154 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XII - n° 5 - septembre-octobre 2009
ÉDITORIAL
Chez les malades ne recevant pas d’immunomodulateur
(incluant corticoïdes, thiopurines, méthotrexate, anti-TNF), les
mesures sont celles concernant la population générale. Dans
ce groupe de malades, la vaccination antipneumococcique
polysaccharidique (Pneumo 23
®
) est recommandée, alors que
ces sujets ne sont pas à haut risque d’infection pneumococ-
cique pour le Haut Conseil de la santé publique. En l’absence
de références, il est diffi cile de savoir si cette recommandation
repose sur des preuves ou relève du principe de précaution. L’ap-
plication pratique peut se révéler diffi cile, l’Afssaps et la DGS
ayant signalé le 25 septembre 2009 un risque de rupture de
stock de Pneumo 23
®
dont la demande est, depuis juillet, sept
fois supérieure à celle des autres années, d’après le fabricant
(Sanofi Pasteur, MSD). La DGS a recommandé le 25 septembre
2009 de réserver jusqu’à fi n 2009 les doses de Pneumo 23®
disponibles aux sujets à risque bien établi (c’est-à-dire les sujets
splénectomisés, les malades atteints de drépanocytose, de
syndrome néphrotique, d’insuffi sance respiratoire ou cardiaque,
les patients alcooliques avec hépatopathie chronique).
Chez les patients recevant un immunomodulateur, la vacci-
nation contre la grippe saisonnière et celle contre la grippe
H1N1 sont recommandées. Il n’y a pas de délai minimal entre
les deux vaccinations dans les RCP des trois premiers vaccins
approuvés par l’Agence européenne du médicament (EMEA).
Pour la grippe H1N1, certains immunologistes recommandent
d’utiliser un vaccin sans adjuvant. Les deux premiers vaccins
approuvés le 29 septembre 2009 (Pandemrix
®
, GSK et Foce-
tria
®
, Novartis) contiennent des adjuvants à base de squalène
(substance lipidique présente dans les aliments). Le troisième
vaccin (Celvapan®, Baxter) ne contient pas d’adjuvant. À noter
que le squalène est utilisé dans le vaccin Gripguard
®
contre la
grippe saisonnière et que 45 000 000 doses ont été injectées
depuis 2001 sans problème particulier de tolérance ou de réac-
tions immunologiques anormales. Les trois laboratoires ayant
obtenu une AMM rapidement l’ont fait sur la base d’un vaccin
prototype dit mock-up, évalué selon la procédure habituelle
avec une souche virale H5N1, puis adapté à la souche du virus
H1N1 identifi ée par l’OMS en mai 2009. L’extrapolation du
nouveau vaccin se fonde sur l’expérience des changements
de vaccins effectués tous les ans pour prendre en compte les
modifi cations des souches virales de la grippe saisonnière.
Il est signalé dans les RCP de ces vaccins la possibilité d’une
réponse insuffi sante chez les patients immunodéprimés. Deux
injections sont donc probablement justifi ées alors que dans
la population générale la protection obtenue après une seule
injection semble suffi sante, les essais étant encore en cours
à ce sujet.
Sanofi Pasteur met au point des vaccins avec (Humenza®)
et sans adjuvant (Panenza®), mais en l’absence de vaccin
mock-up, il doit élaborer un dossier complet d’AMM et non
pas demander simplement une modifi cation des RCP d’un
vaccin déjà approuvé. Ce vaccin sera donc disponible plus
tardivement.
La vaccination antipneumococcique polysaccharidique est
également recommandée chez les sujets sous immunomo-
dulateurs alors que ce traitement ne place pas les malades
dans le groupe à haut risque d’infection pneumococcique
pour le Haut Conseil de la santé publique. Un traitement
préventif par inhibiteur de neuraminidase (essentiellement
oseltamivir, Tamifl u® 75 mg/j pendant 10 jours) est indiqué
en cas de contact étroit avec une personne ayant une grippe
H1N1 dans un délai de moins de 48 heures.
Ce traitement à dose curative est nécessaire en cas de
grippe déclarée (75 mg x 2/j d’oseltamivir pendant 5 jours,
dose pouvant être augmentée en cas de forte immunosuppres-
sion). En cas de grippe sévère, le traitement immunomodu-
lateur doit être suspendu et un avis spécialisé est nécessaire.
À toutes ces recommandations concernant vos malades,
il faut évidemment ajouter celles concernant la nécessité
de la vaccination chez les personnels de santé, y compris
les médecins ! Un sondage en septembre indiquait que la
moitié des médecins n’envisageait pas de se faire vacciner
contre la grippe H1N1. Rappelons que dans leur cas, on ne
recherche pas un bénéfi ce individuel mais surtout un béné-
fi ce collectif. Il est nécessaire que le personnel de santé,
prioritaire pour la vaccination, reste disponible au service
de la population. Les arguments contre la vaccination sont
du niveau de brèves de comptoir ! Sont mis en cause l’AMM
(trop) rapide (on en a vu les raisons), la présence d’adjuvant
(nécessaire pour diminuer la dose d’antigène et pouvoir
fabriquer assez de vaccins en un temps court), la présence
de thiomersal (conservateur indispensable en cas de fl acons
de vaccins multidoses, sans risque connu à la concentration
employée), le risque de Guillain-Barré (dont la grippe est
potentiellement elle-même un facteur de risque, le nombre
d’hospitalisations pour syndrome de Guillain-Barré augmen-
tant parallèlement au nombre de grippes observées dans
les études épidémiologiques, la vaccination étant donc
plutôt un facteur de protection contre ce syndrome !). Une
surveillance étroite des effets indésirables des vaccins est
prévue, ce qui devrait nous fournir quelques beaux sujets
de controverse.
En conclusion, vaccinons nos malades, mais faisons-nous
également vacciner ! ■