compétentes qui doivent accompagner le rythme imposé par ces innovations. En parallèle, il est important de développer
des programmes visant à mieux comprendre les effets de ces nouvelles technologies sur l’organisme pour permettre, le
temps venu, une utilisation en toute sécurité.
Mener les équipes de recherche académique à la recherche clinique, favoriser une plus grande ouverture vers
des innovations de rupture... Comment le CLARA s'organise-t-il pour mener de telles missions ?
Nous nous appuyons sur un réseau de professionnels possédant des compétences spécifiques que nous pouvons
solliciter selon les besoins. Nous allons chercher les experts et nous participons au pilotage des projets, nous mettons en
musique... l'enjeu est d'apporter les bonnes personnes au bon moment et au bon chercheur, clinicien ou industriel. Pour
reprendre l'exemple des nanotechnologies, la Plateforme Européenne de Nanomédecine a un rôle majeur à jouer. Leur
travail est notamment d'aller frapper à la porte des décideurs et des autorités réglementaires pour faire en sorte que les
réglementations évoluent avec les innovations scientifiques. Actuellement, le vice-président de la plateforme est Patrick
BOISSEAU du CEA de Grenoble avec qui nous avons de très bonnes relations. L'Observatoire des Micro et
Nanotechnologies (CNRS) basé à Grenoble organise aussi des sessions de travail sur ces sujets. Pour des questions
réglementaires, nous avons beaucoup travaillé avec le Professeur Jacques DESCOTES (HCL) qui est une des
personnes les plus reconnues en toxicologie. Du côté du CLARA, nous avons structuré un axe thématique autour des
nanotechnologies, de l’imagerie et du Cancer qui fédère les acteurs et nous finançons des projets dans le domaine. Ce
travail n’est pas déconnecté de ce que font les autres – dont ceux je que viens de citer - mais vise à être plus ancré dans
les réalités cliniques et scientifiques régionales.
Comment sont accueillies ces démarches dans le monde de l'oncologie, en particulier le monde de la recherche
académique ? Il me semble qu'elles s'inscrivent dans un changement culturel...
C'est un peu le bilan que nous faisons après 10 ans d'existence du CLARA. Nous avons contribué à faire évoluer les
mentalités des chercheurs, des cliniciens et des industriels. Pour la recherche académique, l’INSERM, le CNRS et les
Universités ont travaillé dans le même sens pour des activités de recherche davantage connectées à la clinique ou à
l'industrie. Le CLARA a utilisé des outils de financement et de sensibilisation. Et, petit à petit, les choses ont changé. Le
Cancer est aujourd'hui une pathologie pouvant servir de modèle, en termes d'organisation de la recherche clinique et de
la recherche translationnelle. Il faut souligner d'ailleurs que la France n'a pas perdu de parts de marché en oncologie
grâce aux efforts conjugués des Plans Cancer, de l'Inca, des Cancéropôles, de différentes structures d'accompagnement
à la recherche, etc. Nous avons su maintenir notre place au niveau international tant en termes de publications, que de
brevets, que de recherche clinique, que d'emplois... Ce n'est pas le cas d'autres disciplines, telles que la chimie par
exemple.
Sur quels axes scientifiques le CLARA va-t-il porter ses efforts dans l'avenir ?Nous souhaitons mettre l'accent sur
des thématiques émergentes, d'une part autour des facteurs environnementaux et nutritionnels jouant un rôle dans le
cancer, et d'autre part, autour des sciences humaines, économiques et sociales (la prévention, les inégalités sociales,
les relations médecin-patient, l'organisation des soins, les indicateurs épidémiologiques c'est-à-dire tous les indicateurs
permettant de décrire un cancer, d'identifier des facteurs de risque ou encore d'évaluer des mesures de prévention). Ces
disciplines peuvent aider à répondre à des questions très concrètes à la croisée de l'individu, de son risque personnel, de
ses habitudes de vie et des risques environnementaux et collectifs. 30 % des cancers pourraient être évités. Comment
changer la donne ? La plateforme régionale de santé publique du CLARA, la plateforme Hygée, basée à Saint-Etienne
dirigée par le Professeur Franck CHAUVIN pilote cette approche pour l'ensemble de l’inter-région. Le CLARA vise à
devenir le 1er Cancéropôle français en sciences sociales. Environ 20 % des projets financés par l'INCa en sciences
humaines et sociales, épidémiologie, santé publique sont des projets CLARA et nous pouvons faire mieux.
Aujourd'hui, l'objectif est de répondre à la demande de la société, à savoir si l'environnement dans lequel on vit crée des
maladies ou pas, si notre alimentation doit être modifiée et comment... et cela passera par des études cliniques et des
études rétrospectives sur des cohortes. Ces études sont amenées à se développer dans l'avenir car elles pourraient
répondre à des nombreuses questions. Par exemple, pourquoi une femme migrante a plus de risques de développer un
cancer du sein en Europe ? Est-ce la nourriture, l'environnement immédiat, etc. ? Nous accompagnons le projet GEO3N,
qui suit des femmes depuis plus de 20 ans, afin d'étudier les expositions environnementales aux dioxines et le risque de
cancer du sein, ainsi que les risques pour leur descendance. Ce projet inclut une étude géographique afin de voir
l'incidence de leur lieu de résidence. Avec le soutien des laboratoires Merck Serono, le CLARA participe également à
une Chaire d'Excellence « Environnement, Nutrition et Cancer » et souhaite étendre ce travail autour des cancers
d’origine professionnels.
Quant à l'approche des sciences économiques, elle compte également car il faut s'assurer que les mesures prises en
matière de lutte contre le cancer aient non seulement un impact positif sur la santé, mais soient également bénéfiques
pour le contribuable.