La Lettre du Cancérologue Vol. XX - n° 4 - avril 2011 | 299
OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
PROFESSIONNEL CONTINU
modérément émétisantes (protocoles anthracyclines/cyclophos-
phamide, mais également autres molécules comme carboplatine,
oxaliplatine, irinotécan).
Règles de prise en charge des nausées
et vomissements chimio-induits
Il importe de :
prescrire d’emblée le traitement le plus effi cace possible ;
suivre les recommandations internationales ;
tenir compte à la fois du protocole de chimiothérapie mais aussi,
et surtout, du patient (terrain, antécédents, etc.) : par exemple,
une patiente recevant une chimiothérapie par anthracycline et
cyclophosphamide adjuvante pour un cancer du sein doit être
considérée (selon les recommandations de la MASCC) à haut
risque émétique, bien que cette chimiothérapie soit en principe
moyennement émétisante ;
évaluer régulièrement et systématiquement l’effi cacité des
traitements antiémétiques ;
prendre en compte non seulement les N/V aigus, mais aussi
les N/V retardés ou anticipés.
Pour en savoir plus
Durand JP, Madelaine I, Scotté F. Recommandations pour la prévention et le traitement
des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie. Bull Cancer 2009;96(10):
951-60.
Réunion de concertation
pluridisciplinaire
D. Mayeur, D. Billard, S. Ghez, F. Merabet, S. Rigaudeau,
J.F. Geay, C. Abraham, S. Castaigne
État des lieux
Les patients atteints de cancer et la société en général aimeraient
penser que toute la communauté médicale, paramédicale et
scientifique travaille en coopération pour résoudre tous les
problèmes de chaque malade cancéreux. Ils acceptent mal les
batailles de terrain, les difficultés liées aux egos professionnels
et aux animosités personnelles. Heureusement, l’énergie investie
dans ces pratiques contre-productives est faible comparée à
celle dépensée par les professionnels qui exercent leur métier
avec dévouement, fierté, cherchant constamment la meilleure
solution à chaque cas individuel et restant humbles face à
leurs patients. Ceux-ci pratiquent la pluridisciplinarité naturel-
lement (1). Cette attitude, déjà ancienne en cancérologie, a
largement été soutenue et pratiquée, en particulier dans les
centres de lutte contre le cancer mais aussi dans d’autres
établissements. Cependant, cette pratique était encore souvent
inexistante en 2002. Ainsi, une enquête portant sur la pratique
des chimiothérapies en Île-de-France n’a retrouvé trace d’une
réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) que dans 57 %
des cas, la proportion étant plus élevée dans les établissements
assurant une mission d’enseignement et de formation (2). Il est
donc apparu nécessaire de formaliser et rendre obligatoire cette
approche multidisciplinaire.
Bases réglementaires
En 2003, le Plan cancer prévoit, par sa mesure 31, de “faire
bénéfi cier 100 % des nouveaux patients atteints de cancer d’une
concertation pluridisciplinaire autour de leur dossier” et desynthé-
tiser le parcours thérapeutique prévisionnel issu de cette concer-
tation sous la forme d’un ‘programme personnalisé de soins’ remis
au patient”.
La circulaire DHOS/SDO n
o
2005-101 du 22 février 2005 (3) précise
cette organisation, en particulier dans son annexe II : “une stratégie
de traitement défi nie sur la base d’un avis pluridisciplinaire et des
référentiels validés et régulièrement actualisés”.
La mise en œuvre de la pluridisciplinarité est essentielle en cancéro-
logie. Le Plan cancer a fait, pour cette raison, de ce mode d’organi-
sation médicale l’un de ses objectifs prioritaires. Lavis issu de la RCP
doit permettre au patient de participer à la décision thérapeutique.
La concertation pluridisciplinaire et l’organisation qu’elle implique
sont défi nies à l’annexe II.
Cette stratégie thérapeutique doit se fonder sur des recommanda-
tions de pratique clinique, dont l’élaboration et la mise à jour sont
assurées au niveau national par l’Institut national du cancer (INCa),
en coordination avec les programmes européens ou internationaux
et les sociétés savantes concernées. À partir de ces recommanda-
tions nationales, les réseaux régionaux de cancérologie élaborent
des référentiels régionaux. Au niveau local, les établissements de
santé et les réseaux de santé en cancérologie, implantés au niveau
du territoire, assurent leur mise en œuvre.
Le décret n
o
2007-388 du 21 mars 2007 (4) précise que, pour
obtenir l’autorisation d’exercer en cancérologie, il faudra, entre
autres, “l’annonce du diagnostic et d’une proposition thérapeu-
tique fondée sur une concertation pluridisciplinaire”. En pratique,
il convient de veiller scrupuleusement au respect de cette organi-
sation pour ne pas être critiquable : de simples équipes de service
ne sont pas forcément éligibles en tant que RCP ; un quorum
compétent doit toujours être présent. La fréquence des réunions
doit être suffi sante pour ne pas être à l’origine d’un retard de prise
en charge préjudiciable aux malades.
Faits nouveaux
Il convient dans un premier temps de consolider les RCP existantes,
mais peut-être aussi d’envisager ensuite une certaine harmonisation
entre les différents établissements d’un territoire de santé afi n,
300 | La Lettre du Cancérologue Vol. XX - n° 4 - avril 2011
Soins de support
OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
PROFESSIONNEL CONTINU
d’une part, de respecter pleinement les critères de qualité des RCP
et, d’autre part, de diminuer les pertes de temps par la partici-
pation d’un nombre d’oncologues, qui est limité vu la démographie
médicale, à un trop grand nombre de RCP de “spécialités d’organe”.
Les obligations réglementaires et la vidéoconférence iront dans
ce sens.
Un autre problème est l’absence quasi constante du médecin
traitant, qui, même informé plusieurs jours à l’avance, ne vient
qu’exceptionnellement assister à la discussion du cas de son
patient. Si les mutuelles acceptaient d’indemniser ce déplacement,
peut-être sur la base d’une visite, cet écueil pourrait éventuellement
être en partie résolu.
Enfi n, les RCP doivent pouvoir répondre à l’obligation d’évaluation
des pratiques professionnelles (EPP), ainsi que cela a été précisé
récemment dans un colloque organisé par l’INCa et la Haute
autorité de santé (HAS) [5]. Pour cela, la RCP doit être conforme
aux critères de qualité réglementaires, tandis que le médecin doit
participer régulièrement aux RCP, c’est-à-dire au moins 8 à 10 fois
par an, et y présenter de manière exhaustive les nouveaux cas
de cancer. Le praticien doit contribuer autant que possible aux
adaptations continues des référentiels de pratique et participer à
l’évaluation périodique.
Enfi n, il sera nécessaire d’évaluer les RCP, ce qui doit se faire en
association avec les centres de coordination en cancérologie (3C),
qui devront obtenir les méthodes et fi nancements adaptés à ce
travail.
Conclusion
La systématisation des RCP est une mesure majeure du Plan cancer,
au même titre, par exemple, que la mise en place du dispositif
d’annonce.
Lexistence d’une RCP convenablement organisée est indispensable
pour obtenir les futures autorisations d’exercer en cancérologie et
représente donc un enjeu majeur pour nombre d’établissements
de santé et pour leurs praticiens.
L’absence de passage d’un dossier en RCP pourrait être un élément
très aggravant en cas de plainte d’un patient. Ces contraintes
permettent à terme d’améliorer la qualité des soins et la satis-
faction de l’exercice professionnel.
La cancérologie est ainsi en avance par rapport à d’autres spécialités,
qui ne tarderont certainement pas à adopter ce type de pratiques.
Références bibliographiques
1. Holland JF, Frei E, Kufe DW et al. Principles of multidisciplinary management. In Cancer
Medicine. Philadelphie : Williams & Wilkins, 1997:1395.
2. Colonna F, Corrias F, Bel Lassen E et al. Les pratiques de la chimiothérapie en Île-de-
France : modalités de prescription et d’administration. Oncologie 2004;6(8):577-81.
3. Circulaire DHOS/SDO no 2005-101 du 22 février 2005 relative à l’organisation des
soins en cancérologie. NOR : SANH0530076C.
4. Décret n° 2007-388 du 21 mars 2007 publié au J.O. n° 69 du 22 mars 2007, p. 5298,
texte n° 35.
5. Colloque HAS-INCa “EPP en cancérologie, retours d’expériences” le 19 octobre 2007.
www.has-sante.fr/portail/jems/c-562994
Élargissement
des prescriptions
de morphiniques
C. Vulser
État des lieux
Les opioïdes, ou morphiniques, sont employés comme théra-
peutiques antalgiques depuis l’Antiquité, dans toutes les civilisa-
tions. Des textes très anciens retrouvent l’utilisation d’opium pour
soulager tous types de douleurs. Très longtemps, la morphine et ses
dérivés ont été réservés à des douleurs intenses, voire intolérables,
le plus souvent de fi n de vie.
Actuellement, les indications de prescription de ces antal-
giques de palier III s’élargissent : d’abord réservée aux patients
atteints de cancer ou sortant d’une opération, leur efficacité est
maintenant retenue dans le cas de pathologies non cancéreuses,
auto-immunes, inflammatoires ou rhumatologiques, mais aussi
dans le soulagement de certaines douleurs neurogènes (zona,
amputation, etc.).
Les règles de prescription des morphiniques sont toutefois à bien
connaître et à respecter :
ils sont destinés à soulager d’une douleur modérée à
intense ;
il faut procéder à une administration initiale progressive par
titration, que ce soit par voie orale ou intraveineuse ;
en l’absence de dose limite lors de cette titration, on recherche
une dose qui soulage tout en surveillant l’apparition d’effets indési-
rables ;
la dose doit être ajustée en cas d’insuffi sance rénale, respira-
toire ou hépatique ;
on préférera l’administration orale, et l’on essayera dans tous
les cas de n’utiliser qu’une seule voie d’administration (sauf trans-
dermique pour le traitement de fond et oral ou intraveineux pour
les pics douloureux, ou en période d’ajustement des doses) ;
on associera des produits de longue durée d’action (LP) – 12 h,
24 h ou 3 j – pour le traitement de fond et des produits à libération
immédiate (LI) – 4 h – pour les accès douloureux, avec des doses
de LI égales au sixième de la dose LP journalière ;
les morphiniques agonistes de palier III sont compatibles entre
eux : chacune des formes LI peut être prescrite avec chacune des
formes LP ;
les produits de palier II sont compatibles avec ceux du palier III
agonistes (morphine et dérivés), mais pas avec les antagonistes
(buprénorphine et nalbuphine) ;
en cas de tolérance, d’intolérance ou d’accoutumance à l’un
des morphiniques, la rotation d’opioïde, grâce aux équivalences
analgésiques, peut permettre de récupérer un meilleur effet antal-
gique, avec moins d’effets indésirables (tableau, p. 302).
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