La Lettre du Sénologue • n° 51 - janvier-février-mars 2011 27
DOSSIER THÉMATIQUE
de ces travaux : aux doses habituelles de 850 mg
2 fois par jour, il n’est pas rare d’observer des troubles
digestifs et quelques cas d’acidose lactique, notam-
ment en cas de non-respect des contre-indications
(insuffisance rénale et hépatique…).
Certains s’attendent à une augmentation rapide
des demandes de la part des patientes, voire à des
tentatives d’automédication, quelques incursions
sur les forums de discussion anglophones suffisent
pour s’en convaincre (11).
Le fait est que la metformine est également utilisée à
des fins de contrôle du poids et que près de 1 femme
sur 2 se plaint de prise de poids après cancer du sein,
ce qui représente deux bonnes raisons d’y recourir !
En attendant les résultats des essais en cours, pour
lesquels il nous faudra patienter quelques années.
Dans une série de 1 005 patientes atteintes de cancer
du sein (99 cas de tumeurs triple-négatives), on
n’observe aucun cancer du sein chez les patientes
diabétiques traitées par metformine (44 patientes)
avec un p considéré comme significatif (12). L’ex-
plication avancée est une inhibition sélective de
la croissance des cellules souches HER2–/RE–/RP–
par la metformine. On rappelle que sur des effec-
tifs comparables, on avait également montré une
augmentation significative des taux de réponse à
la chimiothérapie néoadjuvante chez les patientes
traitées par metformine (13). Pour mémoire, il a été
présenté au cours de la même session les résultas de
l‘association erlotinib + metformine sur des lignées
cellulaires HER2–/RE–/RP– (14). Enfin, contrairement
à ce qui est avancé dans la discussion de ce poster,
la diminution de l’incidence du cancer du sein chez
les patientes diabétiques sous metformine demeure
discutable (15).
Les résultats les plus intéressants sont ceux des
essais thérapeutiques utilisant la metformine avant
chirurgie :
– dans une série de 15 patientes (sur un total prévu
de 40) recevant une dose de 500 mg 3 fois par jour,
on observe une réduction significative du Ki67 et une
induction de l’apoptose ; la tolérance est par ailleurs
satisfaisante et les inclusions se poursuivent (16) ;
– dans un essai randomisé de phase IIb, dont une
première analyse intermédiaire à 100 inclusions
est présentée, on ne retrouve aucune modification
du Ki67, ce qui est décevant, des modifications du
cholestérol (total et HDL) ainsi qu’une tolérance
satisfaisante (17).
En marge de la metformine, on se doit de mentionner
les résultats de l’essai MA.17 (18) : dans cet essai
ayant inclus 5 170 patients, le diabète n’a aucun
impact significatif sur la mortalité et le risque de
récidive. On est en revanche surpris de retrouver
des différences de survie sans rechute et de survie
globale chez les patientes hypertendues ; une
augmentation du vascular endothelial growth factor
(VEGF) sérique est l’une des hypothèses avancées.
Que retenir ?
En 2011, l’obésité commence à être largement
reconnue comme étant un facteur de risque de
cancer du sein, mais aussi un facteur de mauvais
pronostic. Les raisons sont multiples, un traite-
ment non optimal chez certaines patientes est
peut-être l'une d'entre elles, et un effet biologique
direct de l’obésité est également de plus en plus
souvent évoqué. Un élément très important chez ces
patientes serait l’existence d’une insulinorésistance
qui, jointe à l’expression d’insulin-like growth factor
receptor (IGFR) à la surface des cellules tumorales,
stimulerait la prolifération cellulaire et peut-être
l’angiogenèse. Ces phénomènes demeurent encore
pour l’instant largement hypothétiques.
Il n’y a pas à ce jour d’argument pour traiter diffé-
remment les patientes en surpoids, mais il faut
cependant souligner les incertitudes concernant
le dosage des cytotoxiques chez ces femmes. La
question de l’effet des antiaromatases en fonction
du poids corporel n’est actuellement pas tranchée.
La metformine, quant à elle, fait l’objet d’un intérêt
croissant, mais il faut encore attendre avant d’être
fixé sur sa place éventuelle dans l’arsenal théra-
peutique.
Surtout, il faut souligner qu’en 2011, les incerti-
tudes persistent quant au rôle de la prise de poids
après traitement dans la survenue de récidives ou
de seconds cancers. À ce jour, les résultats des essais
d’intervention sur le mode de vie restent négatifs.
On assiste, en revanche, à la multiplication des
essais de ce type dans de nombreux pays (sauf le
nôtre !) et les questions actuelles ne devraient pas
rester sans réponse bien longtemps. D’un point de
vue pragmatique, il faut être conscient de l’impor-
tance des comorbidités liées à la sédentarité chez
les femmes atteintes de cancer du sein ainsi que du
risque de mortalité non lié au cancer du sein qui,
dans certains sous-groupes de patientes, dépasse
la mortalité spécifique. Cela suffit en soi à justifier
la mise en œuvre de programmes de prévention
tertiaire. ■
Références
bibliographiques
11. http://community.breastcancer.
org : "I firmly believe that the 2000
mg of metformin that I take for my
diabetes is more likely to prevent a
breast cancer recurrence (…). My
onco believes "positive is positive"
so for now, I am continuing with it.
(…) In my opinion, all of us should
take metformin hydrochloride,
especially if you're overweight or
have a fasting blood glucose level
over 100. The stuff is dirt cheap at
WalMart ($10 for 3 months) and the
evidence is very, very strong that it
works. The Canadian trial is using
either metformin or a placebo, so
they must be pretty sure of it."
12. Meiers et al. SABCS 2010.
Abstract PD03-01.
13. Jiralerspong S, Palla SL, Gior-
dano SH et al. Metformin and
pathologic complete responses
to neoadjuvant chemotherapy in
diabetic patients with breast cancer.
J Clin Oncol 2009;27(20):3297-
302.
14. Finn RS, Lau A, Kalous O et al.
Pre-clinical activity of the PARP
inhibitor AZD2281 in human breast
cancer cell lines and in combination
with DNA damaging agents. SABCS
2010. Abstract PD03-05.
15. Decensi A, Puntoni M, Goodwin
P et al. Metformin and cancer risk
in diabetic patients: a systematic
review and meta-analysis. Cancer
Prev Res (Phila) 2010;3(11):1451-
61.
16. Niraula et al. SABCS 2010.
Abstract PD03-06.
17. Bonanni et al. SABCS 2010.
Abstract PD03-02.
18. Goodwin P, Phillips KA, West
D et al. SABCS 2010. Abstract
PD03-04.
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