ÉDITORIAL La loi Léonetti, qu’en est-il aujourd’hui ? What about the Léonetti law today? A. Chabert* L es patients, leurs proches et parfois les médias nous questionnent régulièrement sur des problèmes autour de la fin de vie ; particulièrement dans le domaine de la neurologie, où de nombreux patients sont confrontés à des maladies dégénératives ne leur permettant pas toujours d’exprimer leur choix. Mais sommes-nous toujours capables de leur répondre ? et en respectant le cadre défini par la loi ? La loi Léonetti, votée le 22 avril 2005 (1), modifie le droit des malades et la responsabilité médicale pour les patients en fin de vie. Elle stigmatise et proscrit l’obstination déraisonnable. Elle établit la ”procédure collégiale” pour toute limitation ou tout arrêt de traitement demandé par des soignants ou par le patient, qu’il soit en fin de vie ou non. Elle nécessite que deux médecins, au moins (dont un consultant qui ne connaît pas le malade), et, généralement aussi, les membres de l’équipe soignante se concertent. Il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. La loi souligne la recherche de la volonté du malade mais, s’il n’est pas en mesure de l’exprimer, cette recherche doit se faire à travers les directives anticipées. À défaut, la personne de confiance ou les proches sont interrogés pour témoigner de cette volonté. La volonté du malade, l’action médicale et ses motivations doivent être inscrites dans le dossier médical. Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées qui précisent ses souhaits pour le cas où elle serait un jour hors d’état de les exprimer. Ces directives sont * Praticien hospitalier, équipe mobile de soins palliatifs et accompagnement, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris. 40 | La Lettre du Neurologue • Vol. XV - n° 2 - février 2011 valables 3 ans renouvelables et peuvent être à tout moment modifiées. Elles ont une valeur uniquement indicative, la décision ultime relevant toujours de la seule responsabilité du médecin. Ces directives anticipées sont importantes en neurologie où les situations de confusion ou de troubles cognitifs en fin de vie sont très fréquentes. Mais quand rechercher l’existence de ces directives ? Au moment du diagnostic ou plus tard ? Auprès de qui ? La possibilité d’un ”double-effet” est reconnue par la loi lorsque l’objectif du traitement est le soulagement d’une souffrance. Le médecin doit en avoir informé le patient, la personne de confiance ou à défaut les proches. La loi recentre ainsi la responsabilité de chaque médecin : choix du traitement approprié avec le consentement du malade, parfois décision de l’interrompre dans le respect des procédures établies et devoir d’accompagnement du patient dans ses derniers instants de vie grâce aux soins palliatifs. Ces modifications législatives ont requis une révision de l’article 37 du code de déontologie médicale à deux reprises. La dernière version datant de février 2009 (2) prend en compte les malades cérébrolésés et les nouveaux-nés prématurés : “Le médecin, même si la souffrance du patient ne peut pas être évaluée du fait de son état cérébral, met en œuvre les traitements, notamment antalgiques et sédatifs, permettant d’accompagner la personne selon les principes et dans les conditions énoncés dans l’article R. 4127-38 (du code de santé publique).” Voilà pour le cadre purement législatif, mais comment l’appliquons-nous ? En 2008, une commission d’évaluation de la loi du 22 avril 2005 menée par Jean Léonetti (3) a mis en évidence une connaissance insuffisante de cette loi par les patients mais aussi par les médecins hospitaliers et libéraux, ainsi qu’un manque de mise en œuvre de la loi en ce qui concerne, par ÉDITORIAL exemple, la procédure collégiale, la personne de confiance ou les directives anticipées. Elle note des efforts réels en matière de soins palliatifs, mais encore insuffisants, et des inégalités fortes selon les régions ou pour certains patients plus vulnérables. Cette commission et le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ont préconisé dès 2008 différentes mesures mises progressivement en application depuis : l’Observatoire de la fin de vie créé en février 2010, la mise en place en mars 2010 d’une allocation d’accompagnement de fin de vie pour les proches qui souhaitent arrêter leur activité professionnelle, la création d’un module “éthique, fin de vie/soins palliatifs” dans les DES de médecine générale, de cancérologie, de neurologie et de gériatrie… Toutes ces avancées devraient conduire à ce que nous soyons mieux formés, que les patients et leurs proches soient mieux informés et, surtout, elles devraient nous permettre de mieux appliquer cette loi qui ne rend pas forcément les situations complexes plus faciles mais donne un cadre à notre réflexion et à notre pratique. ■ Références bibliographiques 1. Loi Léonetti ou loi n° 2005-370 du 2 avril 2005 relative aux droits des malades en fin de vie. Journal officiel de la République française. 2. Article 37 du code de déontologie médicale ou article R. 4127-37 dans le code de santé publique. 3. Rapport d’évaluation Léonetti n° 1287 rendu au premier ministre le 2 décembre 2008. http://www. sfar.org/_docs/articles/124-rapport_leonetti08.pdf AVIS AUX LECTEURS Les revues Edimark sont publiées en toute indépendance et sous l’unique et entière responsabilité du directeur de la publication et du rédacteur en chef. Le comité de rédaction est composé d’une dizaine de praticiens (chercheurs, hospitaliers, universitaires et libéraux), installés partout en France, qui représentent, dans leur diversité (lieu et mode d’exercice, domaine de prédilection, âge, etc.), la pluralité de la discipline. L’équipe se réunit 2 ou 3 fois par an pour débattre des sujets et des auteurs à publier. 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