Dossier
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Le Courrier de la Transplantation - Volume IX - n
o 2 - avril-mai-juin 2009
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Transplantation
d’organes
prélevés sur
des donneurs
décédés après
arrêt cardiaque
Coordinateur :
B. Barrou
Prélèvements sur donneurs décédés
après arrêt cardiaque :
l’expérience des urgentistes
Out-of-hospital management of non-heart-
beating donors: emergency physician point of view
F. Adnet*, R. Dufau*, F. Roussin**, F. Lapostolle*
* Urgences, Samu 93, hôpital Avicenne,
Bobigny.
** Département d’anesthésie et de réani-
mation, hôpital Saint-Louis, Paris.
L’
Agence de biomédecine (ABM)
a mis en œuvre, dans le cadre
d’une étude de faisabilité, un
protocole de prélèvement d’organe à
partir de donneurs décédés après arrêt
cardiaque (DDAC). Ce protocole a été
rédigé en 2005 par un comité de pilo-
tage impliquant des professionnels des
secours préhospitaliers, du prélèvement
et de la greffe. Neuf sites hospitaliers ont
été autorisés à démarrer cette activité
après signature d’une convention avec
l’ABM (incluant, pour l’Île-de-France,
les hôpitaux de la Pitié-Salpêtrière,
Saint-Louis et Bicêtre) en collaboration
avec les Samu limitrophes de ces établis-
sements. Samu de France, organisation
représentative de l’ensemble des Samu,
a réuni son comité scienti que et s’est
inscrit dans cette nouvelle activité en
publiant des recommandations.
PROTOCOLE PRÉHOSPITALIER
Critères d’inclusion
Le programme prévoit des critères de
sélection des donneurs stricts et le respect
des délais d’ischémie chaude et froide.
Le protocole incluait tous les patients
entre 18 et 55 ans en arrêt cardio-respira-
toire (ACR) réfractaire et répondant aux
classes I et II de Maastricht (tableau).
L’ACR réfractaire était dé ni par un ACR
ne répondant pas à une animation d’au
moins 30 minutes. Le patient, pour être
proposé dans le protocole de DDAC, ne
devait plus être le sujet de projet théra-
peutique et en particulier, de critères qui
auraient pu le rendre éligible pour une
technique d’assistance ventriculaire à
visée thérapeutique (ECMO). Ces critères
d’éligibilité à l’ECMO comportent une
durée de no- ow inférieure à 5 minutes,
l’existence de signes de vie (ré exes du
tronc cérébral, ventilation spontanée),
une durée de low-flow inférieure à
100 minutes, et une ETCO2 supérieure
à 10 mmHg) [1]. Les ACR d’origine
toxique ou accompagnés d’hypothermie
étaient exclus. Les donneurs potentiels
à risque étaient également exclus (anté-
cédent de maladie rénale, d’HTA, de
diabète ou de cancer). De même, les
ACR après hémorragie importante dans
un contexte de polytraumatisme étaient
exclus. Dans la pratique, tous les poly-
traumatismes associés à un haut transfert
d’énergie étaient exclus. Le temps d’is-
chémie chaude dé nie comme la durée
de l’ACR sans massage cardiaque devait
être inférieur à 30 minutes. Le temps
entre le début de l’ACR et la mise en
place des moyens de préservation rénale
devait être inférieur à 150 minutes.
ACTIVITÉ DEPUIS 2006
Le premier receveur a été grefle
20 novembre 2006 à partir d’un DDAC.
Un bilan à deux ans (2007-2008) a
récemment été présenté par l’ABM.
Deux cents patients ont été recensés,
114 donneurs n’ont pas été prélevés
(57 %). Parmi les 86 donneurs prélevés,
il y a eu 98 reins greffés chez 95 rece-
veurs. Soixante et onze pour cent des
donneurs étaient classés dans la caté-
gorie I de Maastricht. L’âge moyen des
donneurs était de 41 ± 9 ans.
Prélèvements d’organes
Donneurs décédés après arrêt
cardiaque
Samu
Préhospitalier
MOTS-CLÉS
Non-heart-beating donnors
Samu
Prehospital
KEYWORDS
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L’expérience du Samu de Seine-Saint-
Denis, récemment publiée, mettait en
évidence un respect des délais, puisque
dans ce centre, tous les DDAC ont été
amenés en moins de 155 minutes dans
le centre receveur (2).
Cette procédure a posé peu de problèmes
techniques, mais a soulevé de nombreuses
questions éthiques fondamentales.
En effet, au cours de la procédure, le
médecin urgentiste du Samu passe du
statut de médecin qui tente de sauver la
vie de son patient à celui d’utilisateur
du décès pour le bénéfice d’un autre
individu. Il peut par conséquent, à un
moment donné, se retrouver dans une
situation de conit d’intérêt, opposant le
service rendu à l’individu à celui de la
collectivité (3). Ce point peut soulever,
tant pour l’équipe soignante que pour
les proches du défunt, des interroga-
tions sur la durée sufsante, la qualité
des manœuvres initiales et l’adaptation
des critères de décision d’arrêt des soins
au cas particulier du patient. Cela peut
introduire un doute quant à la volonté de
sauver le patient ou celle de se procurer
les organes (3). En tout état de cause,
ce protocole n’interférait pas avec les
soins prodigués au patient et tout était
mis en œuvre pour le bénéce du patient
victime d’un ACR. Le prélèvement ne
pouvait s’envisager que s’il n’existait
plus de projet thérapeutique et seulement
si le patient était considéré cliniquement
décédé par le médecin responsable des
soins. C’est pourquoi la procédure ne
reposait que sur la volonté du médecin
urgentiste prenant en charge le malade.
En aucun cas, la régulation du Samu ou
l’intervention d’autres médecins hospita-
liers n’inuençaient sa décision. En parti-
culier, la procédure DDAC ne pouvait
pas être anticipée avant la demande
explicite du médecin urgentiste.
Tandis que la mort encéphalique corres-
pond à une dénition autorisant l’arrêt de
la réanimation alors même que les actes
techniques nécessaires à la préservation
des organes en vue d’un prélèvement
se poursuivent, pour la mort par arrêt
cardiaque, la validité du constat est
essentiellement liée à la conviction de
l’inefcacité des manœuvres de réanima-
tion. L’existence de nouvelles méthodes
de réanimation et en particulier l’ECMO
ont permis d’élargir les projets thérapeu-
tiques dans le cadre de l’ACR réfrac-
taire (4). L’ECMO a été proposé comme
thérapeutique d’exception dans la prise
en charge des ACR réfractaires dans
3 études (tableau) [4-6]. Ces études,
sur la prise en charge précoce des ACR
réfractaires par l’ECMO, ont mis en
évidence des taux de survie compris
entre 18 et 48 % avec une moyenne de
25 %. Ce taux contraste avec les résultats
d’une prise en charge classique des ACR
préhospitaliers en France. En effet, la
survie sans séquelle neurologique oscille
entre 1 et 3 % à 1 an avec une moyenne
de 1,4 % pour 6 594 patients en ACR
en milieu préhospitalier dans 3 études
de 1999 à 2008 (7-9). Cette différence
s’explique naturellement par la présence
de critères très sélectifs pour inclure les
patients pour une ECLS à visée théra-
peutique. En particulier, dans l’étude de
M. Massetti et al., il n’y avait qu’une
petite minorité de patients victimes d’un
ACR extra-hospitalier (12 %) [4].
La possibilité d’une assistance circula-
toire provoque donc un changement de
paradigme sur la façon de considérer un
ACR comme réfractaire, puisque l’espoir
de récupérer une activité cérébrale satis-
faisante devient alors l’élément principal
de la décision (1). Alors que le médecin
urgentiste était habitué à développer une
réexion sur un arrêt des soins fondé
sur l’évaluation cardiaque, la constata-
tion de décès ne repose plus que sur une
absence de possibilité de récupération
neurologique a priori. C’est pourquoi
un groupe d’experts a publié des critères
stricts d’éligibilité de patients pour une
technique d’ECMO, ne permettant pas
la possibilité d’une éventuelle dérive
de s’installer. Ces critères pourront être
réévalués à la lumière des premiers résul-
tats en termes de survie sans séquelle
pour la technique d’ECMO lors d’ACR
réfractaires préhospitaliers.
CONCLUSION
L’expérience des Samu démontre la
faisabilité des prélèvements rénaux
sur personnes décédés après un arrêt
cardiaque. Ce type de prélèvement a
permis d’augmenter signicativement
le nombre de greffons fonctionnels.
RéféRences
bibliogRaphiques
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pulmonaire ; Société française d’anesthésie et
de réanimation ; Société française de cardiologie
et al. Guidelines for indications for the use of
extracorporeal life support in refractory cardiac
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2. Adnet F, Dufau R, Roussin F et al. Feasibility of
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donors in Seine-Saint-Denis: one year retrospective
study. Ann Fr Anesth Reanim 2009;28:124-9.
3. Guerrier M. Les prélèvements à cœur arrêté :
enjeux éthique. AP-HP espace éthique 2006.
www.espace-ethique.org
Retrouvez l’intégralité des références
bibliographiques sur www.edimark.fr
Tableau. Classication de Maastricht.
Classication de Maastricht
I
Personnes faisant un arrêt cardiaque en dehors de tout contexte de prise en charge médicalisée et pour
lesquelles le prélèvement d’organes ne pourra être envisagé que si la mise en œuvre de gestes de réanimation
de qualité a été réalisée moins de 30 minutes après l’arrêt cardiaque.
II
Personnes faisant un arrêt cardiaque en présence de secours qualiés, aptes à réaliser un massage cardiaque
et une ventilation mécanique ecace, mais dont la réanimation ne permettra pas une récupération de
l’hémodynamique.
III Personnes hospitalisées pour lesquelles une décision d’un arrêt de traitement est prise en raison de leur
pronostic.
IV Personnes décédées en mort encéphalique qui font un arrêt cardiaque irréversible au cours de la prise en
charge de réanimation.
Prélèvements sur “donneurs
décédés après arrêt cardiaque” :
l’expérience des urgentistes
Références bibliographiques, suite de la p. 49
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5. Chen JS, Ko WJ, Yu HY et al. Analysis of the
outcome for patients experiencing myocardial
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refractory to conventional therapies necessitating
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7. Gueugniaud PY, David JS, Chanzy E, Hubert H,
Dubien PY et al. Vasopressin and epinephrine
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8. Gueugniaud PY, Mols P, Goldstein P et al. A
comparison of repeated high doses and repeated
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outside the hospital. European Epinephrine Study
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9. Plaisance P, Adnet F, Vicaut E et al. Benet of
cardiopump as a prehospital advanced cardiac life
support: a randomized multicenter study. Circu-
lation 1997;95:955-61.
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