Les neurones miroirs et les syndromes autistiques Sarah Bismuth Vincent Ernest 1 UE 9 25/10/2011 2 Les neurones miroirs Chez le singe 3 Chez le singe Découverte des neurones miroirs En 1996. Découverte fortuite (serendipity) par l’équipe italienne menée par Giacomo Rizzolatti, médecin et biologiste italien et directeur du département de neurosciences de la faculté de médecine de Parme. 4 Chez le singe Découverte des neurones miroirs Enregistrements chez le singe montrant une activation d’un groupe de neurones dans le une région du cortex prémoteur frontal (zone F5) : Lorsque le singe effectue une action (préhension d’un objet) Lorsque le singe observe le scientifique reproduire cette action. Chez le singe, les neurones miroirs : Combinent à la fois une fonction motrice et une fonction visuelle. Sont spécifiques d’une action donnée 5 Introduction : les neurones miroirs Chez l’Homme 6 Chez l’Homme Découverte chez l’Homme Preuve apportée en 2010 par les techniques d’imagerie médicale et neurophysiologiques. Mise en évidence dans l’aire de Broca et dans le cortex pariétal inférieur d’une zone de neurones activés à la fois quand le sujet effectue une action et lorsqu’il observe un autre individu effectuer une action similaire En raison d’une localisation diffuse des neurones miroirs, on parle de système de neurones miroirs. De nombreuses connexions : 7 Chez l’Homme Caractéristiques chez l’Homme Le système de neurones miroirs (SNM): s’active lors de l’observation, de la planification et lors de l’accomplissement d’une action S’active aussi (à moindre mesure) à l’observation de mouvements sans finalité, comme lever les bras (contrairement au singe) S’active également à la vue d’une action en l’absence de son objet, par exemple : mimer la préhension d’une tasse (contrairement au singe) Véritable répertoire moteur (expérience danseurs Calvo-Merino et al, 2004). 8 Joue un rôle dans la compréhension des actions et des intentions d’autrui (imitation, apprentissage) mais aussi dans la compréhension des émotions (empathie, théorie de l’esprit) et dans le langage. Chez l’Homme 9 Chez l’Homme Du fait de ses implications dans la compréhension des actions d’autrui, voire de leurs émotions (empathie),de nombreux chercheurs ont tenté de corréler les troubles du spectre autistique à un déficit du système des neurones miroirs. L’autisme est-il la conséquence de neurones miroirs défaillants ? 10 Comment mesurer l’activité des neurones miroirs ? Le rythme mu Le rythme mu est un signal entre 8 et 10 Hz localisé dans la région centrotemporale (plan passant par les deux oreilles et le sommet du crâne). Dès que le patient bouge, observe ou imagine un mouvement, il disparaît. Le principal rythme visible correspond à la zone motrice des mains et se visualise principalement sur les électrodes C3 et C4 (l'hémisphère gauche contrôle la main droite et vis versa). Dès 1954, on a pour idée que ce rythme serait le reflet de l’activité de couplage observation/exécution, aujourd’hui imputée aux neurones miroirs. 11 Le SNM, explication à l’autisme ? «EEG evidence for mirror neuron dysfunction in autism spectrum disorders », Oberman et al. 2005 But de l’étude : établir une relation entre les TSA et un dysfonctionnement des neurones miroirs Sujets d’étude : 10 personnes atteintes de TSA, 10 personnes contrôles d’âge, QI et sexe comparables. Protocole : enregistrement d’EEG sous 4 conditions • Mouvement de leur propre main • Observation d’une main en mouvement (vidéo) • Observation de 2 balles qui rebondissent (vidéo) • Observation d’un bruit blanc visuel (témoin) Le SNM, explication à l’autisme 12 • Le groupe témoin montre une atténuation significative du rythme mu à la fois lors de l’observation de la main en mouvement et lors de l’exécution volontaire du mouvement. • Ne montre pas d’atténuation significative pendant l’observation de la main. Cette étude semble mettre en évidence un dysfonctionnement du SNM chez les patients atteints de TSA Le SNM, explication à l’autisme 13 Une étude complémentaire, menée par Oberman en 2008 a montré que l’atténuation du rythme mu était plus importante lorsque le mouvement de la main était effectué par une personne familière au sujet. Les patients atteints de TSA s’identifieraient plus facilement à des personnes qui leur sont proches. . . Le SNM, explication à l’autisme 14 « EEG mu rythm and imitation impairments in inviduals with autism spectrum disorder » 2007 R. Bernier et al. Contexte : il a été montré par plusieurs études que les personnes atteintes de TSA avaient de moins bons résultats lors d’une imitation. Par ailleurs, d’autres études (comme celle d’Oberman) ont également montré une absence d’atténuation du rythme mu lors de l’observation d’une action par autrui. Le SNM, explication à l’autisme 15 Objectif de l’étude : établir une corrélation entre déficits imitatifs chez des personnes atteintes de TSA atténuation du rythme mu. Hypothèses • • : Les adultes autistes vont montrer de moins bonnes performances imitatives, et ce déficit sera couplé à une moins bonne atténuation du rythme mu. Il existerait une correspondance entre degré d’atténuation du rythme mu et capacité à imiter. Le SNM, explication à l’autisme 16 Protocole: Echantillon de 14 adultes atteints de TSA et de 15 adultes comparables (âge, sexe, QI) témoins à qui on fait observer, exécuter et imiter des actions : • Mouvements simples et séquences de mouvements de la main • Expressions faciales simples et en séquences • Gestes requérant les deux mains • Des mouvements simples, sans but (intransitifs) • Des actions en relation avec un objet Le SNM, explication à l’autisme 17 Résultats : - On observe de moins bons résultats, que ce soit pour l’imitation, l’observation, et l’exécution, pour les sujets TSA. - Corrélation entre atténuation et capacités d’imitation. Les 2 hypothèses semblent donc confirmées 18 Une autre étude menée par Dapretto s’est plus spécifiquement attardée sur l’expression des émotions faciales chez les personnes atteintes de TSA : on observe une moindre activation du pars opercularis lors de l’imitation d’émotion faciales. Cette étude a également établi une corrélation entre ce degré d’activation et la sévérité des troubles. 19 Des mesures complémentaires… Des mesures du volume de matière grise ont mis en évidence une réduction de la zone pars opercularis (abritant des neurones miroirs) chez des enfants atteints de TSA, laquelle est corrélée aux déficits en communication sociale (2010, Yamasaki) 20 Mais… Mais… Les études précédentes laisseraient penser qu’un dysfonctionnement des neurones miroirs est responsable des TSA, notamment à travers l’imitation. Cependant, d’autres études apportent des résultats discordants. 21 Mais… De nombreuses études soutiennent l’hypothèse d’un dysfonctionnement des neurones miroirs, à l’origine des TSA. “EEG study of the mirror neuron system in children with high functioning autism ”, R.Raymaekers et al. But : montrer s’il existe bien un dysfonctionnement du SNM chez les enfants atteints d’un autisme de haut niveau. Sujets : 20 enfants atteints, 19 enfants non atteints, 8-13ans, âge et QI comparables Protocole : enregistrement d’EEG sous 4 conditions • Mouvement de leur propre main • Observation d’une main en mouvement (vidéo) • Observation de 2 balles qui rebondissent (vidéo) • Bruit blanc visuel Ces phases ont été répétées, dans un ordre différent, afin d’éviter les biais de mesure. 22 Mais… Résultats : Atténuation maximale pour l’exécution volontaire de l’action, moindre lors de l’observation. Résultats similaires chez les témoins et les patients atteints de TSA. Ces résultats se placent en opposition avec ceux obtenus par l’équipe d’Oberman (2005) 23 De la même manière que ces résultats s’opposent à ceux obtenus par Oberman, une étude menée par Fan en 2010 rejette la corrélation entre suppression du rythme mu et capacité d’imitation établie par Bernier. En effet, Fan a bien observé de moins bons résultats dans les tâches imitatives chez les enfants atteints de TSA, mais sans défaut de suppression du rythme mu… 24 Mais… “Normal Movement Selectivity in Autism” Ilan Dinstein et al., paru dans Cell. Prérequis Les neurones impliqués dans la perception du mouvement, dont les neurones miroirs, présentent comme caractéristique fondamentale une « sélectivité » du mouvement. En effet, une perception et une interprétation adéquates d’un mouvement observé requièrent la capacité de distinguer ce mouvement des autres en le représentant par une seul réponse neuronale. Si on émet l’hypothèse d’un dysfonctionnement des neurones miroirs chez les personnes atteintes de TSA, on devrait observer une détérioration de cette capacité. Est-ce vraiment le cas ? 25 Mais… Protocole 1 Observation à l’IRMf de l’activité des neurones miroirs chez un groupe d’individus atteints de TSA et un groupe contrôle, soumis à l’observation d’un mouvement (stimulation visuelle) ou à l’exécution d’un mouvement (stimulation motrice) Exécution Observation La réponse du SNM est la même dans les 2 groupes, contrairement aux études précédentes 26 Comment évaluer la « sélectivité de mouvement » ? La sélectivité du mouvement inérante aux neurones miroirs est la capacité à distinguer un mouvement d’un autre. Dans ce cas, la reconnaissance du mouvement fera que lors de l’observation et l’exécution répétée, il existera un phénomène d’adaptation, qui fera que l’activation sera de moins en moins puissante. Ainsi, s’il existe bien un dysfonctionnement des neurones miroirs chez les enfants atteints de TSA, on ne devrait pas observer de phénomène d’adaptation. 27 Mais… Protocole 2 Observation à l’IRMf de l’activité des neurones miroirs chez un groupe d’individus atteints de TSA et un groupe contrôle, soumis à l’observation répétée d’un mouvement (adaptation au stimulus visuel) ou à l’exécution répétée d’un mouvement (adaptation à la stimulation motrice) Observation Exécution Aut Ctrl Aut Ctrl Aut Ctrl Aut Ctrl L’adaptation du SNM aux stimuli visuels/moteurs répétés est la même dans les 2 groupes. Ces 2 résultats postulent en faveur d’une intégrité du SNM chez les patients atteints de TSA. 28 Conclusion Explications potentielles à ces apparentes contradictions : • Hétérogénéité des TSA • Rythme mu propre au SNM ? difficultés à isoler la réponse des neurones miroirs… • Même problème avec l’imitation : de nombreuses populations neuronales sont impliquées dans ces processus (visuelles, motrices…), pas seulement le SNM… Ouverture 29 De nombreuses études en cours qui parfois se complètent, et parfois s’opposent. Ex : anticipation (Schmitz et al.) Ex : Piste développementaliste, mais l'âge semble ne pas avoir d’influence (Enticott et al., 2011) C’est donc une une découverte discrète mais capitale, majoritairement exploitée dans le cas des TSA. 30 « La découverte des neurones miroirs est absolument renversante. C’est aussi la découverte la plus importante et elle est pratiquement négligée parce qu’elle est si monumentale que nul ne sait qu’en faire. » R. Sylvester « La découverte des neurones miroirs est la plus importante nouvelle non-transmise de la décennie. Je prédis que les neurones miroirs feront pour la psychologie ce que l’ADN a fait pour la biologie. » V.S. Ramachandran 31 Références Découverte : les neurones miroirs http://www.youtube.com/watch?v=iZ1P7NjY4hA Normal Movement Selectivity in Autism, Dinstein et al. EEG evidence for mirror neuron dysfunction in autism spectrum disorders, Oberman et al. EEG mu rhythm and imitation impairments in individuals with autism spectrum disorder, Bernier et al. L’autisme est-il la conséquence de neurones miroirs défaillants ?, Christina Schmitz The Mirror Neuron System, Cattaneo et al.