La Lettre du Cancérologue • Vol. XXI - n° 10 - décembre 2012 | 499
Résumé
Les xénogreffes issues d’échantillons tumoraux humains directement transplantés sur souris immuno-
déficientes reproduisent fidèlement l’importante hétérogénéité des cancers humains, particulièrement
lorsque des panels entiers d’un type tumoral spécifique peuvent être développés. Les procédures d’évaluation
de l’efficacité thérapeutique sont désormais complètement standardisées ; elles permettent facilement
d’étudier l’effet des traitements combinés, particulièrement lorsque des analyses statistiques objectives
sont requises. Enfin, la possibilité de manipulations génétiques ou thérapeutiques ex vivo avant trans-
plantation constitue un argument en faveur de leur utilisation. Ainsi, les modèles de tumeurs primaires
humaines greffées chez la souris constituent un outil utile et intéressant dans l’évaluation pharmacologique
des nouvelles thérapies anticancéreuses.
Mots-clés
Cancers humains
Xénogreffe
Souris
immunodéficientes
Caractérisation
moléculaire
Summary
Xenografts, obtained from
patients tumor samples and
directly transplanted into
immunodeficient mice, accu-
rately reproduce the marked
heterogeneity of human
cancers, particularly when
large panels of a specific tumor
type are available. Procedures
for assessment of therapeutic
efficacy have been well stan-
dardized and readily allow eval-
uation of combined therapies,
particularly for the purposes of
objective biostatistical assess-
ment. Finally, the possibility of
ex-vivo genetic or therapeutic
manipulations before xeno-
transplantation constitutes an
argument in favor of the use
of xenografted models. Hence,
preclinical models of human
cancers constitute a useful tool
that should be used for further
pharmacological assessments.
Keywords
Human cancers
Xenografts
Immunodeficient mice
Molecular characterization
en considération pour définir les marqueurs molé-
culaires pertinents pour lesquels une caractérisation
est nécessaire :
➤
ceux qui jouent un rôle dans l’oncogenèse, préco-
cement ou tardivement ;
➤
ceux qui ont un impact sur le choix des traite-
ments.
Dans ces 2 situations, il convient de noter que les
marqueurs moléculaires évoluent continuellement
avec le progrès des connaissances. Ainsi, afin de créer
des modèles précliniques utiles, il est nécessaire de
définir avec précision la liste des marqueurs molécu-
laires pour chaque type de cancer, et de le faire dans
le cadre d’une étroite collaboration entre cliniciens,
anatomopathologistes et chercheurs.
Les analyses génétiques et génomiques des xéno-
greffes et des tumeurs humaines correspondantes
constituent une autre étape nécessaire de la carac-
térisation initiale des modèles, afin de savoir si les
anomalies présentes dans les tumeurs humaines
sont modifiées au cours du processus de transplan-
tation in vivo et si elles sont maintenues en l’état
au cours des passages successifs chez la souris.
Ce point est particulièrement important lorsque
ces anomalies sont impliquées dans l’oncogenèse
ou qu’elles possèdent en clinique une valeur pronos-
tique. En réalité, très peu d’études ont comparé les
statuts génomiques entre les xénogreffes et les
tumeurs originales des patients. Une telle compa-
raison réalisée dans 4 types de cancers (cancers du
sein, tumeurs gynécologiques, adénocarcinomes
pancréatiques et glioblastomes) a montré que les
2 échantillons (xénogreffes et tumeurs humaines
correspondantes) s’appariaient ensemble, suggé-
rant ainsi une forte stabilité génomique au cours du
processus de transplantation in vivo (2). De même,
dans le cas des mélanomes choroïdiens, sur l’en-
semble des xénogreffes et tumeurs correspondantes
des patients, nous avons observé une concordance
totale du statut du chromosome 3 (8) et des statuts
mutationnels des gènes GNAQ, GNA11 et BAP1
(données personnelles). Si de telles observations ont
été rapportées pour d’autres types tumoraux (2), une
étude a montré que des anomalies additionnelles
pouvaient néanmoins apparaître dans les xéno-
greffes (9). Enfin, beaucoup plus rarement, les profils
d’expression génique ont été comparés, montrant
un degré élevé de conservation de l’expression des
gènes tumoraux, mais également une perte d’expres-
sion des gènes humains liés au stroma (gènes de la
réponse immunitaire, de la matrice extracellulaire,
de l’adhésion cellulaire et de l’angiogenèse) [10, 11].
Reproductibilité collective
des panels de xénogreffes
Du fait des progrès continus réalisés dans les connais-
sances sur les cancers humains et leurs divers sous-
types, l’homogénéité initiale a totalement disparu,
chaque tumeur spécifique d’un organe étant désor-
mais subdivisée en sous-catégories hétérogènes. Des
marqueurs moléculaires, des anomalies génétiques
et des profils d’expression génique sont actuellement
employés pour définir ces nouveaux sous-ensembles
qui nécessitent un diagnostic et une prise en charge
thérapeutique adaptés. Il paraît donc nécessaire
d’établir et de caractériser des panels de modèles
tumoraux qui reproduisent autant que possible
l’ensemble des sous-catégories observées chez les
patients atteints de cancer. De même, la recherche
de marqueurs moléculaires prédictifs de réponse
ou de résistance tumorale nécessite une sélection
objective et non biaisée pour laquelle des panels de
xénogreffes sont particulièrement utiles.
La création d’un panel de xénogreffes tumorales
comportant les diverses sous-catégories bien défi-
nies des cancers humains n’est cependant pas aussi
simple qu’il y paraît, et ce pour 2 raisons princi-
pales :
➤
la “prise tumorale” diffère fortement selon les
sous-groupes histologiques de cancers ; dans notre
expérience, elle est élevée pour les cancers du côlon
et du poumon (> 50 %), intermédiaire pour les
cancers de l’ovaire et les mélanomes uvéaux (35 %),
limitée pour les cancers du sein (9 %) et particulière-
ment faible pour les cancers de la prostate (< 1 %) ;
➤
les tumeurs capables de croître chez la souris
proviennent fréquemment de patients dont le
pronostic est médiocre, tant pour la survie sans réci-
dive que pour la survie globale (3, 8). Dans ce cas, il
peut arriver que les sous-groupes correspondant à