La lettre du neurologue - n° 3 - vol. V - mars 2001 115
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convulsions très fréquentes et le syndrome
méningé habituel pouvant même s’ac-
compagner d’une raideur à type d’opis-
thotonos et de rigidité de décérébration
avec mouvements anormaux des
membres ; des paralysies avec hémiplé-
gie et quadriplégie peuvent s’observer ;
les troubles de la conscience sont bien
entendu toujours très intenses. La mor-
talité est élevée pouvant atteindre 25 à
50 % des cas et parmi les guérisons, un
patient sur deux conservera des
séquelles psychiques accompagnées d’un
syndrome extrapyramidal. À l’examen du
liquide céphalorachidien, il existe une
pléïocytose atteignant en moyenne 100
à 200 cellules à type de lymphocytes,
une élévation correspondante des
protéines avec un taux de sucre normal.
Les modifications électroencéphalogra-
phiques, toujours présentes, n’ont rien
de caractéristique.
En définitive, le diagnostic est celui d’un
tableau encéphalitique grave qui ne
peut être rattaché à sa cause que par les
examens sérologiques, en particulier la
PCR et la détection d’anticorps spéci-
fiques IgM ; la découverte au scanner
d’hypodensité de part et d’autre du troi-
sième ventricule, en particulier dans les
thalamus, est de même une image assez
caractéristique.
Il n’existe aucun traitement spécifique
de cette encéphalite à arbovirus. Seul un
traitement symptomatique peut être
proposé. Il n’existe pas de contamination
interindividuelle, ce qui ne demande pas
de protection particulière. La vaccina-
tion, quoique efficace, est rarement
conseillée aux touristes car elle nécessite
trois injections avec un rappel un an
plus tard, et cette efficacité ne persiste
que deux ans ; elle devrait, par contre,
être obligatoire pour des séjours pro-
longés chez des individus appelés à se
déplacer à l’intérieur des pays mais n’est
disponible que sous ATU.
•La fièvre de Lassa peut être évoquée,
au retour d’Afrique de l’Ouest, chez un
patient ayant un tableau clinique d’encé-
phalite aiguë non caractéristique (5).
L’infestation est aussi la conséquence
d’une piqûre par un moustique ; des ron-
geurs jouent le rôle de réservoir du virus.
Le diagnostic doit être évoqué et repose
sur la mise en évidence d’anticorps
caractéristiques (IgG et IgM dans le
sérum et dans le liquide céphalorachi-
dien). Le traitement est purement symp-
tomatique.
•La dengue est une arbovirose très
répandue, mais qui heureusement est
habituellement bénigne. Transmise par
un moustique du genre Aedes, elle sévit
d’une manière endémo-épidémique dans
la zone intertropicale, tout particulière-
ment en Amérique latine, dans les
Caraïbes, dans le Sud-Est asiatique, en
Océanie (Fidji, Nouvelle-Calédonie,
Polynésie française) ; c’est dire que ce
diagnostic doit être évoqué fréquemment
en raison de sa vaste diffusion ; mais
heureusement, cette affection est le plus
souvent bénigne, déterminant un syndro-
me pseudo-grippal particulièrement
intense qui peut conduire à l’examen
neurologique (environ 3 à 4 % des cas)
en raison de céphalées et de quelques
troubles psychiques et de l’éveil, mais le
liquide céphalorachidien est habituelle-
ment normal. Il peut exister des neuro-
pathies diverses et exceptionnellement
des myélites transverses accompagnant
ou non les manifestations encépha-
liques. Il existe malheureusement des
formes hémorragiques, graves car sou-
vent mortelles, rentrant dans le cadre des
fièvres hémorragiques d’Extrême-Orient ;
le diagnostic de ces formes doit être évo-
qué dans les mêmes circonstances anam-
nestiques, mais les signes sont nette-
ment plus graves avec agitation, convul-
sions, coma ; le diagnostic repose sur
l’existence d’un purpura pétéchial ecchy-
motique accompagné d’hémorragies des
muqueuses et d’hémorragies digestives ;
le liquide céphalorachidien n’est habi-
tuellement pas altéré, la maladie étant
surtout une maladie générale avec encé-
phalopathie et non encéphalite (4).
•La fièvre jaune est de même transmi-
se par des moustiques ; elle est excep-
tionnelle au retour d’un pays tropical en
raison des vaccinations obligatoires.
Cette vaccination est efficace pendant
10 ans ; au moindre doute, il faut s’as-
surer qu’elle ait réellement été réalisée
avant un voyage en Afrique noire ou en
Amérique du Sud, même si le séjour a
été uniquement urbain.
L’affection survient au cours des 10 jours
suivant l’inoculation du virus amaril par
un Aedes. Le début est d’une grande bru-
talité qui terrasse littéralement le patient
avec angoisse, agitation, délire, faciès
vultueux, rapidement accompagnés d’un
ictère et d’une atteinte rénale. Le décès
est fréquent dans un état de choc vers le
dixième jour de l’affection, mais à côté de
ces formes suraiguës, il existe heureuse-
ment des formes plus frustres pouvant faire
méconnaître le diagnostic. L’intensité de
ce tableau infectieux et les signes d’ac-
compagnement conduisent toujours à un
examen neurologique mais il ne s’agit pas,
à proprement parler d’une véritable encé-
phalite mais plutôt d’une encéphalo-
pathie, le liquide céphalo-rachidien
demeurant habituellement normal.
•D’autres affections virales semblables
aux précédentes, et heureusement rares,
doivent être systématiquement évoquées
au même titre que les précédentes. En
effet, de nombreux autres virus transmis
par des arthropodes (phlebotome, mous-
tique, tique) sont en effet à l’origine de
syndromes encéphalitiques ou encéphalo-
pathiques ; la différence entre ces deux
syndromes est anatomopathologique ;
seule la pléïocytose dans le liquide cépha-
lorachidien permet de différencier ces
syndromes. Parmi ces états encéphali-
tiques, citons les encéphalites équines au
retour d’Amérique latine, les fièvres à
tiques plus fréquentes au retour d’un pays
de l’Est européen mais plus rares au retour
d’un pays tropical. Une mention particu-
lière est la maladie à virus Ebola, observée
en Afrique noire (Zaïre, République du
Congo, Kenya, Éthiopie, Nigéria) ; cette
affection est heureusement rare, car parti-
culièrement grave et très contagieuse en
raison d’une contamination interhumaine.
Cette maladie générale peut conduire à un
examen neurologique en raison de l’inten-
sité des troubles de la conscience ; la pré-
sence d’un syndrome hémorragique fait
discuter les autres encéphalites hémorra-
giques. Là encore, il ne s’agit pas, à pro-
prement parler, d’une encéphalite mais
d’un état encéphalopathique.