GRIO Coordonné par : T. Thomas (Saint-Étienne) w w w. gr i o. o rg Supplémentation en vitamine D : les recettes J.C. Souberbielle* L a correction d’une insuffisance en vitamine D est un préalable avant de prescrire (éventuellement) un traitement de fond de l’ostéoporose. Le dosage de la 25-hydroxy­vitamine D (25OHD), et (surtout) pas celui de la 1,25-dihydroxyvitamine D (pourtant le métabolite actif de la vitamine D), permet d’évaluer le statut vitaminique D et donc de proposer une supplémentation en cas de valeur insuffisante (1). Concentrations de 25OHD correspondant à un statut vitaminique D optimal Pour définir la valeur minimale, plusieurs ­approches ont été utilisées (2), mais principalement : ✓✓ la détermination de la concentration de 25OHD au-dessous de laquelle la concentration de PTH peut augmenter à l’échelon d’une population (apparemment en bonne santé) ; ✓✓ la détermination des concentrations de 25OHD obtenues dans les groupes “traitement actif” lors d’études d’intervention ayant montré des effets bénéfiques de la vitamine D (par exemple, dans les études qui ont démontré une réduction du risque relatif de fracture périphérique ou de chute, mais aussi de cancer ou autre événement sans rapport avec l’ostéo­porose). Comme on peut l’imaginer, les résultats de ces (nombreuses) études sont variés. Un compromis (qui n’est pas un consensus absolu) adopté par de très nombreux experts est une valeur minimale de 30 ng/ml (soit 75 nmol/l) de 25OHD. Pour proposer une valeur haute de ces valeurs “souhaitables” de 25OHD, on s’appuie sur le fait que les cas publiés d’intoxication à la vitamine D sont asso* Service d’explorations fonctionnelles, hôpital Necker – Enfants-malades, Paris 204 ciés à des concentrations de 25OHD en général très supérieures à 150 ng/­ml (soit 375 nmol/l) [3]. Dans notre laboratoire, les valeurs “souhai­ tables” de 25OHD sont actuellement de 30-80 ng/­ml (soit 75-200 nmol/­l). Si l’on admet cette définition, la fréquence de l’insuffisance en vitamine D (25OHD < 30 ng/­ml) est majeure. Correction d’une insuffisance en vitamine D On peut se poser la question de l’intérêt de doser la 25OHD, sachant qu’une grande proportion de la population a une concentration inférieure à 30 ng/­ml et que l’on pourrait donc donner de la vitamine D à tout le monde. Il n’y a pas de réponse à cette question (des études sont en cours pour essayer d’y répondre), mais on n’est pas aujourd’hui en mesure de définir une dose de vitamine D qui permettrait d’élever dans la quasi-totalité des cas la 25OHD au-dessus de 30 ng/­ml (même chez les sujets ayant une valeur effondrée, par exemple 3-5 ng/­ml) en évitant des valeurs supérieures à 80-100 ng/­ml (même chez les sujets qui ont, par exemple, une concentration de 50 ng/­ml). Il est donc logique de doser la 25OHD pour le moment. Le protocole que nous proposons n’est pas un consensus, mais c’est celui que nous avons validé dans notre unité. Il est dérivé des recommandations de M. Holick (1) et a pour but une correction rapide de l’insuffisance en vitamine D. ✓✓ Lorsque la 25OHD est inférieure à 20 ng/­ ml (soit 50 nmol/­l), nous donnons 4 ampoules de 100 000 UI de vitamine D3 (une ampoule toutes les 2 semaines pendant 2 mois). ✓✓ Lorsque la 25OHD est supérieure à 20 ng/­ ml (soit 50 nmol/­l), mais inférieure à 30 ng/­ml (soit 75 nmol/­l), nous donnons 2 ampoules de 100 000 UI de vitamine D3 (une ampoule toutes les 2 semaines pendant 1 mois). Maintien d’un statut vitaminique D satisfaisant Une fois l’insuffisance en vitamine D corrigée (étape précédente), il faut ensuite maintenir une concentration de 25OHD supérieure à 30 ng/­ml sur le long terme. Le problème de l’observance étant toujours fondamental, on peut faire choisir au patient le mode de prise de la vitamine D (journalier ou “espacé”). Dans notre expérience, une majorité de patients ­(80-85 %) préfère des prises espacées (tous les 1 à 3 mois), mais certains ­(15-20 %) préfèrent des prises journalières, par peur d’oublier. ✓✓ Pour des prises journalières, nous donnons 800 à 4 000 UI de vitamine D2 ou de vitamine D3. L’adaptation de la posologie peut se faire en dosant la 25OHD après 3-4 mois de traitement (durée nécessaire pour que la 25OHD atteigne un “plateau”) à une première dose (par exemple 800 à 1 200 UI/­j). Si la valeur mesurée est inférieure à 30 ng/­ml, augmenter la posologie. ✓✓ Pour des doses “espacées”, nous donnons 100 000 UI de vitamine D3 tous les 1, 2 ou 3 mois. On peut commencer par une dose tous les 3 mois et doser la 25OHD juste avant la dose suivante (quand elle est à son niveau le plus bas). Si la valeur est inférieure à 30 ng/­ ml, raccourcir le délai entre deux prises (par exemple, tous les 2 mois au lieu de tous les 3 mois). Vitamine D3, vitamine D2 ou 25OHD3 ? En France, il est possible de proposer aux patients de la vitamine D3 en doses “espacées” (Uvédose® [colécalciférol] = 100 000 UI ; Zyma D = 80 000 ou 200 000 UI ; Vitamine D3 Bon® = 200 000 UI) ou journalières (Zyma D : 1 goutte = 300 UI), ou de la vitamine D2 également en doses “espacées” (Stérogyl® 15 A ou H = 600 000 UI) ou journalières (Stérogyl® : Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 5 - septembre-octobre 2009 Supplémentation en vitamine D : les recettes 1 goutte = 400 UI ; Uvéstérol® : 800, 1 000, ou 1 500 UI par dose ; Frubiose® vitamine D : 1 000 UI ou 5 000 UI par ampoule). On peut aussi donner de la 25OHD3 (Dédrogyl® : 1 goutte = 5 µg de 25OHD3) mais, dans notre expérience, la marge thérapeutique entre le maintien d’une valeur satisfaisante de 25OHD et une valeur excessive (> 100 ng/­ml) est relativement étroite avec ce médicament. Vous avez remarqué que, lorsque nous prescrivons des doses “espacées” nous donnons uniquement de la vitamine D3, alors que, lorsque nous prescrivons des doses journalières, nous donnons de la vitamine D2 ou de la vitamine D3. Nous nous fondons pour cela sur des études montrant que, lorsque des doses uniques et égales de vitamine D2 et de vitamine D3 sont administrées, la 25OHD3 persiste plus longtemps dans le sérum que la 25OHD2 (4, 5), alors que, dans le cas de doses journalières, la vitamine D2 et la vitamine D3 administrées à doses identiques maintiennent le taux de 25OHD de la même façon (6). la vitamine D3, il est alors évident que les techniques de dosage de la 25OHD doivent mesurer à la fois la 25OHD2 et la 25OHD3. Or, certains laboratoires utilisent des techniques qui ne dosent que la 25OHD3, d’où l’incompréhension de certains médecins lorsqu’ils constatent une diminution de la concentration de 25OHD chez des patients à qui ils ont prescrit de la vitamine D (il s’agit en général d’une prescription de Stérogyl® et d’un dosage par une technique ne mesurant que la 25OHD3). Un moyen simple d’éviter ce type de confusion est d’indiquer sur votre ordonnance “dosage de 25OHD (D2 + D3)”. ✓✓ Les techniques de dosage de la 25OHD sont standardisées de manière acceptable, ce qui veut dire que, si l’on dose la 25OHD avec différentes techniques sur un même échantillon sanguin, les résultats obtenus seront proches les uns des autres pour des concentrations proches de 30 ng/­ml. Il faut toutefois mentionner le cas d’une technique immunoenzymatique (la feuille de résultats du laboratoire mentionnera dans ce cas “Dosage fait par technique ELISA”) qui donne des résultats souvent beaucoup plus élevés que les autres techniques lorsque la vraie valeur est supérieure à 50-60 ng/­ml. Cela sera relativement fréquent chez les patients ayant reçu une forte dose de vitamine D (par exemple, comme dans le protocole proposé plus haut) et on pourra alors avoir (à tort) l’impression d’avoir induit une surcharge en vitamine D. Il faut demander au laboratoire de diluer l’échantillon sanguin et de refaire le dosage. ✓✓ L’incertitude de mesure est aussi à prendre en compte. Un dosage biologique (mais aussi une mesure densitométrique…) est caractérisé par un coefficient de variation (CV) analytique (si l’on mesure plusieurs fois le paramètre sur le même échantillon, l’on obtient autant de valeurs différentes). On peut dire schématiquement que, pour que deux valeurs soient vraiment différentes, elles doivent être différentes de plus de deux fois le CV (des formules mathématiques plus précises mais plus compliquées existent). Ce CV analytique dépend de la technique utilisée mais aussi de la concentration mesurée. Pour une concentration de 30 ng/­ml, il est de l’ordre de 10 %. La conséquence en est qu’une valeur de 30 ng/­ml n’est pas vraiment différente d’une valeur de 36 ng/­ ml. Lorsque vous êtes confrontés, lors d’un bilan phosphocalcique, à une élévation de la PTH chez un patient normocalcémique, il faudra que la 25OHD soit supérieure à 36 ng/­ml (40 ng/­ml en fait) pour exclure une hyperparathyroïdie secondaire à un déficit en vitamine D. ■ 1. Holick MF. Vitamin D deficiency. N Engl J Med 2007;357:266-81. 2. Souberbielle JC, Prié D, Courbebaisse M et al. Update on 4. Armas LA, Hollis BW, Heaney RP. Vitamin D2 is much less large dose of ergocalciferol (vitamin D2) or cholecalciferol (vitamin D3) in the elderly. J Clin Endocrinol Metab 2008;93:3015-20. 3. Hathcock JN, Shao A, Vieth R, Heaney R. Risk ­assessment 5. Romagnoli E, Mascia ML, Cipriani C et al. Short and long-term Quelques mots sur les dosages de 25OHD ✓✓ Si l’on admet que l’on peut donner de la vitamine D2 (en doses journalières) ou de Références vitamin D and evaluation of vitamin D status. Ann Endocrinol (Paris) 2008;69:501-10. for vitamin D. Am J Clin Nutr 2007;85:6-18. effective than vitamin D3 in humans. J Clin Endocrinol Metab 2004;89:5387-91. variations in serum calciotropic hormones after a single very Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XIII - n° 5 - septembre-octobre 2009 6. Holick MF, Biancuzzo RM, Chen TC et al. Vitamin D2 is as effective as vitamin D3 in maintaining circulating concentrations of 25-hydroxyvitamin D. J Clin Endocrinol Metab 2008;93:677-81. 205