METAPHYSIQUE PHENOMENOLOGIQUE
D. Seron, « Métaphysique phénoménologique », Bulletin d’analyse phénoménologique, I/2, septembre 2005, p. 3-173
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La phénoménologie est ainsi une méthode philosophique, une
méthode en vue de la philosophie. Qu’est-ce que cela signifie ? Il faut
encore s’entendre sur ce que signifie philosophie. Le terme de
philosophie a connu d’innombrables significations au cours des
siècles, mais la philosophie ne doit pas pour autant rester une idée
ambiguë et mystérieuse qu’on ne prendrait plus la peine de définir.
Nous pouvons adopter dès le départ une définition minimale de la
philosophie. D’abord, nous dirons que philosophie est une abréviation
pour philosophie première. La philosophie est en ce sens l’épistémé
prôté, la science qui vient avant toutes les autres sciences. En d’autres
termes, la philosophie est la science qui est présupposée par toutes les
autres sciences. Que veut dire présupposition ? Cette conceptualité a
son origine dans la théorie platonico-aristotélicienne de la division.
Diviser un genre, c’est le spécifier en lui adjoignant des différences.
Par exemple quand j’ajoute la différence « motorisé » au genre
« véhicule », je produis deux espèces du genre véhicule, à savoir
« véhicule motorisé » et « véhicule non motorisé ». C’est en référence
à ce schéma de la division que la philosophie est qualifiée tradition-
nellement de science première. Ce qui est plus général – donc le genre
relativement à ses espèces – est antérieur au sens où il vient avant
dans l’ordre de la division. D’où, à plus forte raison, ce qui est le plus
général est antérieur à tout le reste, donc premier. La philosophie est
une science première au sens où elle a affaire au genre ou aux genres
premiers, les plus généraux, à un genre ou à des genres dont tous les
autres genres sont des espèces. En termes scolastiques, la
connaissance philosophique est une connaissance transcendantale. Ce
qui veut dire : une connaissance qui se rapporte à un ou plusieurs
genres qui transcendent tous les autres genres. Chez Aristote, ce genre
est le genre de l’étant en général – de l’ousia – avec ses différences.
Ainsi la physique n’est pas la science première, parce qu’elle se
rapporte à l’étant mobile, qui est une espèce de l’étant en général. Elle
est une « philosophie seconde » postérieure à la science de l’ousia en
général, etc.
Mais en quel sens parle-t-on alors de présuppositions ? Pourquoi
doit-on dire ici que la philosophie première serait présupposée par les
autres sciences, par exemple par la physique ? Cette problématique de