gammapathies à IgG ou à IgA,
il existe 3 stades évolutifs, qui sont représentés par la
MGUS, le SMM et le myélome multiple. Devant un pic
IgA ou IgG, il ne faut pas méconnaître les autres dys­
globulinémies malignes apparentées : plasmocytome,
syndrome de POEMS comprenant presque toujours une
chaîne légère λ (polyneuropathie, organomégalie, endocrinopathie, composant monoclonal sérique, maladie
de peau). Pour les gammapathies à IgM, on distingue
la MGUS à IgM, la maladie de Waldenström indolente
(Smoldering Waldenström Macroglobulinemia) et la
maladie de Waldenström. Il ne faut pas méconnaître
les autres pathologies lymphoïdes de type leucémie
lymphoïde chronique, lymphome de bas grade de
phénotype B, ou lymphome de haut grade de phénotype B. Il est important de rechercher dans ces entités
la présence d’un syndrome tumoral ganglionnaire ou
hépatosplénique. Pour les gammapathies à chaînes
légères, on parle de MGUS à chaînes légères, de protéinurie de Bence-Jones idiopathique et de myélome
multiple à chaînes légères (25). Enfin, il faut toujours
évoquer l’amylose AL et envisager des explorations
complémentaires en cas de contexte évocateur. Il existe
des formes localisées d’amylose AL (notamment pulmonaire, ORL ou gastrique, mais de nombreuses localisations ont été décrites), où classiquement il n’est pas
retrouvé de composant monoclonal. C’est cependant
la forme systémique qui reste la plus grave (avec, par
fréquence, des atteintes cardiaque, rénale, digestive et
neurologique), fréquemment associée à l’expression
d’une chaîne légère λ. D’autres hémo­pathies dysglobulinémiques avec maladies de dépôts ont été décrites,
avec très fréquemment une atteinte rénale principalement. Ces entités ont été récemment regroupées
sous une nouvelle dénomination : les gammapathies
monoclonales avec atteinte rénale (MGRS [Monoclonal
Gammopathy of Renal Significance]) [26], incluant les
LCDD (Light Chain Deposition Disease) ou maladie de
Randall, les HCDD (Heavy Chain Deposition Disease), les
HLCDD (Combined Heavy and Light Chain Deposition
Disease) et la cryoglobulinémie. Une analyse de la pro-
téinurie (profil glomérulaire) et surtout de l’albuminurie,
une échographie rénale, un avis spécialisé en néphrologie sont fortement recommandés, de même qu’une
ponction biopsie rénale.
MGUS et myélome multiple
La problématique la plus importante face à une MGUS
est de ne pas méconnaître un myélome multiple, qui
relève d’une prise en charge thérapeutique spécifique
urgente, et qui représente la complication évolutive
la plus fréquente pour les gamma­pathies IgG, IgA
ou à chaînes légères, très rarement les MGUS IgM.
Évolution
Les MGUS sont associées à un risque de progression vers un myélome multiple ou une autre hémopathie lympho­proliférative telle que la maladie de
Waldenström, évalué à environ 1 % par an (6, 27). Ce
risque étant faible, et les MGUS étant souvent diagnostiquées à un âge relativement avancé (l’âge médian
au diagnostic est estimé à 72 ans), il existe un risque
non négligeable de complications intercurrentes et
de décès non liés à la MGUS. Ainsi, si l’on prend en
compte les décès non liés à la progression chez les
patients atteints d’une MGUS, le risque réel de progression est estimé à environ 11 % à 25 ans (figure 2)
[28-30]. Plusieurs études se sont intéressées au risque
évolutif des MGUS. Ainsi, sur une série de 241 patients
ayant une MGUS avec un suivi médian de 13,7 ans,
27 % ont progressé, parmi lesquels 68,5 % ont déve-
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
40
%
30
Patients
Diagnostics différentiels
20
10
0
0
5
10
15
Années
20
25
30
Figure 2. Risque de progression vers un myélome ou une autre hémopathie, chez 1 148 patients
porteurs d’une MGUS (29). La courbe bleue représente le risque brut de progression d’une MGUS,
estimé à 1 % par an, soit 25 % à 25 ans. La courbe orange représente ce même risque, recalculé en
intégrant le risque de décès de causes non liées à la gammapathie, estimé ainsi à 11 % à 25 ans.
89
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thématique
loppé un myélome multiple, 11 % une maladie de
Waldenström, 12,5 % une amylose AL, et 8 % une
hémopathie lympho­proliférative. La durée médiane
entre le diagnostic de la MGUS et la progression était
de 10,4 ans (27). Dans une autre série de 1 384 patients
du Minnesota, avec un suivi médian de 15,4 ans, 8 %
des patients ont vu leur maladie progresser, parmi
lesquels 65 % ont développé un myélome multiple,
6 % une maladie de Waldenström, 9 % une amylose AL,
16,5 % un lymphome non hodgkinien, 2,5 % une leucémie lymphoïde chronique et 1 % un plasmocytome.
Le risque relatif de ces pathologies comparativement
à la population générale (selon les données du SEER)
était de 7,3 (6). Ce risque de progression inhérent à la
MGUS ne diminue pas avec le temps. Nous avons vu
plus haut que les plasmocytes de MGUS acquéraient
des anomalies cytogénétiques au cours du temps, mais
que cette accumulation d’anomalies n’était pas liée à
la progression en myélome multiple. Il existe plutôt
probablement un phénomène oncogénique de type
“double hit” aléatoire, dans lequel un événement particulier, qui reste encore à démontrer, entraîne une
progression en myélome multiple à un moment donné,
indépendamment de la durée d’évolution de la MGUS
ou de la quantité d’anomalies accumulées (15, 31).
Facteurs pronostiques
Les MGUS représentent une entité hétérogène, et il
est difficile au moment du diagnostic de prédire quels
sont les patients les plus à risque d’évoluer vers un myé-
%
Risque de progression à 10 ans
75
50
41
34
26
25
14
14,1
13
5
0
5
10
15
20
Composant monoclonal sérique en g/l
25
Figure 3. Risque de progression d’une MGUS à 10 ans selon la taille du composant monoclonal (6).
90
lome ou une autre hémopathie lymphoproliférative.
Cependant, certains examens simples peuvent aider à
cibler ces patients, notamment en prenant en compte
l’isotype, la taille du composant monoclonal et, parfois,
le ratio de chaînes légères libres sériques (23). Bien que
la MGUS soit associée à des atteintes osseuses de type
ostéoporose et fractures, il n’est pas recommandé à
l’heure actuelle de pratiquer un bilan osseux de façon
systématique au diagnostic.
Isotype
Les patients ayant une MGUS à IgM, à IgA ou à chaînes
légères sont plus à risque de progresser que ceux ayant
une MGUS à IgG (23). Les sujets avec une MGUS à IgA
et à chaînes légères évoluent plus volontiers vers un
myélome multiple et ceux avec une MGUS à IgM vers
une maladie de Waldenström.
Taille du composant monoclonal
L’importance du composant monoclonal au diagnostic
était un facteur de risque de progression majeur dans la
cohorte des 1 384 patients MGUS de la Mayo Clinic (6) :
le risque de progression à 10 ans était de 41 % pour les
patients ayant un pic monoclonal supérieur ou égal
à 25 g/l, et de seulement 14 % si le pic était inférieur
ou égal à 5 g/l (figure 3). L’évolution du pic pendant la
première année est également un critère important,
une augmentation notable du pic étant un facteur de
risque de progression significatif (3, 32).
Ratio de chaînes légères libres sériques (κ/λ)
S.V. Rajkumar et al. (29) ont montré que le risque de progression est significativement plus élevé chez les patients
ayant un ratio de chaînes légères libres sériques κ/λ anormal au diagnostic. En analyse multivariée, il s’agit d’un
facteur de risque significatif, indépendant de l’isotype
et de la taille du pic monoclonal. Cette observation a été
confirmée dans le SMM (33). O. Landgren et al. (3) avaient
également retrouvé, dans une cohorte de 71 patients
ayant développé un myélome multiple, une augmentation de la chaîne légère libre impliquée ainsi que de
la taille du pic monoclonal, dans les années précédant
le diagnostic de myélome multiple.
Modélisation pronostique
S.V. Rajkumar et al. (29) ont développé un modèle de
stratification du risque de progression en fonction de
la taille du pic monoclonal (≥ 15 g/l versus < 15 g/l),
de l’isotype (autres isotypes versus IgG) et du ratio de
chaînes légères libres sériques (anormal versus normal).
Le risque de progression à 20 ans est ainsi de 5 % en l’absence de ces facteurs, de 21 % si 1 facteur de risque est
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
Gammapathies monoclonales de signification indéterminée (MGUS)
présent, de 37 % et de 58 % si 2 ou 3 facteurs de risque
respectivement sont présents (tableau III et figure 4).
Cytométrie en flux
Il a été montré que les plasmocytes présentant un
phénotype aberrant correspondent à des plasmocytes
pathologiques, clonaux, tandis que les plasmocytes
de phénotype normal sont polyclonaux. La proportion de plasmocytes aberrants par rapport aux plasmocytes normaux a déjà été utilisée comme critère
pour différencier une MGUS d’un myélome multiple
(34). Partant de cette observation, E. Pérez-Persona
et al. (35) ont voulu démontrer que cette proportion
pouvait avoir un impact sur le risque de progression
d’une MGUS ou d’un myélome multiple indolent. Les
plasmocytes normaux expriment le CD138 et le CD38
de façon intense. Le phénotype aberrant était défini
en cytométrie en flux par l’absence de CD19 et/ou
de CD45, une expression diminuée de CD38 et une
surexpression de CD56. Ils ont reporté, sur une série
de 407 patients avec une MGUS et de 93 autres avec
un SMM, un impact important de la prépondérance
des plasmocytes aberrants médullaires sur le risque de
progression, à la fois chez les patients MGUS et chez
ceux ayant un SMM. Le seuil le plus significatif était
à 95 % : les patients ayant une proportion de plus de
95 % de plasmocytes aberrants médullaires avaient,
par rapport aux patients ayant un pourcentage inférieur à 95 %, un temps avant progression médian de
107 mois versus non atteint respectivement dans le
cas des MGUS (p < 0,001) et de 34 mois versus non
atteint dans le cas des SMM (p < 0,001).
En se fondant sur ces observations, les auteurs ont
donc établi un modèle de classification du risque
(modèle espagnol PETHEMA), utilisant la cytométrie
en flux (35). En dehors de la proportion de plasmocytes
anormaux, 2 autres critères sont des facteurs prédictifs
indépendants de progression : l’aneuploïdie pour les
MGUS et l’hypogammaglobulinémie pour les SMM
(tableau IV, p. 92). Le risque de progression à 5 ans
est donc de 2 %, 10 % et 46 % pour les patients avec
MGUS ayant 0, 1 ou 2 facteurs, et de 4 %, 46 % et 72 %
pour les patients avec SMM ayant 0, 1 ou 2 facteurs
(figure 5, p. 92). Ce modèle de stratification du risque
présente l’inconvénient d’intégrer des examens qui ne
sont pas systématiquement indiqués au diagnostic
d’une MGUS − puisqu’il nécessite de réaliser un prélèvement médullaire −, et qui ne sont pas disponibles
en routine dans tous les centres − puisqu’il utilise une
technique de cytométrie en flux ainsi qu’un caryotype
médullaire.
Envahissement plasmocytaire médullaire
C. Cesana et al. (36) ont rapporté, sur une série de
1 104 patients ayant une MGUS, un risque plus élevé
de progression chez les sujets ayant une plasmocytose
médullaire supérieure à 5 % . D’autres séries anciennes
retrouvaient un risque de progression plus élevé à partir
de 10 % de plasmocytes médullaires, mais les critères
%
75
40
3 facteurs de risque
2 facteurs de risque
1 facteur de risque
0 facteur de risque : pic
monoclonal < 15 g/l,
isotype IgG, ratio de chaînes
légères libres sériques
normal
20
0
5
10
15
Années
20
25
30
Figure 4. Risque de progression d’une MGUS en myélome multiple, selon le modèle de stratification du risque (29).
Tableau III. Modèle de stratification du risque de progression d’une MGUS (29).
n
Risque
relatif IC95
Risque absolu
de progression à 20 ans
Risque absolu de progression à 20 ans
en prenant en compte les décès
non liés à la progression
Faible risque (pic monoclonal < 15 g/l, isotype IgG,
ratio de chaînes légères libres sériques normal)
449
1
5
2
Risque intermédiaire bas (1 facteur de risque)
420
5,4
21
10
Risque intermédiaire haut (2 facteurs de risque)
226
10,1
37
18
Haut risque (3 facteurs de risque : pic monoclonal
≥ 15 g/l, isotype autre qu’IgG et ratio de chaînes
légères libres sériques anormal
53
20,8
58
27
Groupe à risque
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
91
Maladies
incipiens
dossier
thématique
Tableau IV. Modèle espagnol de stratification du risque de progression d’une MGUS et d’un SMM (35).
Facteurs de risque
MGUS : score
SMM : score
Pourcentage de plasmocytes aberrants
– ≥ 95 %
– < 95 %
1
0
1
0
Index chromosomique
– Aneuploïdie
– Diploïdie
1
0
–
–
Hypogammaglobulinémie
– Hypogammaglobulinémie
– Pas d’hypogammaglobulinémie
–
–
1
0
1,0
0,8
p < 0,001
Score 2 (n = 16),
médiane :
61 mois
0,6
0,4
Score 1 (n = 133),
médiane :
120 mois
Score 0
(n = 127),
médiane : NR
0,2
0
0 24
48
72
96
120
Mois depuis le diagnostic
Figure 5. Temps avant progression selon le modèle de
stratification du risque espagnol, pour les MGUS (35).
diagnostiques actuels font que ces patients seraient
aujourd’hui diagnostiqués comme ayant un SMM ou
un myélome symptomatique, et non une MGUS.
La plupart des examens cités ici ne sont pas réalisables
en routine. Par conséquent, le bon sens clinique, le suivi
dans le temps (qui peut pour la majorité des patients
être réalisé par le médecin généraliste) et l’éducation
du patient restent vraisemblablement les moyens les
plus simples de suivre et d’anticiper l’évolution possible
vers une hémopathie maligne.
Complications
En dehors du risque de transformation maligne, la MGUS
est associée à certains états pathologiques, avec notamment une augmentation du risque d’ostéoporose et
de fractures, de thrombose veineuse profonde, et de
92
complications auto-immunes liées à l’immunoglobuline
monoclonale (37).
Les patients porteurs d’une MGUS ont en effet un risque
plus élevé que la population générale de développer
des fractures, en raison d’une activation ostéoclastique
précoce (38). Un excès de résorption osseuse a ainsi
été retrouvé dans certains cas de MGUS, mesuré par
biopsie osseuse quantitative et marqueurs sériques de
renouvellement osseux, même en dehors de lésions
radiologiques osseuses détectables (39, 40).
La MGUS est également associée à un état d’hyper­
coagulabilité, favorisant l’apparition de thromboses veineuses profondes, ainsi que de thromboses artérielles
(37, 41). Il n’y a cependant pas de recommandation à
l’heure actuelle concernant une prophylaxie antithrombotique au diagnostic d’une MGUS.
On peut également retrouver des complications autoimmunes liées à l’immunoglobuline monoclonale,
telles notamment que la neuropathie périphérique
démyélinisante par activité auto-anticorps anti-MAG
(Myelin Associated Glycoprotein) dans les gammapathies
à IgM. D’autres formes de neuropathies dysglobulinémiques existent qui ne sont pas en lien avec une activité anti-gaine de myéline, mais qui touchent d’autres
composants du nerf. Il ne faut pas méconnaître une
neuropathie entrant dans le cadre d’une amylose AL,
dans le cadre d’une cryoglobulinémie, n’ayant aucun
lien avec la MGUS. Un avis spécialisé en neurologie
et la réalisation d’un électromyogramme, voire d’une
biopsie neuromusculaire, peuvent être recommandés.
Il existe également des associations avec des troubles
de la coagulation par activité auto-anticorps antiérythrocytaire ou anticoagulante (inhibiteur acquis
de la coagulation, maladie de Willebrand acquise ou
hémophilie acquise), des cytopénies auto-immunes,
des cas de cryoglobulinémie, ou encore d’autres pathologies auto-immunes avec lesquelles le lien de cause à
effet est moins connu (37, 42-45).
S. Y. Kristinsson et al. (46) ont montré que les patients
souffrant d’une MGUS avaient une espérance de vie
diminuée par rapport à la population générale, ainsi
qu’un risque plus élevé de décès de causes infectieuses
bactériennes, cardiaques, hépatiques et rénales. Ces
observations sont cependant à prendre avec prudence,
la MGUS étant fréquemment diagnostiquée lors d’un
bilan prescrit pour l’exploration d’une autre pathologie
pouvant être responsable de diverses complications,
la prévalence des MGUS étant par conséquent sousévaluée chez les patients sains. Il n’est pas rapporté
d’hypogammaglobulinémie avec la MGUS, à l’inverse
cela traduirait possiblement l’existence d’une hémopathie maligne sous-jacente.
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
Gammapathies monoclonales de signification indéterminée (MGUS)
Prise en charge
Bilan
Au diagnostic, un interrogatoire et un examen clinique
complet doivent être réalisés pour tous les patients, à la
recherche de symptômes pouvant évoquer un myélome
multiple (douleurs osseuses, plasmocytome, infections
à répétition, neuropathie, syndrome d’hyperviscosité,
voire tableau d’hypercalcémie avec troubles digestifs,
confusion et déshydratation, insuffisance rénale avec
syndrome tubulaire, etc.), une lymphoprolifération B
(notamment un syndrome tumoral, surtout isotype IgM)
ou encore une amylose AL (œdèmes, signes d’atteinte
cardiaque, syndrome glomérulaire rénal, neuropathie
autonome, etc.).
Afin de vérifier l’absence d’atteinte d’organes cibles, un
bilan biologique standard doit être demandé, comprenant numération formule sanguine, fonction rénale avec
urée et créatininémie, calcémie, et électrophorèse des
protéines sériques (avec immunofixation si celle-ci n’a
pas déjà été réalisée). Une protéinurie des 24 heures est
également recommandée, avec recherche de protéinurie de Bence-Jones si la protéinurie est significative
(> 300 mg/24 h), surtout si une insuffisance rénale est
associée et dans les cas ou une hypogammaglobulinémie serait associée (23).
À l’issue de cette évaluation, la prise en charge diffère
selon le groupe à risque. Selon S.V. Rajkumar et al. (29),
on sépare les MGUS de faible risque (isotype IgG, pic
monoclonal inférieur à 15 g/l, et ratio de chaînes
légères libres sériques normal [0,26-1,65]) et les MGUS
de risque intermédiaire ou de haut risque (selon la présence de 1, 2 ou 3 facteurs de risque : isotype autre que
IgG, pic monoclonal supérieur ou égal à 15 g/l, ratio de
chaînes légères libres sériques anormal) [tableau III,
p. 91]. Pour les MGUS à faible risque, l’IMWG ne recommande pas de bilan médullaire ni de radiographie du
squelette de façon systématique, en dehors de points
d’appel cliniques ou biologiques (tableau V) [23]. Un
bilan complémentaire est cependant nécessaire en cas
de symptômes évocateurs d’une hémopathie sousjacente. Pour les MGUS de risque intermédiaire ou
de haut risque, l’IMWG recommande la réalisation
d’un bilan médullaire pour éliminer une hémopathie
maligne sous-jacente (comprenant au minimum un
myélogramme et, selon que l’on s’oriente vers le diagnostic de myélome ou de lymphoprolifération B, un
caryotype médullaire conventionnel ou moléculaire
[FISH]), un immunophénotypage médullaire, voire
la réalisation d’une biopsie ostéomédullaire (BOM).
Un bilan osseux avec des radiographies standards
du squelette axial complet à la recherche de lésions
Tableau V. Résumé des recommandations IMWG de bilan et de suivi des MGUS comparé aux SMM (23).
MGUS de faible risque MGUS de haut risque
SMM
Composant monoclonal
(g/l)
< 15
≥ 15-29
Isotype
IgG
IgA, IgM
Ratio de chaînes légères
libres sériques
Normal
Anormal
Myélogramme/biopsie
ostéomédullaire
Non
Oui
Oui
Bilan radiographique
osseux standard
Non
Oui
Oui
IRM
Non
Non
?
Tous les 2-3 ans
Tous les ans
Tous les
6 mois
à 1 an
Rythme de suivi : clinique,
NFS, créatinine, calcémie,
électrophorèse
des protéines sériques
≥ 30
ostéolytiques est également recommandé, qui peut
être complété par d’autres examens iconographiques
osseux si besoin. En cas de gammapathie monoclonale
IgM, l’IMWG recommande la réalisation d’un scanner abdominal à la recherche d’un syndrome tumoral
profond (23).
Surveillance
Les MGUS sont des affections qui ne nécessitent pas
de traitement sur le plan hématologique. Cependant,
une surveillance doit être poursuivie à vie en raison de
leur risque évolutif qui ne diminue pas avec le temps.
Cette surveillance dépend également du groupe de
risque. Pour les MGUS de faible risque, l’IMWG recommande une première surveillance de l’électrophorèse
des protéines sériques 6 mois après le diagnostic. Si
le composant monoclonal reste stable, la surveillance
peut être espacée avec un examen clinique et un bilan
biologique tous les 2 à 3 ans, tant que le patient reste
asymptomatique (tableau V) [23]. Pour ces sujets, la
question de leur suivi uniquement par le médecin
généraliste en l’absence de tous les éléments faisant
évoquer une évolution vers une hémopathie maligne
se pose. Pour les MGUS de risque intermédiaire ou de
haut risque, une première surveillance de l’électrophorèse des protéines sériques est également conseillée
6 mois après le diagnostic. Si le composant monoclonal
est stable, les patients peuvent ensuite être surveillés
annuellement, avec un examen clinique et un bilan
biologique. Dans tous les cas, les patients doivent être
informés du risque de progression et de la nécessité
de consulter un médecin en cas d’apparition de symptômes évocateurs.
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
93
Maladies
incipiens
dossier
thématique
Perspectives thérapeutiques
Il n’y a aujourd’hui pas d’indication de traitement dans la
MGUS. Les efforts actuels sont concentrés sur la reconnaissance des patients à risque de progression, l’objectif
étant que ces sujets puissent bénéficier à terme d’un
traitement précoce, dans l’espoir d’éviter ou de retarder la
progression ainsi que les complications qui en découlent.
Conclusion
Les MGUS sont des affections asymptomatiques, de
découverte fortuite, qui ne nécessitent pas de prise
en charge sur le plan hématologique en dehors d’une
surveillance. Le principal enjeu des MGUS réside dans
l’évaluation du risque évolutif vers un myélome multiple
ou une autre hémopathie maligne. Plusieurs modèles de
stratification de ce risque sont déjà utilisés, et les progrès actuels sur l’oncogenèse moléculaire permettront
peut-être de les affiner. Ces modèles ont pour objectif
d’adapter la surveillance des MGUS et éventuellement
de permettre une prise en charge précoce en cas de
progression, dans l’espoir d’améliorer la réponse au
traitement et de limiter le risque de complications.
Notons que ces progrès peuvent également permettre
de limiter le suivi et les examens complémentaires pour
les MGUS de faible risque, qui représentent un nombre
non négligeable de cas et dont le risque évolutif est
très faible.
■
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sur www.edimark.fr
Correspondances en Onco-Hématologie - Vol. VIII - n° 2 - Mars-avril 2013
RÉSUMÉ
1. Kyle RA. Monoclonal gammopathy of undetermined signifi-
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