Dossier
tmiqu
Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n
o 2 - avril-mai-juin 2009
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L’expérience du Samu de Seine-Saint-
Denis, récemment publiée, mettait en
évidence un respect des délais, puisque
dans ce centre, tous les DDAC ont été
amenés en moins de 155 minutes dans
le centre receveur (2).
Cette procédure a posé peu de problèmes
techniques, mais a soulevé de nombreuses
questions éthiques fondamentales.
En effet, au cours de la procédure, le
médecin urgentiste du Samu passe du
statut de médecin qui tente de sauver la
vie de son patient à celui d’utilisateur
du décès pour le bénéfice d’un autre
individu. Il peut par conséquent, à un
moment donné, se retrouver dans une
situation de conit d’intérêt, opposant le
service rendu à l’individu à celui de la
collectivité (3). Ce point peut soulever,
tant pour l’équipe soignante que pour
les proches du défunt, des interroga-
tions sur la durée sufsante, la qualité
des manœuvres initiales et l’adaptation
des critères de décision d’arrêt des soins
au cas particulier du patient. Cela peut
introduire un doute quant à la volonté de
sauver le patient ou celle de se procurer
les organes (3). En tout état de cause,
ce protocole n’interférait pas avec les
soins prodigués au patient et tout était
mis en œuvre pour le bénéce du patient
victime d’un ACR. Le prélèvement ne
pouvait s’envisager que s’il n’existait
plus de projet thérapeutique et seulement
si le patient était considéré cliniquement
décédé par le médecin responsable des
soins. C’est pourquoi la procédure ne
reposait que sur la volonté du médecin
urgentiste prenant en charge le malade.
En aucun cas, la régulation du Samu ou
l’intervention d’autres médecins hospita-
liers n’inuençaient sa décision. En parti-
culier, la procédure DDAC ne pouvait
pas être anticipée avant la demande
explicite du médecin urgentiste.
Tandis que la mort encéphalique corres-
pond à une dénition autorisant l’arrêt de
la réanimation alors même que les actes
techniques nécessaires à la préservation
des organes en vue d’un prélèvement
se poursuivent, pour la mort par arrêt
cardiaque, la validité du constat est
essentiellement liée à la conviction de
l’inefcacité des manœuvres de réanima-
tion. L’existence de nouvelles méthodes
de réanimation et en particulier l’ECMO
ont permis d’élargir les projets thérapeu-
tiques dans le cadre de l’ACR réfrac-
taire (4). L’ECMO a été proposé comme
thérapeutique d’exception dans la prise
en charge des ACR réfractaires dans
3 études (tableau) [4-6]. Ces études,
sur la prise en charge précoce des ACR
réfractaires par l’ECMO, ont mis en
évidence des taux de survie compris
entre 18 et 48 % avec une moyenne de
25 %. Ce taux contraste avec les résultats
d’une prise en charge classique des ACR
préhospitaliers en France. En effet, la
survie sans séquelle neurologique oscille
entre 1 et 3 % à 1 an avec une moyenne
de 1,4 % pour 6 594 patients en ACR
en milieu préhospitalier dans 3 études
de 1999 à 2008 (7-9). Cette différence
s’explique naturellement par la présence
de critères très sélectifs pour inclure les
patients pour une ECLS à visée théra-
peutique. En particulier, dans l’étude de
M. Massetti et al., il n’y avait qu’une
petite minorité de patients victimes d’un
ACR extra-hospitalier (12 %) [4].
La possibilité d’une assistance circula-
toire provoque donc un changement de
paradigme sur la façon de considérer un
ACR comme réfractaire, puisque l’espoir
de récupérer une activité cérébrale satis-
faisante devient alors l’élément principal
de la décision (1). Alors que le médecin
urgentiste était habitué à développer une
réexion sur un arrêt des soins fondé
sur l’évaluation cardiaque, la constata-
tion de décès ne repose plus que sur une
absence de possibilité de récupération
neurologique a priori. C’est pourquoi
un groupe d’experts a publié des critères
stricts d’éligibilité de patients pour une
technique d’ECMO, ne permettant pas
la possibilité d’une éventuelle dérive
de s’installer. Ces critères pourront être
réévalués à la lumière des premiers résul-
tats en termes de survie sans séquelle
pour la technique d’ECMO lors d’ACR
réfractaires préhospitaliers.
CONCLUSION
L’expérience des Samu démontre la
faisabilité des prélèvements rénaux
sur personnes décédés après un arrêt
cardiaque. Ce type de prélèvement a
permis d’augmenter signicativement
le nombre de greffons fonctionnels. ■
RéféRences
bibliogRaphiques
1. Conseil français de réanimation cardio-
pulmonaire ; Société française d’anesthésie et
de réanimation ; Société française de cardiologie
et al. Guidelines for indications for the use of
extracorporeal life support in refractory cardiac
arrest. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:182-90.
2. Adnet F, Dufau R, Roussin F et al. Feasibility of
out-of-hospital management of non-heart-beating
donors in Seine-Saint-Denis: one year retrospective
study. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:124-9.
3. Guerrier M. Les prélèvements à cœur arrêté :
enjeux éthique. AP-HP espace éthique 2006.
www.espace-ethique.org
Retrouvez l’intégralité des références
bibliographiques sur www.edimark.fr
Tableau. Classication de Maastricht.
Classication de Maastricht
I
Personnes faisant un arrêt cardiaque en dehors de tout contexte de prise en charge médicalisée et pour
lesquelles le prélèvement d’organes ne pourra être envisagé que si la mise en œuvre de gestes de réanimation
de qualité a été réalisée moins de 30 minutes après l’arrêt cardiaque.
II
Personnes faisant un arrêt cardiaque en présence de secours qualiés, aptes à réaliser un massage cardiaque
et une ventilation mécanique ecace, mais dont la réanimation ne permettra pas une récupération de
l’hémodynamique.
III Personnes hospitalisées pour lesquelles une décision d’un arrêt de traitement est prise en raison de leur
pronostic.
IV Personnes décédées en mort encéphalique qui font un arrêt cardiaque irréversible au cours de la prise en
charge de réanimation.