OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU modérément émétisantes (protocoles anthracyclines/cyclophosphamide, mais également autres molécules comme carboplatine, oxaliplatine, irinotécan). Règles de prise en charge des nausées et vomissements chimio-induits Il importe de : ➤ prescrire d’emblée le traitement le plus efficace possible ; ➤ suivre les recommandations internationales ; ➤ tenir compte à la fois du protocole de chimiothérapie mais aussi, et surtout, du patient (terrain, antécédents, etc.) : par exemple, une patiente recevant une chimiothérapie par anthracycline et cyclophosphamide adjuvante pour un cancer du sein doit être considérée (selon les recommandations de la MASCC) à haut risque émétique, bien que cette chimiothérapie soit en principe moyennement émétisante ; ➤ évaluer régulièrement et systématiquement l’efficacité des traitements antiémétiques ; ➤ prendre en compte non seulement les N/V aigus, mais aussi les N/V retardés ou anticipés. Pour en savoir plus • Durand JP, Madelaine I, Scotté F. Recommandations pour la prévention et le traitement des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie. Bull Cancer 2009;96(10): 951-60. Réunion de concertation pluridisciplinaire D. Mayeur, D. Billard, S. Ghez, F. Merabet, S. Rigaudeau, J.F. Geay, C. Abraham, S. Castaigne État des lieux Les patients atteints de cancer et la société en général aimeraient penser que toute la communauté médicale, paramédicale et scientifique travaille en coopération pour résoudre tous les problèmes de chaque malade cancéreux. Ils acceptent mal les batailles de terrain, les difficultés liées aux egos professionnels et aux animosités personnelles. Heureusement, l’énergie investie dans ces pratiques contre-productives est faible comparée à celle dépensée par les professionnels qui exercent leur métier avec dévouement, fierté, cherchant constamment la meilleure solution à chaque cas individuel et restant humbles face à leurs patients. Ceux-ci pratiquent la pluridisciplinarité naturellement (1). Cette attitude, déjà ancienne en cancérologie, a largement été soutenue et pratiquée, en particulier dans les centres de lutte contre le cancer mais aussi dans d’autres établissements. Cependant, cette pratique était encore souvent inexistante en 2002. Ainsi, une enquête portant sur la pratique des chimiothérapies en Île-de-France n’a retrouvé trace d’une réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) que dans 57 % des cas, la proportion étant plus élevée dans les établissements assurant une mission d’enseignement et de formation (2). Il est donc apparu nécessaire de formaliser et rendre obligatoire cette approche multidisciplinaire. Bases réglementaires En 2003, le Plan cancer prévoit, par sa mesure 31, de “faire bénéficier 100 % des nouveaux patients atteints de cancer d’une concertation pluridisciplinaire autour de leur dossier” et de “synthétiser le parcours thérapeutique prévisionnel issu de cette concertation sous la forme d’un ‘programme personnalisé de soins’ remis au patient”. La circulaire DHOS/SDO no 2005-101 du 22 février 2005 (3) précise cette organisation, en particulier dans son annexe II : “une stratégie de traitement définie sur la base d’un avis pluridisciplinaire et des référentiels validés et régulièrement actualisés”. La mise en œuvre de la pluridisciplinarité est essentielle en cancérologie. Le Plan cancer a fait, pour cette raison, de ce mode d’organisation médicale l’un de ses objectifs prioritaires. L’avis issu de la RCP doit permettre au patient de participer à la décision thérapeutique. La concertation pluridisciplinaire et l’organisation qu’elle implique sont définies à l’annexe II. Cette stratégie thérapeutique doit se fonder sur des recommandations de pratique clinique, dont l’élaboration et la mise à jour sont assurées au niveau national par l’Institut national du cancer (INCa), en coordination avec les programmes européens ou internationaux et les sociétés savantes concernées. À partir de ces recommandations nationales, les réseaux régionaux de cancérologie élaborent des référentiels régionaux. Au niveau local, les établissements de santé et les réseaux de santé en cancérologie, implantés au niveau du territoire, assurent leur mise en œuvre. Le décret no 2007-388 du 21 mars 2007 (4) précise que, pour obtenir l’autorisation d’exercer en cancérologie, il faudra, entre autres, “l’annonce du diagnostic et d’une proposition thérapeutique fondée sur une concertation pluridisciplinaire”. En pratique, il convient de veiller scrupuleusement au respect de cette organisation pour ne pas être critiquable : de simples équipes de service ne sont pas forcément éligibles en tant que RCP ; un quorum compétent doit toujours être présent. La fréquence des réunions doit être suffisante pour ne pas être à l’origine d’un retard de prise en charge préjudiciable aux malades. Faits nouveaux Il convient dans un premier temps de consolider les RCP existantes, mais peut-être aussi d’envisager ensuite une certaine harmonisation entre les différents établissements d’un territoire de santé afin, La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 | 299 OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU Soins de support d’une part, de respecter pleinement les critères de qualité des RCP et, d’autre part, de diminuer les pertes de temps par la participation d’un nombre d’oncologues, qui est limité vu la démographie médicale, à un trop grand nombre de RCP de “spécialités d’organe”. Les obligations réglementaires et la vidéoconférence iront dans ce sens. Un autre problème est l’absence quasi constante du médecin traitant, qui, même informé plusieurs jours à l’avance, ne vient qu’exceptionnellement assister à la discussion du cas de son patient. Si les mutuelles acceptaient d’indemniser ce déplacement, peut-être sur la base d’une visite, cet écueil pourrait éventuellement être en partie résolu. Enfin, les RCP doivent pouvoir répondre à l’obligation d’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), ainsi que cela a été précisé récemment dans un colloque organisé par l’INCa et la Haute autorité de santé (HAS) [5]. Pour cela, la RCP doit être conforme aux critères de qualité réglementaires, tandis que le médecin doit participer régulièrement aux RCP, c’est-à-dire au moins 8 à 10 fois par an, et y présenter de manière exhaustive les nouveaux cas de cancer. Le praticien doit contribuer autant que possible aux adaptations continues des référentiels de pratique et participer à l’évaluation périodique. Enfin, il sera nécessaire d’évaluer les RCP, ce qui doit se faire en association avec les centres de coordination en cancérologie (3C), qui devront obtenir les méthodes et financements adaptés à ce travail. Conclusion La systématisation des RCP est une mesure majeure du Plan cancer, au même titre, par exemple, que la mise en place du dispositif d’annonce. L’existence d’une RCP convenablement organisée est indispensable pour obtenir les futures autorisations d’exercer en cancérologie et représente donc un enjeu majeur pour nombre d’établissements de santé et pour leurs praticiens. L’absence de passage d’un dossier en RCP pourrait être un élément très aggravant en cas de plainte d’un patient. Ces contraintes permettent à terme d’améliorer la qualité des soins et la satisfaction de l’exercice professionnel. La cancérologie est ainsi en avance par rapport à d’autres spécialités, qui ne tarderont certainement pas à adopter ce type de pratiques. Références bibliographiques 1. Holland JF, Frei E, Kufe DW et al. Principles of multidisciplinary management. In Cancer Medicine. Philadelphie : Williams & Wilkins, 1997:1395. 2. Colonna F, Corrias F, Bel Lassen E et al. Les pratiques de la chimiothérapie en Île-deFrance : modalités de prescription et d’administration. Oncologie 2004;6(8):577-81. 3. Circulaire DHOS/SDO no 2005-101 du 22 février 2005 relative à l’organisation des soins en cancérologie. NOR : SANH0530076C. 4. Décret n° 2007-388 du 21 mars 2007 publié au J.O. n° 69 du 22 mars 2007, p. 5298, texte n° 35. 5. Colloque HAS-INCa “EPP en cancérologie, retours d’expériences” le 19 octobre 2007. www.has-sante.fr/portail/jems/c-562994 Élargissement des prescriptions de morphiniques C. Vulser État des lieux L V S R Les opioïdes, ou morphiniques, sont employés comme thérapeutiques antalgiques depuis l’Antiquité, dans toutes les civilisations. Des textes très anciens retrouvent l’utilisation d’opium pour soulager tous types de douleurs. Très longtemps, la morphine et ses dérivés ont été réservés à des douleurs intenses, voire intolérables, le plus souvent de fin de vie. Actuellement, les indications de prescription de ces antalgiques de palier III s’élargissent : d’abord réservée aux patients atteints de cancer ou sortant d’une opération, leur efficacité est maintenant retenue dans le cas de pathologies non cancéreuses, auto-immunes, inflammatoires ou rhumatologiques, mais aussi dans le soulagement de certaines douleurs neurogènes (zona, amputation, etc.). Les règles de prescription des morphiniques sont toutefois à bien connaître et à respecter : ➤ ils sont destinés à soulager d’une douleur modérée à intense ; ➤ il faut procéder à une administration initiale progressive par titration, que ce soit par voie orale ou intraveineuse ; ➤ en l’absence de dose limite lors de cette titration, on recherche une dose qui soulage tout en surveillant l’apparition d’effets indésirables ; ➤ la dose doit être ajustée en cas d’insuffisance rénale, respiratoire ou hépatique ; ➤ on préférera l’administration orale, et l’on essayera dans tous les cas de n’utiliser qu’une seule voie d’administration (sauf transdermique pour le traitement de fond et oral ou intraveineux pour les pics douloureux, ou en période d’ajustement des doses) ; ➤ on associera des produits de longue durée d’action (LP) – 12 h, 24 h ou 3 j – pour le traitement de fond et des produits à libération immédiate (LI) – 4 h – pour les accès douloureux, avec des doses de LI égales au sixième de la dose LP journalière ; ➤ les morphiniques agonistes de palier III sont compatibles entre eux : chacune des formes LI peut être prescrite avec chacune des formes LP ; ➤ les produits de palier II sont compatibles avec ceux du palier III agonistes (morphine et dérivés), mais pas avec les antagonistes (buprénorphine et nalbuphine) ; ➤ en cas de tolérance, d’intolérance ou d’accoutumance à l’un des morphiniques, la rotation d’opioïde, grâce aux équivalences analgésiques, peut permettre de récupérer un meilleur effet antalgique, avec moins d’effets indésirables (tableau, p. 302). S 300 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011