CHUV | MAGAZINE
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Texte Daniel Saraga/Largeur.com
Illustrations Jérémie Mercier/Largeur.com
sur celles-ci, les patients atteignent
un état hypnotique, c’est-à-dire de
grande concentration, qui leur permet
de diminuer la douleur. Lorsqu’elle
atteint un niveau qu’ils jugent confor-
table, nous arrêtons la séance.»
Une bulle de savon
contre la douleur
Avec les enfants, d’autres méthodes
sont employées. «Ils ont une incroya-
ble faculté de concentration, explique
Joachim Rappin, infirmier chef de ser-
vice et responsable du groupe douleur
du Département médico-chirurgical de
pédiatrie. Nous l’utilisons pour détour-
ner leur attention loin de la douleur.
Nous leur demandons par exemple
de raconter une histoire avant de
leur faire une piqûre ou une suture,
ou nous les invitons à faire un jeu
qui requiert leur concentration –
comme simplement de souer dans
une bulle de savon.» Pour les gran-
des personnes, ces techniques de
«décentration» ne fonctionnent pas
bien: elles restent trop suspicieuses
devant une telle astuce.
Au contraire des enfants, un adulte
comprend l’utilité d’une interven-
tion, ou le fait qu’une sourance
sera brève. C’est pourquoi les pédia-
tres se sont montrés très créatifs
dans leur lutte contre la douleur. Ils
ont noté par exemple qu’un nourris-
son vit moins mal une piqûre s’il tête
une solution sucrée – une découverte
d’importance pour les prématurés qui
doivent subir des prises de sang quo-
tidiennes. «Eviter la sourance chez
l’enfant est crucial. Une fois asso-
ciée à la douleur, une opération aussi
banale qu’une prise de sang restera
longtemps gravée dans sa mémoire et
il deviendra très réticent aux futurs
traitements.»
Une autre spécialité des pédiatres
est le protoxyde d’azote (mieux connu
sous le nom de gaz hilarant) qui
présente un eet relaxant et anal-
gésique. Pour éviter la sensation de
brûlure créée par l’anesthésique local
utilisé lors de suture, des médecins
ont développé des gels tels que le
LET, plus lents à agir mais moins
douloureux. De telles techniques
pourraient également être utiles
pour les adultes, mais restent mal-
heureusement peu connues en
dehors de la pédiatrie.
La morphine, toujours
l’analgésique le plus puissant
Descendant de l’illustre opium, la
morphine est redevenue l’une des
valeurs sûres dans l’arsenal pharma-
cologique des médecins. «Pendant
longtemps, le corps médical n’osait
plus trop l’utiliser par peur de créer
une accoutumance, raconte ierry
Buclin, médecin adjoint à la Division
de pharmacologie et toxicologie clini-
ques du CHUV. Mais nous avons com-
pris comment mieux doser et admi-
nistrer la morphine afin d’écarter
les risques d’addiction.»
En dehors des situations d’urgence
qui nécessitent une intervention
rapide, la clé d’une bonne antalgie
est de garder l’eet analgésique à un
niveau constant, par exemple à l’aide
d’une formulation à libération lente.
Cela permet d’éviter que le patient
ait à nouveau mal une fois l’action
dissipée – et que le médecin réagisse
ensuite en augmentant la dose, ce
qui créé un eet yo-yo inopportun.
Des armes aussi diversifiées
que surprenantes
Pour combattre la sourance des patients, les soignants déploient des stra-
tégies variées et parfois inattendues. Visite guidée au CHUV, entre hypnose,
bulles de savon, opiacés et stimulation électrique.
La douleur est subjective, et pour
la contrer, notre esprit est capable
de faire des merveilles. Infirmière-
spécialisée aux soins intensifs du
CHUV, Maryse Davadant ne s’en
prive pas pour soulager les grands
brûlés. Elle utilise des techniques
d’hypnose et en particulier d’auto-
hypnose pour aider ses patients à
apprivoiser leur douleur et à moins
la ressentir. Les résultats sont là: la
sourance perçue diminue, et avec
elle les doses de morphine ainsi que
la durée d’hospitalisation.
Être actif et utiliser
ses propres ressources
«A l’aide d’auto-hypnose, les patients
peuvent agir contre leur douleur
au lieu de rester passifs, souligne
Maryse Davadant. Ils deviennent
acteurs et autonomes.» On est bien
loin de l’hypnose de spectacle et d’es-
prits asservis au contrôle d’un hypno-
tiseur à barbichette pointue et yeux
exorbités. «Je dois souvent dissiper les
malentendus lorsque je propose cette
technique aux patients. Il ne s’agit
ni d’un envoûtement, ni d’une
méthode miracle.» L’hypnose permet
d’anesthésier totalement un membre
pendant quelques instants, mais une
telle technique n’est pas utile pour
des brûlés qui endurent des douleurs
chroniques pendant des semaines.
«Les brûlés sont en fait déjà plongés
dans un état quasi-hypnotique par
la douleur, car celle-ci, très intense,
occupe tout leur esprit. Je leur
demande de la décrire avec des ima-
ges, sur lesquelles ils travaillent pour
les transformer en des impressions
moins douloureuses. En se focalisant
4. Les différentes techniques pour apaiser la douleur
dossier dossier
4. Les différentes techniques pour apaiser la douleur
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