dossier 4. Les différentes techniques pour apaiser la douleur Des armes aussi diversifiées que surprenantes Pour combattre la souffrance des patients, les soignants déploient des stra- tégies variées et parfois inattendues. Visite guidée au CHUV, entre hypnose, Texte Daniel Saraga/Largeur.com Illustrations Jérémie Mercier/Largeur.com bulles de savon, opiacés et stimulation électrique. La douleur est subjective, et pour la contrer, notre esprit est capable de faire des merveilles. Infirmièrespécialisée aux soins intensifs du CHUV, Maryse Davadant ne s’en prive pas pour soulager les grands brûlés. Elle utilise des techniques d’hypnose et en particulier d’autohypnose pour aider ses patients à apprivoiser leur douleur et à moins la ressentir. Les résultats sont là: la souffrance perçue diminue, et avec elle les doses de morphine ainsi que la durée d’hospitalisation. Être actif et utiliser ses propres ressources «A l’aide d’auto-hypnose, les patients peuvent agir contre leur douleur au lieu de rester passifs, souligne Maryse Davadant. Ils deviennent acteurs et autonomes.» On est bien loin de l’hypnose de spectacle et d’esprits asservis au contrôle d’un hypnotiseur à barbichette pointue et yeux exorbités. «Je dois souvent dissiper les malentendus lorsque je propose cette technique aux patients. Il ne s’agit ni d’un envoûtement, ni d’une méthode miracle.» L’hypnose permet d’anesthésier totalement un membre pendant quelques instants, mais une telle technique n’est pas utile pour des brûlés qui endurent des douleurs chroniques pendant des semaines. «Les brûlés sont en fait déjà plongés dans un état quasi-hypnotique par la douleur, car celle-ci, très intense, occupe tout leur esprit. Je leur demande de la décrire avec des images, sur lesquelles ils travaillent pour les transformer en des impressions moins douloureuses. En se focalisant xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx sur celles-ci, les patients atteignent un état hypnotique, c’est-à-dire de grande concentration, qui leur permet de diminuer la douleur. Lorsqu’elle atteint un niveau qu’ils jugent confortable, nous arrêtons la séance.» Une bulle de savon contre la douleur Avec les enfants, d’autres méthodes sont employées. «Ils ont une incroyable faculté de concentration, explique Joachim Rappin, infirmier chef de service et responsable du groupe douleur du Département médico-chirurgical de pédiatrie. Nous l’utilisons pour détourner leur attention loin de la douleur. Nous leur demandons par exemple de raconter une histoire avant de leur faire une piqûre ou une suture, ou nous les invitons à faire un jeu qui requiert leur concentration – comme simplement de souffler dans une bulle de savon.» Pour les grandes personnes, ces techniques de «décentration» ne fonctionnent pas bien: elles restent trop suspicieuses devant une telle astuce. Au contraire des enfants, un adulte comprend l’utilité d’une intervention, ou le fait qu’une souffrance sera brève. C’est pourquoi les pédiatres se sont montrés très créatifs dans leur lutte contre la douleur. Ils ont noté par exemple qu’un nourris- xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx son vit moins mal une piqûre s’il tête une solution sucrée – une découverte d’importance pour les prématurés qui doivent subir des prises de sang quotidiennes. «Eviter la souffrance chez l’enfant est crucial. Une fois associée à la douleur, une opération aussi banale qu’une prise de sang restera longtemps gravée dans sa mémoire et il deviendra très réticent aux futurs traitements.» Une autre spécialité des pédiatres est le protoxyde d’azote (mieux connu sous le nom de gaz hilarant) qui présente un effet relaxant et analgésique. Pour éviter la sensation de brûlure créée par l’anesthésique local utilisé lors de suture, des médecins ont développé des gels tels que le LET, plus lents à agir mais moins douloureux. De telles techniques pourraient également être utiles pour les adultes, mais restent malheureusement peu connues en dehors de la pédiatrie. La morphine, toujours l’analgésique le plus puissant Descendant de l’illustre opium, la morphine est redevenue l’une des valeurs sûres dans l’arsenal pharmacologique des médecins. «Pendant longtemps, le corps médical n’osait plus trop l’utiliser par peur de créer une accoutumance, raconte Thierry Buclin, médecin adjoint à la Division de pharmacologie et toxicologie cliniques du CHUV. Mais nous avons compris comment mieux doser et administrer la morphine afin d’écarter les risques d’addiction.» En dehors des situations d’urgence qui nécessitent une intervention rapide, la clé d’une bonne antalgie est de garder l’effet analgésique à un niveau constant, par exemple à l’aide d’une formulation à libération lente. Cela permet d’éviter que le patient ait à nouveau mal une fois l’action dissipée – et que le médecin réagisse ensuite en augmentant la dose, ce qui créé un effet yo-yo inopportun. chuv | magazine 12 4. Les différentes techniques pour apaiser la douleur 13 chuv | magazine dossier