Les gammapathies monoclonales de signification indéterminée

©
Masson, Paris, 2002 Ann. Med. Interne,
2002
153,
n° 7,
pp. 459-466
Mise au point thématique
Les gammapathies monoclonales
de signification indéterminée
Pascal CHAÏBI (1, 2), Laurence MERLIN (3), Caroline THOMAS (1), François PIETTE (1)
R
ÉSUMÉ
:
Les gammapathies monoclonales de signification
indéterminée
Les gammapathies monoclonales de signification indéterminée
(MGUS) sont définies par un pic d’immunoglobuline monoclo-
nale, inférieur à 30 g/l, asymptomatique. Elles affectent particu-
lièrement les sujets âgés ; leur prévalence est de 1 % dans la
population générale et de 10 % chez les plus de 80 ans. Leur dia-
gnostic repose sur l’élimination des autres causes de pic d’immu-
noglobuline monoclonale, en particulier de myélome. Environ
25 % des MGUS évoluent dans les 20 ans qui suivent le diagnos-
tic vers un myélome ou une autre hémopathie lymphoïde mali-
gne. Il n’existe pas, pour l’heure, de facteur prédictif satisfaisant
du risque évolutif des MGUS.
Les travaux biologiques récents ont démontré la communauté
étroite entre MGUS et myélome multiple sur le plan de l’immuno-
phénotype plasmocytaire, de la cytogénétique et de la biologie
moléculaire. Les MGUS sont maintenant considérées comme une
pathologie clonale plasmocytaire à malignité réduite. Les nouveaux
paramètres biologiques devraient, dans un proche avenir, permet-
tre de discriminer les MGUS qui resteront asymptomatiques de
celles qui évolueront vers une pathologie lymphoïde maligne.
Mots-clés :
Gammapathie monoclonale, Sujet âgé, Myé-
lome.
S
UMMARY
:
Monoclonal gammopathy of undetermined
significance
Monoclonal gammopathy of undetermined significance
(MGUS) is an asymptomatic disorder with serum monoclonal
immunoglobulin less than 30 g/l. It preferentially affects elderly
patients; MGUS prevalence is about 1% in the general popula-
tion and about 10% in patients aged over 80 years. MGUS
diagnosis is based on elimination of other causes of serum
monoclonal immunoglobulin, particularly multiple myeloma.
Within the 20 years following diagnosis of MGUS, about 25% of
patients will evolve towards myeloma or other malignant lym-
phoproliferative disorder. No factor has been identified to date
which can efficiently predict this evolution.
Recent data concerning immunophenotype, cytogenetics and
molecular biology of plasma cells demonstrate the link between
MGUS and multiple myeloma. MGUS clearly appears now as a
plasma cell monoclonal pathology with reduced malignity. Soon,
new biological data would help to discriminate patients with
MGUS who will remain asymptomatic life-long from those who
will evolve towards malignant lymphoproliferative disorder.
Key-words:
Monoclonal gammopathy, Elderly, Multiple
myeloma.
La découverte d’un pic d’allure monoclonale à l’élec-
trophorèse des protides est une situation fréquente en
pathologie gériatrique. Elle correspond principalement à
deux diagnostics : un myélome multiple ou une gamma-
pathie monoclonale dite bénigne.
Le terme classique de gammapathie monoclonale béni-
gne ne doit plus être employé au regard de leur potentiel
évolutif [1, 2]. On lui préfère donc celui de « gammapa-
thie monoclonale dite bénigne » ou « gammapathie mono-
clonale apparemment bénigne » ou, plus souvent, de
« gammapathie monoclonale de signification indéter-
minée » (traduction littérale de la terminologie anglo-
saxonne
monoclonal gammopathy of undetermined signi-
ficance
, d’où l’acronyme MGUS).
Nous nous intéresserons ici aux gammapathies mono-
clonales de signification indéterminée, en insistant sur les
éléments permettant leur diagnostic différentiel avec le
myélome, sur leur évolutivité possible et leurs modalités
de surveillance, et sur les acquis récents concernant leur
physiopathologie et le lien MGUS-myélome.
Une gammapathie monoclonale de signification indé-
terminée est classiquement [1, 2] définie par :
(1) Service de Médecine Interne Gériatrique, Hôpital Charles-
Foix, 7, avenue de la République, 94200 Ivry.
(2) Service d’Hématologie Clinique Adultes (Pr Degos), Hôpital
Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75475 Paris Cedex 10.
(3) Gériatre, 6, place Fontaine-du-Temple, 06100 Nice.
Correspondance et tirés à part :
P. C
HAÏBI
,
à l’adresse ci-des-
sus. E-mail : [email protected]
Article soumis le 14 août 2002 ; accepté définitivement le
21 août 2002.
460
P. CHAÏBI ET AL.
un pic d’immunoglobuline monoclonale, en règle
inférieur à 30 g/l,
une plasmocytose médullaire inférieure à 10 %,
un caractère totalement asymptomatique, soit ne
s’accompagnant pas de lésion ostéolytique, d’hypercalcé-
mie, d’anémie ou d’insuffisance rénale chronique non
expliquées par une pathologie associée.
On considère actuellement que les MGUS sont des
pathologies plasmocytaires monoclonales à malignité
réduite, qui peuvent évoluer lentement vers une hémopa-
thie maligne lymphoïde, principalement un myélome.
Étiologies des gammapathies monoclonales
(fig. 1)
Dans la série de Kyle [3] qui reprend 21 079 cas
d’immunoglobuline monoclonale découverts à la Mayo
Clinic entre 1960 et 1995, les gammapathies monoclona-
les de signification indéterminée sont l’étiologie la plus
fréquente (62 %), devant le myélome multiple (21 %).
Une série néerlandaise [4] reprenant 1 275 pics monoclo-
naux découverts sur une période de 3 ans montre des
résultats comparables, avec 56 % de MGUS et 17,3 % de
myélome.
Il existe, cependant, des discordances entre ces 2 gran-
des séries quant aux étiologies des 20 à 25 % de pics
monoclonaux qui ne sont pas rattachés à une MGUS ou à
un myélome. Dans la série américaine, il s’agit principa-
lement d’hémopathies lymphoïdes (maladie de Waldens-
trom, lymphome non-hodgkinien, leucémie lymphoïde
chronique ou plasmocytome solitaire) ou d’amylose, alors
que pour les auteurs néerlandais, les hémopathies lym-
phoïdes n’expliquent qu’un tiers de ces gammapathies
restantes.
En dehors des MGUS et des hémopathies lymphoïdes
malignes évoquées ci-dessus, des gammapathies mono-
clonales peuvent être associées à d’autres pathologies
[1, 2, 4].
Il peut s’agir de gammapathies compliquant des hémo-
pathies non lymphoïdes. Ainsi, les myélodysplasies peu-
vent être associées à un pic monoclonal dans 5 à 10 % des
cas. L’association non fortuite à une gammapathie mono-
clonale a été rapportée pour les myélofibroses, mais pas
pour les autres syndromes myéloprolifératifs. La maladie
de Gaucher peut, elle aussi, se compliquer de gammapa-
thie monoclonale, voire même de myélome. Enfin, l’asso-
ciation maladie de Willebrand acquise – gammapathie
monoclonale est classique, bien que rare.
Il existe une association entre gammapathies monoclo-
nales et infections virales, qu’il s’agisse d’infections vira-
les aiguës bénignes (cytomégalovirus, virus d’Epstein-
Barr, rougeole…) où la gammapathie est spontanément
régressive ou de l’infection par le VIH qui s’accompagne
d’une gammapathie monoclonale dans 3 à 5 % des cas.
On peut en rapprocher l’apparition de gammapathies
monoclonales après transplantation d’organes (dans 30 %
des transplantations hépatiques et 13 à 30 % des trans-
plantations rénales) qui est fortement associée à des infec-
tions virales, particulièrement à CMV, favorisées par le
traitement immunosuppresseur.
L’association gammapathie monoclonale – pathologies
auto-immunes est, elle aussi, classique et décrite au cours
du lupus systémique, de la polyarthrite rhumatoïde, de la
pseudo-polyarthrite rhizomélique, de la polymyosite ou
de la sclérodermie.
Enfin, la survenue d’une gammapathie monoclonale
n’est pas rare lors des hépatopathies chroniques : cirrhose
hépatique, mais aussi hépatites chroniques. Ainsi, la
fréquence des gammapathies monoclonales est-elle de
l’ordre de 10 % lors des hépatites C chroniques.
Ces associations restent, pour la plupart, anecdotiques
puisqu’elles ne rendent compte que d’un faible pourcen-
tage de gammapathies monoclonales (de < 5 % à 15 %
selon les séries) et que la gammapathie n’est que rarement
révélatrice de la pathologie associée.
On soulignera cependant que, chez un sujet âgé, l’asso-
ciation gammapathie monoclonale – anémie ne signifie
pas forcément myélome, mais peut révéler une myélodys-
plasie, le diagnostic ne pouvant être affirmé que par le
myélogramme.
Épidémiologie
La prévalence des MGUS augmente avec l’âge [1, 3, 4].
Elle est de 0,7 à 1 % dans la population adulte générale,
de 1,5 à 2 % chez les sujets âgés de plus de 50 ans, de plus
de 3 % chez les sujets de plus de 70 ans. Selon certaines
séries, elle peut même atteindre 10 à 20 % chez des sujets
âgés de plus de 80 ans.
La prévalence des MGUS varie également selon les eth-
nies. Elle est, tout comme celle du myélome, plus élevée
chez les afro-américains que dans la population générale
Fig. 1. Étiologies des gammapathies monoclonales. D’après
Kyle et al. [3] et Ong et al. [4].
Autres
Kyle Ong
Infections
Tumeurs solides
Amylose
Plasmocytome
LNH, LLC
Waldenstrom
Myélome
MGUS
0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 %
GAMMAPATHIES MONOCLONALES CHEZ LE SUJET ÂGÉ
461
aux États-Unis. Elle est, au contraire, plus faible dans les
populations asiatiques.
Des études rétrospectives cas-témoins ont confirmé que
l’exposition au pétrole et à ses dérivés, aux engrais, aux
pesticides, aux peintures et aux radiations était plus fré-
quente chez les patients porteurs d’une MGUS que dans
la population générale [1, 3]. Il est intéressant de noter
que ces mêmes facteurs environnementaux augmentent le
risque de survenue du myélome multiple.
Diagnostic des gammapathies monoclonales
de signification indéterminée
Le caractère monoclonal de la gammapathie, suspecté
sur l’électrophorèse des protides, est confirmé par
l’immuno-électrophorèse ou par l’immunofixation, plus
sensible. Au cours des MGUS, le pic monoclonal est clas-
siquement inférieur à 30 g/l.
La chaîne lourde est le plus souvent de type gamma (
γ
)
(70 à 75 %), parfois mu (
µ)
(15%) ou alpha (
α)
(10%),
plus rarement biclonale (2 %). Les MGUS à chaîne lourde
delta (
δ
) sont exceptionnelles et la découverte d’une IgD
monoclonale est beaucoup plus évocatrice de myélome
que de MGUS. La chaîne légère est de type kappa (
κ
)
dans 2/3 des cas et de type lambda (
λ
) dans 1/3 des cas.
Des cas de MGUS à chaînes légères ont été rapportés.
Comme le montre la définition donnée plus haut, le dia-
gnostic de MGUS est un diagnostic d’élimination. L’exa-
men clinique et les examens complémentaires doivent
éliminer les étiologies malignes de gammapathie mono-
clonale (myélome, maladie de Waldenström, leucémie
lymphoïde chronique, lymphome non-hodgkinien, mala-
die de Hodgkin et amylose) et les autres étiologies plus
rares de pic monoclonal.
L’élément clinique essentiel est, bien entendu, le carac-
tère totalement asymptomatique des MGUS, et donc leur
découverte fortuite. Le bilan paraclinique, dont la norma-
lité permet d’affirmer le diagnostic de MGUS, comprend
une numération formule sanguine-plaquettes, un myélo-
gramme, une calcémie, un dosage de l’urée et de la créa-
tinine, ainsi que des radiographies osseuses.
L’existence d’une plasmocytose médullaire supérieure
à 10 % élimine formellement le diagnostic de MGUS. Il
en est de même de la présence de lésions radiologiques
d’ostéolyse ou d’une hypercalcémie en l’absence de toute
pathologie ostéolytique associée. Enfin, toute anomalie de
la numération-formule sanguine non expliquée par une
pathologie associée doit aussi faire rejeter le diagnostic de
MGUS.
Il faut souligner
quelques anomalies biologiques compa-
tibles avec le diagnostic de MGUS
:
– une élévation de la vitesse de sédimentation, sans
autre signe biologique inflammatoire, peut être trouvée et
est liée aux propriétés physiques du pic monoclonal, qui
favorisent la sédimentation érythrocytaire in vitro ;
– une protéinurie de Bence-Jones est retrouvée chez 5 à
10 % des patients atteints d’une MGUS, mais elle est rare-
ment supérieure à 1 g/l ; son augmentation progressive est
un argument essentiel contre le diagnostic de MGUS ;
le taux des immunoglobulines normales polyclonales
est abaissé chez près d’un tiers des patients ayant une
MGUS et ne peut donc constituer un élément différentiel
avec un myélome ;
le dosage de la
β
2-microglobuline ne présente pas
d’intérêt pour le diagnostic différentiel entre MGUS et
myélome car elle peut être élevée dans ces deux patho-
logies ;
– de même, le taux sérique de l’interleukine 6 (IL-6) est
peu utile au diagnostic différentiel : en effet, s’il n’est que
très exceptionnellement élevé dans les MGUS (< 3%), il
est normal dans 60 % des myélomes au diagnostic.
Évolution des MGUS
Les études de suivi à long terme (10 à 30 ans) de
patients atteints de MGUS montrent des résultats concor-
dants [1, 3]
(fig. 2)
:
10 à 15 % des MGUS n’ont aucune évolutivité ;
Fig. 2. Évolution des gammapa-
thies monoclonales de signification
indéterminée.
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••••
Pic stable
15 %
Décès
51 %
Amylose
13 %
Lymphome
8 %
Waldenstrom
11 %
Myélome
68 %
Pic > 30 g/l
10 %
Hémopathies
24 %
462
P. CHAÏBI ET AL.
– chez environ 10 % des patients, le taux d’immunoglo-
buline monoclonale va dépasser 30 g/l, sans évolution
vers un myélome multiple ou vers une autre hémopathie
maligne ;
– la moitié des patients atteints de MGUS décèdent lors
du suivi, le décès n’étant pas lié à la gammapathie ; ceci
n’est guère étonnant vu l’âge moyen des patients au dia-
gnostic (de 64 à 70 ans selon les séries) ;
– surtout, on voit apparaître, lors du suivi, une hémopa-
thie lymphoïde maligne chez un quart des patients por-
teurs d’une MGUS : cette hémopathie est le plus souvent
un myélome multiple (66 %) ; il peut s’agir aussi d’une
amylose primitive (13 %), d’une maladie de Waldenstrom
(11 %) ou, dans 8 % des cas, d’un lymphome non-hodg-
kinien ou d’une leucémie lymphoïde chronique.
À compter du diagnostic de MGUS, le délai médian de
survenue d’une hémopathie maligne est de l’ordre de
10 ans. L’incidence actuarielle des hémopathies malignes
est de 15 % à 10 ans du diagnostic initial de MGUS, de
25 % à 15 ans et de 40 % à 25 ans.
Lorsqu’une hémopathie maligne apparaît, la classe de
l’immunoglobuline monoclonale reste la même.
Un myélome multiple secondaire à une MGUS ne se
distingue d’un myélome
de novo
ni par la sensibilité aux
traitements chimiothérapiques, ni par la médiane de survie
(de l’ordre de 3 ans).
Facteurs prédictifs de l’apparition d’une hémopathie
au cours des MGUS.
Au diagnostic initial de MGUS,
aucun élément [1] (type d’immunoglobuline monoclo-
nale, taux du pic, existence d’une protéinurie de Bence-
Jones, taux de la plasmocytose médullaire, âge, sexe…)
n’est prédictif d’une évolution ultérieure vers une hémo-
pathie lymphoïde maligne. Certaines études [5] ont mon-
tré que les MGUS ayant un pic inférieur à 15 g/l, une
plasmocytose médullaire inférieure à 5 %, une absence de
protéinurie de Bence-Jones et des taux normaux d’immu-
noglobulines polyclonales avaient un risque évolutif très
faible. Cependant, dans ces études, les durées de suivi des
patients étaient rarement supérieures à 10 ans. C’est, en
fait, la modification rapide de certains paramètres biolo-
giques lors du suivi d’une MGUS qui permet de prédire
son évolutivité ultérieure, dans un délai difficile à préci-
ser : les meilleurs facteurs prédictifs de survenue d’une
hémopathie sont alors une élévation importante du pic
monoclonal (de plus de 50 %, ou à un taux supérieur à
30 g/l) et l’apparition d’une baisse des immunoglobulines
polyclonales normales [6].
Comme nous le verrons plus loin, un des objectifs d’une
meilleure connaissance de la physiopathologie des MGUS
est de tenter d’identifier des facteurs prédictifs d’évolu-
tion des MGUS vers un myélome.
Surveillance d’une MGUS
Du fait de leur potentiel évolutif et de l’absence de fac-
teurs prédictifs clairement définis, le suivi des MGUS doit
être rigoureux.
Pour les gammapathies monoclonales à faible risque
évolutif (pic inférieur à 15 g/l, pas de baisse des immuno-
globulines polyclonales, pas de protéinurie de Bence-
Jones), la surveillance peut être annuelle. Pour les MGUS
ne répondant pas à ces critères, on recommande un suivi
semestriel [1, 2].
L’évaluation d’une MGUS comporte :
un examen clinique à la recherche de tout signe
d’hémopathie associée,
une numération formule sanguine, une calcémie, une
créatininémie et une mesure du pic monoclonal par élec-
trophorèse des protides ;
– on complète ce bilan par une recherche de protéinurie
de Bence-Jones et un myélogramme en cas d’apparition
de signes cliniques ou biologiques évocateurs d’une
hémopathie associée ou en cas de majoration significative
du pic (augmentation de plus de 50 % ou > 30 g/l).
Il est important d’expliquer au patient que la MGUS est
une anomalie ayant un risque évolutif faible (de l’ordre de
15 %) à long terme (> 10 ans), afin que son adhésion au
suivi soit bonne.
De même, il est capital de recommander au patient de
consulter rapidement en cas de symptôme pouvant évo-
quer une hémopathie associée (asthénie, pâleur, douleurs
osseuses, paresthésies…). En effet, l’apparition d’une
hémopathie maligne, et plus particulièrement d’un myé-
lome, peut être brutale.
Physiopathologie des gammapathies monoclonales
de signification indéterminée
Au cours des dernières années, de nombreux travaux
ont contribué à une meilleure connaissance de la physio-
pathologie des MGUS et du myélome. Nous nous intéres-
serons principalement ici aux éléments potentiellement
utiles, d’une part, au diagnostic différentiel entre MGUS
et myélome, d’autre part, à l’identification des MGUS
ayant un fort risque d’évolution vers un myélome.
É
VALUATION
DE
L
ATTEINTE
OSSEUSE
L’atteinte osseuse du myélome est caractérisée par une
hyper-résorption osseuse, principalement liée à l’activa-
tion paracrine des ostéoclastes par les plasmocytes mono-
clonaux, et par une inhibition de l’ostéoformation. Il
existe des signes cliniques, radiologiques ou biologiques
d’atteinte osseuse dans 75 % des myélomes au diagnostic
initial, et il s’agit là d’un des éléments essentiels du dia-
gnostic différentiel entre MGUS et myélome.
Au cours des dernières années, de nombreux auteurs se
sont intéressés à l’étude de marqueurs fins du métabo-
lisme osseux, afin d’évaluer leur intérêt dans le diagnostic
différentiel entre MGUS et myélome et dans l’identifica-
tion des MGUS à haut risque évolutif.
L’étude histomorphométrique [7] des biopsies osseuses
de patients atteints de myélome et de MGUS a montré que
la résorption ostéoclastique était plus importante (12,2 %
GAMMAPATHIES MONOCLONALES CHEZ LE SUJET ÂGÉ
463
vs 5 %) et plus fréquente (93 % des patients vs 45 %) dans
le myélome. De plus, la présence de signes histologiques
de résorption osseuse était un élément prédictif d’évoluti-
vité de la MGUS, puisqu’elle n’était retrouvée que dans
4 % des MGUS stables lors du suivi alors qu’elle était
présente dans 52 % des MGUS évoluant vers un myé-
lome. Cependant, le caractère invasif du geste et la diffi-
culté de standardisation de la technique ont amené à
étudier les paramètres biologiques simples du remodelage
osseux.
Les principaux marqueurs biologiques d’ostéoforma-
tion étudiés ont été l’ostéocalcine (OC) plasmatique, les
phosphatases alcalines osseuses spécifiques, et le propep-
tide C terminal du procollagène de type I (PICP). Il existe,
au cours des myélomes, une bonne corrélation entre les
données histomorphométriques et les taux de ces 3 mar-
queurs qui se révèlent être anormalement bas dans la plu-
part des études [8]. Ces mêmes marqueurs au cours des
MGUS donnent des résultats plus discordants : certains
auteurs retrouvent une baisse fréquente de l’ostéocalcine
et des phosphatases alcalines osseuses, d’autres ne détec-
tent pas d’anomalie de ces marqueurs [8, 9, 10].
La résorption osseuse, quant à elle, s’accompagne de la
libération de produits de dégradation de la matrice
osseuse protéique. Ses principaux marqueurs biochimi-
ques sont des produits de dégradation du collagène : taux
plasmatiques du télopeptide C-terminal du collagène I
(ICTP) et du télopeptide N-terminal du collagène I (NTx),
excrétion urinaire de déoxypyridinoline. Il existe une
bonne corrélation entre les taux de ces marqueurs et les
données histomorphométriques au cours des myélomes
[8]. Dans la plupart des études [8, 9, 11], ces produits de
dégradation du collagène osseux sont significativement
plus élevés chez les patients atteints de myélome que chez
les sujets sains, les patients ostéoporotiques ou les patients
porteurs d’une MGUS. Ces dosages sont cependant peu
utiles au diagnostic différentiel entre myélome et MGUS,
leurs résultats étant proches dans les myélomes sans
atteinte osseuse décelable et les MGUS. Les dosages ité-
ratifs des produits de dégradation du collagène de type I
pourraient avoir un intérêt au cours de la surveillance des
MGUS puisqu’il restent stables dans les MGUS non
évolutives. Il apparaît cependant que leur élévation est
inconstante au cours de la transition MGUS – myélome.
Le dosage plasmatique de la sialoprotéine osseuse
(BSP) est un autre marqueur de résorption osseuse, plus
récemment étudié [12]. La BSP est un des composants de
la matrice osseuse organique non collagénique dont la dis-
tribution est limitée au tissu osseux minéralisé. L’éléva-
tion de la BSP plasmatique est donc un indicateur
biologique de résorption osseuse. Les taux plasmatiques
de BSP ne sont pas modifiés par l’insuffisance rénale, à
l’inverse d’autre marqueurs de résorption osseuse comme
l’ICTP. Les taux de BSP sont significativement plus éle-
vés chez les patients atteints de myélome que chez les
sujets sains, les patients ostéoporotiques ou les patients
ayant une MGUS. Certains auteurs [11] insistent sur
l’intérêt du dosage de la BSP plasmatique dans le dia-
gnostic différentiel entre MGUS et myélome.
Au cours du myélome, l’activation des ostéoclastes est
due à la synthèse par les plasmocytes de facteurs stimu-
lant les ostéoclastes (osteoclast activating factors (OAF))
dont le principal est l’interleukine-1
β
(IL-1
β
). Les plas-
mocytes ne produisant jamais d’IL-1
β
à l’état normal,
l’apparition d’une sécrétion d’IL-1
β
par les plasmocytes
s’inscrit comme un événement essentiel dans l’évolution
d’une MGUS vers un myélome. En effet, outre son rôle
d’OAF (par stimulation de la différenciation ostéoclasti-
que des CFU-GM médullaires et de la production d’enzy-
mes ostéolytiques par les ostéoclastes), l’IL-1
β
joue aussi
un rôle essentiel [13] dans l’expression des molécules
d’adhésion par les plasmocytes et stimule la sécrétion
d’IL-6 par les cellules du stroma médullaire.
L’étude de l’expression plasmocytaire de l’ARNm de
l’IL-1
β
par rt-PCR [14] ou par HIS (hybridation in situ)
[15] a montré qu’elle était nulle à l’état normal, quasi
constante (91 à 96 %) au cours du myélome, et rare (15 à
24 %) au cours des MGUS. La détection de l’expression
d’IL-1
β
par les plasmocytes pourrait donc être élément
prédictif essentiel de l’évolution d’une MGUS vers un
myélome.
P
HÉNOTYPE
PLASMOCYTAIRE
Les données concernant le phénotype des plasmocytes
au cours des MGUS sont peu nombreuses et contradictoi-
res. Ceci reflète la difficulté technique de ces études, avec,
en particulier, la nécessité d’avoir recours à des techni-
ques sophistiquées et complexes (triple marquage avec
acquisition différée) plutôt qu’à des techniques de simple
marquage [16].
Une autre difficulté d’interprétation du phénotype plas-
mocytaire est due à la variabilité inter-individuelle du
phénotype des plasmocytes normaux, et aussi à l’exis-
tence, chez un même individu normal, de sous popula-
tions normales plasmocytaires de phénotypes différents.
Le phénotype plasmocytaire normal est classiquement
caractérisé par :
l’expression fortement positive (+++) de CD38 et
l’expression (+) de CD138,
la possible expression de marqueurs B matures
(CD19, CD20, HLA-DR), surtout dans le contingent plas-
mocytaire le moins mature,
une expression faible de CD56, molécule d’adhésion
de la superfamille des immunoglobulines, et ce par un fai-
ble pourcentage de plasmocytes.
Au cours du myélome, les éléments phénotypiques
caractéristiques des plasmocytes malins sont :
une expression de CD38 plus faible (+) que dans les
populations plasmocytaires normales,
la rareté (moins de 35 % des plasmocytes) de
l’expression de CD19,
une expression forte (+++) de CD56, et ce par la
majorité (> 66%) des plasmocytes,
– l’expression d’autres molécules d’adhésion des
familles des
β
1-intégrines et
β
2-intégrines,
l’expression possible de marqueurs myéloïdes autres
que le CD34 (comme le CD117 = c-kit, récepteur du SCF)
ou de marqueurs T comme le CD45.
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