La Lettre du Gynécologue ̐ n° 370 - mars 2012 | 37
MISE AU POINT
de façon consensuelle que les effets des probio-
tiques sont souche-dépendants et, pour une même
espèce, ils ne peuvent être extrapolés d’une souche
à l’autre. Les données in vitro et in vivo disponibles
à ce jour suggèrent que l’utilisation de certaines
souches probiotiques de Lactobacillus, administrées
par voie vaginale, soit une option thérapeutique
potentiellement intéressante pour prévenir les
récidives de CVV (6). Néanmoins, la plupart des
essais cliniques analysés dans une revue systéma-
tique réalisée en 2006 présentaient des problèmes
de méthodologie et ne permettaient pas de tirer
des conclusions définitives. La majorité des études
portait sur de petits effectifs, qu’il s’agisse du nombre
de femmes incluses ou de celles terminant l’étude.
De plus, dans la plupart de ces études, il n’était pas
mentionné si les épisodes de CVVR rapportés avant
la sélection des patientes avaient été confirmés par
des cultures des sécrétions vaginales ou avaient été
simplement autodiagnostiqués par les patientes.
En outre, certaines études ne présentaient pas de
groupe contrôle afin de pouvoir comparer les résul-
tats des femmes recevant des Lactobacillus à ceux
des femmes non traitées ou sous placebo. Enfin,
certaines expérimentations n’étudiaient pas la capa-
cité des probiotiques à prévenir les récidives chez
des femmes qui avaient déjà une CVVR, mais plutôt
l’efficacité de certains probiotiques à prévenir l’appa-
rition d’une CVV chez des femmes à haut risque (HIV
positives ou sous antibiotiques) [6].
Même si les preuves cliniques disponibles pour
soutenir l’utilisation des probiotiques dans la préven-
tion des récidives de CVV sont encore limitées, les
Lactobacillus, notamment L. rhamnosus, L. acido-
philus, L. cristaptus et L. fermentum, sont considérés
comme des agents potentiellement préventifs chez
les femmes avec une fréquence de récidives élevée
(plus de 3 épisodes par an), notamment en cas
d’effets indésirables ou de contre-indications aux
antifongiques, puisque les effets indésirables de ces
probiotiques sont très rares (6, 10).
Intérêt de la présente étude
Le protocole de cette étude satisfaisait à 2 des
critiques méthodologiques évoquées ci-dessus :
– un effectif dûment calculé. Un nombre de sujets
permettait une puissance satisfaisante pour conclure
pertinemment quant à l’efficacité du produit étudié ;
– un groupe contrôle non traité. Il semble important
d’insister sur le fait que cette étude est la première
menée avec des probiotiques sur un effectif de 500
patientes, effectif très supérieur à ceux des études
publiées. Les résultats obtenus, très favorables au
groupe traité par Gynophilus®, sont donc des résultats
pertinents qui permettront de déterminer l’effectif de
patientes nécessaire à la réalisation de futures études
interventionnelles. De tels essais sont des prérequis
indispensables pour élaborer des recommandations
visant à modifier la prise en charge thérapeutique de
la CVVR en pratique courante.
La CVVR est une pathologie connue pour avoir un
impact sur la santé des patientes, leur vie sociale et
leur propre image. Les enquêtes de la qualité de vie
chez les femmes atteintes de CVVR montrent que 33 %
se sentent malades en permanence même avec des
récidives espacées, 79 % rapportent une répercussion
négative sur leur vie sexuelle (crainte de la douleur,
crainte de contaminer le partenaire…), 75 % évoquent
une difficulté à participer à la vie sociale ou profession-
nelle. Cette affection bénigne a aussi des conséquences
sur “l’image de soi” : 24 % ont honte de cette maladie,
36 % sont inquiètes sur les conséquences de l’infection,
71 % se déclarent frustrées. Le manque d’information
sur la genèse des récidives et l’insuffisance des résultats
à long terme des traitements usuels participent à ce
retentissement négatif de la CVVR (3). Dans notre
étude, chez les femmes traitées préventivement par
Gynophilus®, le gain significatif en qualité de vie qui
accompagnait l’amélioration clinique est donc un
résultat particulièrement intéressant.
Bien toléré, Gynophilus® présente un avantage
tout particulier chez les femmes ne tolérant pas
les cures répétées d’ovules imidazolés ou présentant
des nausées et/ou des vomissements avec le flucona-
zole oral. Il n’expose pas au risque d’hépatotoxicité,
complication éventuelle d’un traitement prolongé
par le fluconazole, notamment en cas de problèmes
hépatiques préexistants (10, 11).
Conclusion
Cette étude est la première menée à grande échelle
avec un résultat nettement positif en faveur de
l’utilisation d’un probiotique par voie vaginale pour
prévenir des récidives de CVV. Dans le contexte
actuel où il n’existe pas de traitement conventionnel
connu pour garantir la guérison d’une CVVR, ce type
de probiotique local apparaît comme un traitement
adjuvant très prometteur pour les patientes répon-
dant mal aux traitements antifongiques classiques ou
qui ne les tolèrent pas en cures répétées, et pour celles
préférant s’orienter vers des méthodes thérapeutiques
alternatives plus naturelles et mieux tolérées. ■
Références
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Conflit d’intérêts. J.M. Bohbot
déclare être médecin conseil du
Laboratoire Lyocentre et J.M. Cardot
déclare avoir un contrat de consul-
tant avec le Laboratoire Lyocentre/
Probionov.