R ev u e de presse Coordination : Estelle Louiset (Rouen) Hypothyroïdie subclinique et dyslipidémie chez des enfants et adolescents présentant un diabète de type 1 Hypothyroïdie subclinique et ­dyslipidémie chez des enfants et ­adolescents ­présentant un ­diabète de type 1 Perturbation de ­l’irisine dans ­l’obésité Hepcidine : hormone du fer sous contrôle du glucose Metformine et cancer L’hypothyroïdie subclinique est définie par un taux élevé d’hormone thyréotrope (TSH) contrastant avec un taux plasmatique normal des hormones thyroïdiennes T3 et T4. La prévalence est estimée à 10 % chez l’adulte et à 1 % chez l’enfant non obèse. Une méta-analyse récente suggère que l’hypothyroïdie subclinique est associée à des risques élevés de coronaropathie et de mortalité. Les diabétiques de type 1 adultes sont exposés à une apparition précoce de complications cardio­vasculaires, et certains facteurs de risque cardio­vasculaire sont présents dès l’enfance ou l’adolescence. La détection précoce de facteurs de risque paraît essentielle afin de prévenir les complications. C. Denzer et al. ont étudié la prévalence de l’hypothyroïdie subclinique dans une population d'enfants diabétiques de type 1 et ont recherché une association potentielle entre une hypothyroïdie sub­ clinique et un profil lipidique athérogène. La population étudiée provient de la base de données DPV (Diabetes Softwaresystem zur Prospektiven Verlaufsdokumentation), qui recense les diabétiques âgés de moins de 25 ans en Allemagne et en Autriche entre 1995 et 2011. L’hypothyroïdie était définie par un taux de T4 entre 11 et 28 pmol/l, un taux de T3 entre 5,1 et 10 pmol/l et un taux de TSH compris entre 4 et 25 mUI/l. Sur les 22 747 patients inclus dans l’étude, 1 638 (7,2 %) présentaient une hypothyroïdie subclinique. Après ajustement aux facteurs de confusion (âge, sexe, durée du diabète, dose d’insuline, HbA1C, indice de masse corporelle), les patients ayant une TSH élevée avaient un taux significativement plus élevé de cholestérol total et de LDL-cholestérol que les sujets euthyroïdiens (p < 0,001). Cette étude établit donc une association positive entre hypothyroïdie subclinique et les paramètres lipidiques athérogènes. D’autres études seraient nécessaires pour prouver un lien de causalité entre les 2 phénomènes, et venir alors alimenter la question très débattue de la place d’un traitement substitutif dans l’hypothyroïdie subclinique. A. Naccache (Rouen) •D enzer C et al. Eur J Endocrinol 2013 Feb 5 [Epub ahead of print]. Œuf et risque c­ ardiovasculaire Perturbation de l’irisine dans l’obésité Perte de poids et facteurs L’irisine a récemment été décrite comme une hormone ­génétiques produite par le muscle à partir de la fibronectine de 44 type III. L’irisine libérée au cours du travail musculaire facilite la dépense énergétique par le tissu adipeux sous forme de chaleur. En effet, l’irisine induit la différenciation des adipocytes du tissu adipeux blanc en tissu adipeux beige caractérisé par l’expression de la protéine découplante UCP1 (Uncoupling Protein 1). Cette hormone pourrait donc jouer un rôle crucial dans le développement ou dans le traitement de l’obésité. A. Stengel et al. ont mesuré les taux plasmatiques d’irisine dans un petit échantillon de sujets anorexiques (IMC : 12,6 ± 0,7 kg/m2), des individus de poids normal (22,6 ± 0,9 kg/m2) et des groupes de patients obèses ayant un IMC compris entre 30 et 40 (36,9 ± 1,2 kg/­m2), entre 40 et 50 (44,9 ± 1,1 kg/m2) ou supérieur à 50 (70,1 ± 2,7 kg/m2). Les patients obèses présentaient les taux circulants d’irisine les plus élevés. Dans cette étude, l’irisine plasmatique était corrélée au poids (r = 0,47 ; p < 0,01), à l’IMC (r = 0,50 ; p < 0,001), à la masse grasse (r = 0,40 ; p < 0,05) et à l’insulinémie (r = 0,45 ; p < 0,01). En revanche, elle n’était pas corrélée à la ghréline, au cortisol, à la TSH ni à la protéine C réactive. Ce travail, dont les résultats devront être confirmés par des études réalisées sur de plus grands effectifs, suggère que la sécrétion et/ou le métabolisme de l’irisine sont affectés chez les patients obèses. E. Louiset (Rouen) • S tengel A et al. Peptides 2012;39:125-30. Hepcidine : hormone du fer sous contrôle du glucose L’hepcidine est une hormone peptidique produite principalement par le foie et, dans une moindre mesure, par le tissu adipeux. Elle régule négativement l’homéostasie martiale en réduisant l’absorption intestinale du fer et en augmentant sa captation par les macrophages. L’expression de l’hepcidine est inhibée par l’hypoxie et l’anémie ferriprive. À l’inverse, elle est augmentée par l’élévation de la charge hépatique en fer et par l’inflammation chronique. Les taux élevés d’hepcidine plasmatique détectés chez les sujets obèses plaident en faveur du rôle central de la sécrétion de l’hormone par les adipocytes dans la pathogénie de l’anémie associée au syndrome métabolique. Différentes données cliniques et moléculaires récentes suggèrent l’existence d’un lien entre homéostasie du fer et du glucose. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 Revue de presse Dans ce contexte, E. Aigner et al. ont étudié l’effet du glucose sur la sécrétion d’hepcidine en combinant des approches in vivo et in vitro. Cette équipe montre que l’ingestion de glucose (75 g) par des sujets sains de la cohorte SAKKOPI provoque une élévation transitoire du taux circulant d’hepcidine (maximum à 2 heures) qui coïncide avec une baisse du taux plasmatique de fer (1). En utilisant la lignée cellulaire HepG2, les chercheurs ont démontré que le glucose n’affecte pas la production hépatocytaire d’hepcidine. En revanche, ils ont observé que, dans une lignée de cellules β pancréatiques dérivée d’un insulinome, le glucose augmente l’expression du gène codant l’hepcidine. L’expression physiologique du gène de l’hepcidine a été objectivée par PCR réalisée sur des îlots pancréatiques humains préparés en vue d’une greffe. Ce travail met en évidence l’implication du glucose dans le contrôle de la sécrétion d’hepcidine et, indirectement, de l’homéostasie du fer, en conditions physiologiques. Qu’en est-il en conditions pathologiques ? Une étude récente réalisée chez 30 femmes présentant un diabète gestationnel révèle que leur taux plasmatique d’hepcidine est significativement plus élevé que celui des femmes enceintes ayant une intolérance au glucose (47 cas) ou que celui des sujets témoins (2). Les auteurs ont constaté une corrélation positive entre le taux circulant d’hepcidine et la glycémie mesurée à jeun ou après l’absorption de glucose. Le foie et le pancréas, 2 acteurs majeurs du contrôle de l’homéostasie glucidique, sont aussi partenaires dans le contrôle de l’homéostasie du fer. E. Louiset (Rouen) 1. Aigner E et al. J Nutr Biochem 2013;24(1):112-7. 2. Derbent AU et al. J Matern Fetal Neonatal Med 2013 Feb 27 [Epub ahead of print]. Metformine et cancer Des études épidémiologiques montrent que le diabète est corrélé à un risque accru de cancer et que les patients traités par la metformine, un antidiabétique utilisé dans le traitement du diabète de type 2, ont un risque moins élevé de développer cette maladie. Des données antérieures ont prouvé que la metformine inhibe la croissance de lignées cellulaires cancéreuses à la fois in vitro et dans des modèles animaux de xénogreffe. Il a été montré que cette molécule tue sélectivement une population de cellules souches cancéreuses (CSC-like) in vitro et chez la souris. Ces CSC-like constituent une population cellulaire qui résiste à la chimiothérapie et sont responsables de la récidive de la maladie. Une nouvelle étude réalisée par K. Struhl et al. à Boston (États-Unis) suggère que la metformine inhibe l’événement le plus précoce du processus de transformation tumorale, l’activation de NFκB. NFκB est un facteur de transcription également impliqué dans la réponse inflammatoire. Le facteur NFκB est un carrefour de signalisation mis en jeu dans les 2 mécanismes, le cancer et l’inflammation. Dans cette étude, les auteurs ont utilisé un modèle inductible de transformation cellulaire dans lequel des signes de réaction inflammatoire apparaissent 15 minutes après induction. Le traitement par la metformine inhibe spécifiquement la translocation nucléaire de NFκB et la phosphorylation de STAT3 dans les cellules souches cancéreuses. Les autres cellules cancéreuses ne sont pas affectées. Les effets de la metformine ne sont observés que lorsque le produit est appliqué peu de temps après l’induction tumorale, ce qui suggère que la molécule agit à un stade précoce. Des travaux antérieurs ont montré que, combinée à la chimiothérapie, la metformine prolonge la rémission des souris porteuses de tumeurs. Les auteurs révèlent que la metformine bloque la réponse inflammatoire dans les tumeurs. Cette inhibition est associée à un allongement de la période de rémission des souris. Les travaux futurs devraient permettre d’identifier les mécanismes mis en jeu par la metformine dans le blocage de la réponse inflammatoire. Les auteurs émettent l’hypothèse que la metformine pourrait bloquer une réaction de stress métabolique activant la réaction inflammatoire mise en jeu dans une grande variété de cancers. I. Lihrmann (Rouen) 1. Hirsch HA et al. Proc Natl Acad Sci USA 2013;110:972-7. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 3 - mars 2013 Œuf et risque cardiovasculaire La richesse en cholestérol de l’œuf (210 mg pour un gros œuf, soit 400 mg pour 100 g) en a fait une des cibles des discours diététiques de la prévention cardiovasculaire, qui recommandent de ne pas dépasser 300 mg/j. Ce conseil a pour corollaire le raccourci suivant : cholestérol alimentaire = cholestérol plasmatique. Certes, le cholestérol alimentaire peut contribuer à augmenter le cholestérol LDL et l’oxydation des LDL, et la lipémie postprandiale, mais il entraîne aussi une augmentation du cholestérol HDL et l’apparition de particules LDL de grande taille, facteurs plutôt protecteurs. Par ailleurs, l’œuf est une source importante de nutriments à effet antioxydant (zinc, sélénium, vitamine E, caroténoïdes, etc.), d’acides gras variés et biodisponibles, et d’autres nutriments (protéines)… bon marché. Faut-il alors s’en passer ? Y a-t-il des études épidémiologiques qui justifient son exclusion pour la prévention cardiovas­culaire ? Cette étude (une méta-analyse) a pour objectif de mesurer l’effet dose-réponse de la consommation d’œufs sur le risque coronarien et vasculaire cérébral (1). Dix-sept études prospectives (9 pour la maladie coronarienne et 8 pour l’accident cérébrovas­c ulaire), dans 8 publications, ont été prises en compte dans cette métaanalyse : 5 847 cas de maladie coronarienne (correspondant à 3 081 269 personnesannées) et 7 579 cas d’accident vasculaire cérébral (4 148 095 personnes-années) ont été analysés. Aucune association linéaire entre la consommation d’œufs et le risque de maladie coronarienne ou d’accident vasculaire cérébral n’a été mise en évidence. Le risque relatif de maladie coronarienne par œuf consommé est de 0,99 (IC : 0,85-1,15 ; p = 0,88, non significatif ) ; pour l’accident cérébrovasculaire, il est de 0,91 (IC : 0,811,02 ; p = 0,10), avec une diminution non significative également. Il n’y a pas d’hétéro­ généité entre les études. En revanche, comme cela a déjà été souligné (2), l’analyse par sous-groupes a montré que, dans la population diabétique, le risque relatif de maladie coronarienne chez les plus gros consommateurs d’œufs comparativement 45 R ev u e aux plus faibles consommateurs est de 1,54 (IC : 1,14-2,09 ; p = 0,01), c’est-à-dire nettement augmenté. Enfin, les sujets ayant la plus forte consommation d’œufs ont une diminution de 25 % (RR = 0,75 ; IC : 0,57-0,99 ; p = 0,04) du risque d’accident vasculaire cérébral hémorragique. Alors qu’une étude canadienne récente avait à nouveau jeté le discrédit sur les œufs, les résultats de l'étude de J.D. Spence et al. sont rassurants (3). L’étude canadienne était critiquable, d’une part parce qu’il s’agissait d’une étude transversale sans ajustement sur les autres facteurs du style de vie et d’autre part, parce que les “endpoints” (critères) du risque cardio­vasculaire n’étaient pas “durs”. La question des diabétiques n’est pas nouvelle : cela pourrait être dû au fait que le métabolisme des lipoprotéines est modifié par l’insulinorésistance (baisse des apolipoprotéines E, hausse des apolipoprotéines CIII et des VLDL, transport inverse perturbé du fait d’altérations enzymatiques d’enzymes insulinosensibles, etc.). Quant à la diminution du risque d’accident cérébral hémorragique, elle est à rapprocher du fait que l’on sait qu’il existe une relation inverse entre cholestérol plasmatique et accident vasculaire cérébral hémorragique, peut-être parce que le cholestérol bas accroît la nécrose des cellules musculaires lisses artérielles. 46 de presse Ces résultats permettent de lever l’interdit sur le cholestérol et les œufs, avec prudence cependant chez les diabétiques. J.M. Lecerf (Lille) 1. Rong Y et al. Br Med J 2013;346:e8539. 2. Lecerf JM. Lipid Nutri 2012;14:1-4. 3. Spence JD. Circulation 2008;115:512-6. Perte de poids et facteurs génétiques L’épidémie d’obésité est favorisée par des facteurs d’environnement, mais, à facteurs favorisants identiques, les facteurs prédisposants que sont les facteurs génétiques font la différence entre les individus. Ainsi, les variations génétiques du gène FTO (FaT mass and Obesity associated) représentent un facteur pouvant rendre compte statistiquement d’une valeur plus élevée de 0,26 à 0,66 kg/m2 de l’IMC, soit 0,84 à 2,1 kg de poids corporel pour une personne de 1,80 m. Plusieurs études ont montré que l’augmentation de l’IMC en présence de variants du gène FTO est plus forte chez les personnes sédentaires. Qu’en est-il de l’effet de la présence de variants de ce gène sur la prise de poids, voire la reprise de poids en fonction de changements alimentaires ? C’est la question que pose l’étude EPIC, étude prospective de 6,8 ans, de type cascohorte, réalisée à partir d’une population de 11 091 sujets issus de 5 pays européens, parmi lesquels 5 584 avaient présenté le plus grand gain de poids annuel inexpliqué (cas) et 5 507 étaient les témoins. Dans ces 2 cohortes, l’âge moyen était de 47,6 ± 7,5 ans et de 48,0 ± 7,3 ans. De plus, 6 566 sujets (les témoins + 1 059 cas) formaient une souscohorte pour l’analyse des traits en continu. Dans la sous-cohorte, le variant rs 9939609 du gène FTO est associé à un IMC et à un tour de taille plus élevés à l’inclusion, mais pas au gain de poids pendant le suivi dans l’analyse cas-témoins. Ce variant du gène FTO est associé à une augmentation du risque de gagner du poids (OR = 1,1 ; p = 0,045), mais ce surrisque lié au gène FTO est faible et n’est observé que pour les gains de poids les plus extrêmes. De plus, il n’y avait pas d’interaction entre le gène FTO et les apports en lipides, glucides et protéines, ni entre le gène FTO et l’index glycémique, l’IMC, le tour de taille à l’inclusion et la variation du poids ou du tour de taille. Ainsi, ce facteur génétique joue un rôle dans le statut pondéral mais n’intervient que peu dans le gain de poids d’une population. C’est bien le rôle respectif des facteurs d’environnement (qui expliquent l’épidémie d’obésité) et des facteurs génétiques (qui rendent compte en partie de la différence entre individus). J.M. Lecerf (Lille) • V imaleswaran KS et al.Obesity 2012;20:1869-74. Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVII - n° 3 - mars 2013