2009-2010
CHAPITRE IV :
FLUCTUATIONS ET
CRISES
XIXème XXème siècles
Christelle ZENG
ANALYSE ECONOMIQUE
ET HISTORIQUE DES SOCIETES
CONTEMPORAINES
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INTRODUCTION
Fluctuation : irrégularité des évolutions des grandeurs économiques au cours du temps ( Cycle car
les cycles sont des fluctuations régulières.)
Cycle : mouvements alternés ascendants et descendants des grandeurs économiques respectant une
certaines périodicité.
Crise : période de dépression (i.e. lorsque le taux de croissance est négatif) ou de stagnation durable
de l'activité économique. C’est également le point de retournement d’un cycle.
On peut parler de dépression des années 30 car le taux de croissance est négatif pendant 3 années.
Chez les historiens, on parle de dépression pour désigner une période longue de stagnation comme
la dépression des années 1870, qualifiée de Grande Dépression allant de 1873 à 1896. On n'a pas une
approche quantitative, on veut designer le fait que la croissance ne repart pas durant une longue
période.
Récession : taux de croissance négatif sur au moins 2 trimestres consécutifs ou ralentissement de
l'activité économique.
Expansion : taux de croissance positif pendant au moins 2 trimestres ou période de croissance soute-
nue de l’activité économique.
Dans un Kondratieff qui dure environ 50/60 ans, il y a 6/7 Juglar qui contient lui même 3 cycle Kitchin
I) LES CYCLES LONGS DEPUIS LE DEBUT DU XIXEME SIÈCLE
1) Les analyses des cycles longs
Les analyses des cycles longs s'appuient surtout sur des données empiriques. Dans ces analyses la
cause du cycle (i.e. de la récession, dépression, expansion) est une cause endogène, cela est vrai pour
la plupart des analyses. Les enjeux sont importants puisque on a en tête la nécessité de l'intervention
de l'État face aux cycles. Si la cause est endogène, son intervention va être difficile car c'est le sys-
tème économique lui-même qui les produit, il y a un caractère inéluctable des cycles donc il y a aussi
une inefficience totale de l'État.
a) Le progrès technique : l’analyse schumpétérienne
On se pose également la question de savoir si les fluctuations, à défaut de pouvoir parler de cycles,
sont quelque chose de souhaitable ou néfaste. Si c'est souhaitable, alors l’intervention de l’Etat n’est
pas justifiée. Mais comme l'État intervient, cela supposerait qu'elles sont considérées comme né-
fastes.
Les « Business Cycles » expliqués par l’innovation : Pourtant certains analystes considèrent les
fluctuations comme plutôt souhaitables, ceci est explicite chez Schumpeter. Les causes des cycles
longs sont endogènes, le caractère cyclique de l'économie est une caractéristique inéluctable du
capitalisme. L'État ne peut pas intervenir et il n'est pas souhaitable qu'il le fasse. En effet Schumpeter
postule que sans cycle, il n’y a pas de croissance. Il affirme que le progrès technique est à la fois la
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cause de la croissance et du cycle : ces sont deux phénomènes concomitants. Schumpeter est pessi-
miste quant à l'avenir de ce mode de production, il pense à regret que le capitalisme est condamné à
disparaitre car le caractère cyclique risque un jour de disparaitre, donc à ce moment il y aurait
épuisement de la croissance à l'épuisement du progrès technique. La fin du progrès technique
serait due à une concentration des entreprises qui entraîne des phénomènes de bureaucratie, qui
tuent l’innovation, et au développement excessif des institutions qui poussent vers le socialisme dans
sa pire forme.
Les trois ouvrages majeurs de Schumpeter sont :
« Business cycle » 1939
« Théorie de l'évolution économique » 1912
« Capitalisme, socialisme et démocratie » 1942
La dynamique est expliquée par de nouvelles combinaisons des moyens de production i.e. plus ou
moins le progrès technique. Dans ce concept développé dans Théorie de l'évolution économique,
Schumpeter englobe :
La fabrication d'un bien nouveau c'est à dire non familier au cercle du consommateur
L’introduction d'une méthode de production nouvelle
L’ouverture d'un nouveau débouche
La conquête d'une source nouvelle i.e. de matière première ou semi-ouvré
La réalisation d'une nouvelle organisation, non pas au sens du travail, mais du marché qui
connait une nouvelle structure (monopole, oligopole…)
Cette cause du cycle est endogène, c'est un processus à priori continu et infini. A un moment du
cycle, l'innovation est mise en place par l'entrepreneur-innovateur et dispose alors d'un pouvoir de
monopole. Se produit alors le phénomène de grappe d'innovation i.e. que de nouvelles innovations
mineures vont venir accompagner la première innovation. Cependant pour Schumpeter, seules les
innovations majeures permettent d'expliquer les cycles longs même si elles s'accompagnent d'inno-
vations mineures qui découlent de celles-ci et qui sont à l’origine de cycles plus courts.
Les innovations se diffusent dans l'ensemble de l'économie par un processus d'imitation (expliqué
par la concurrence) et au fur et à mesure les autres entreprises effritent la rente de monopole de la
première. Les gains tirés des innovations sont partagés par les entreprises.
Les innovations créent des effets d'entrainement notamment parce qu'elles nécessitent des équi-
pements nouveaux donc de l'investissement, source de croissance. Cela suppose une épargne suffi-
sante qui aurait eu tendance à s'accumuler au cours de la phase B du cycle précédent. Il n'y aurait
donc pas de contrainte financière qui ralentirait l'exploitation des innovations.
La variation des prix connaît une périodicipuisqu'ils varient en même temps que la structure de
marché évolue. En phase d’expansion, les revenus de la consommation augmentent, les prix aug-
mentent (cela s’explique par la loi de l’offre et de la demande) on tend vers la phase A. L’épuisement
de ce processus entraine le passage vers la phase B (essoufflement), le progrès technique va avoir
tendance à ralentir car il n’y a pas d’incitation. De plus lorsque l’on est dans une phase d'expansion,
on ne cherche pas à innover mais à imiter ce qui marché déjà.
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Parallèlement à cela, il y a la destruction créatrice car l'innovation est source d’obsolescence d'an-
ciens produits, anciennes techniques et ainsi, elle est source de chômage, mais dans la phase A les
effets positifs de l'innovation l'emportent sur ses effets négatifs, puis dans la phase B c'est le con-
traire, on rentre dans une crise structurelle assez longue puisqu'elle dure environ (25 ans phase A, 25
ans phase B). Mais c'est en même temps la phase durant laquelle va se former toute l’épargne néces-
saire a l'expansion suivante cela est possible grâce au taux d’intérêt bas ; mais aussi durant laquelle
vont entrer en gestation toutes les nouvelles innovations car il y a une incitation à innover pour re-
trouver du profit. L'innovation ne tombe pas du ciel, la dynamique économique explique pourquoi les
entrepreneurs sont incités à innover à un moment donnée du cycle.
Les néo schumpetériens : L'approche schumpetérienne des cycles a été éclipsée pendant les
Trente Glorieuses, car on était dans l'illusion d'une croissance continue, régulière et ininterrompue.
L'idée qu'il pouvait y avoir une nouvelle rupture n'était pas dominante à l'époque.
Quand la rupture a lieu dans le milieu des années 70, les idées de Schumpeter retrouvent un public
et une certaine cohérence. L'idée que les Trente Glorieuses soient une phase A retrouve une perti-
nence. Il y a un renouveau de l'analyse schumpetérienne avec des auteurs comme Mensch (alle-
mand), Freeman (britannique). Ils vont cependant abandonner la figure des entrepreneurs innova-
teurs qui était une figure clé pour Schumpeter : la grande taille des entreprises apparaît comme un
atout à l’innovation (car l’innovation nécessite des capitaux relativement abondants) mais au-delà
d'un certains point il y a un phénomène de bureaucratie qui tue l'innovation.
Aujourd’hui, les innovations sont produites dans un ensemble complexe d'institutions. En effet, elles
sont produites par des instituts de recherche gérés par l'État, dans le secteur R et D des entreprises.
Le rôle de l'État est variable d'un pays à l'autre, parfois il ne fait que le financer et d'autre fois, il l'or-
ganise.
Les néo-schumpetériens reprennent une idée de Freeman, le paradigme techno-économique, qui
désigne l'ensemble des mutations structurelles qui accompagne la diffusion de l'innovation (organi-
sationnelle, institutionnelle…).
Les cycles Kondratieff expliqués par les innovations
Date des cycles/point de
retournement
Secteurs moteurs
Innovations majeures
K1 (1790-1850) 1815
Textile, sidérurgie, énergie…
Spinning Jenny, Water-
frame, Mule des Crompton,
Puddlage, machine à va-
peur…
K2 (1850-1890) 1873
Sidérurgie, transport…
Convertisseur de Bessmer,
locomotive…
K3 (1890-1940) 1913
Électricité, pétrole, chimie,
automobile
Découverte du pétrole,
génératrice à courant conti-
nue, ampoule a filament,
celluloïd, bakélite, moteur a
explosion, moteur diesel…
K4 (1940-1990) 1973
Automobile, électroména-
ger, aéronautique
Télévision, réfrigérateur,
avion…
K5 (1990-????) ????
NTIC, biotechnologie, nano-
technologie…
microprocesseur, arpanet,
OGM…
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b) Les autres analyses des cycles longs
L'analyse de Schumpeter domine mais il ya beaucoup d'autres auteurs qui ont proposé leur analyses
qui mettent en exergue d'autre cause que l’innovation pour expliquer les cycles.
L’intensité de l’épargne et l’accumulation du capital comme source des « grandes vagues de la
conjoncture » : Les marxistes, intéressés par la mort du système capitaliste, ont voulu essayer de
prévoir sa mort en cherchant à repérer la baisse tendancielle du taux de profit. En réalisant la re-
quête de Lénine, Kondratieff (1892-1938) a mit en avant des cycles longs, et non pas une baisse du
taux de profit sur le LT, ce qui ne correspondait pas aux espoirs de ses clients.
Il étudie le cas de la France, l’Angleterre, les Etats-Unis et l’Allemagne et propose une analyse qui
repose sur l'épargne et l'investissement. Les cycles dépendraient de ces variables. Il a la même ap-
proche que Schumpeter sur l'investissement et ses variations, on investit dans la structure. Le fon-
dement matériel des grands cycles est l'usure, le remplacement et l'extension des biens capitaux
essentiels dont la production exige beaucoup de temps et d’énormes investissements et le rempla-
cement et l'extension du fond de ces biens ne sont pas progressifs et réguliers, ils se font par à coup
qu’expriment les grandes vagues de la conjoncture.
L’or et la monnaie : Les évolutions du stock de la monnaie pourraient être à l’origine des cycles
longs. Cela repose sur des constatations empiriques réalisées par Cassel, et concerne d’abord le
XIXème siècle, période où l’or joue un rôle important dans les transactions car c’est un système
d’étalon d’or. On est dans une économie où la croissance est assez contrainte par le stock d'or. Selon
l’auteur, la concentration du stock d'or varie au cours du temps et coïncide avec les cycles mis en
avant par Kondratieff. Ainsi par exemple en 1848 on a découvert des mines d'or en Australie et en
Californie, début du K2, au Canada et en Afrique du Sud au début des années 1890, début du K3.
La phase A est permise par l’abondance monétaire et s'accompagne d’une hausse des prix. Au fur et
à mesure que les prix augmentent, le pouvoir d’achat de l’or est de plus en plus faible. Par consé-
quent, l'activité qui consiste à rechercher de l’or est de moins en moins rentable donc régresse. On
passe dans la phase B il y a un processus déflationniste lié au ralentissement de la croissance,
donc le pouvoir de l’or ré-augmente, il y a de nouveau un regain d'intérêt pour l’or.
Certains vont tenter de renouveler cette analyse pour prendre en compte le lien qui existe entre la
masse monétaire et le stock d’or, il va avoir tendance à devenir progressivement plus lâche au
XXème siècle. Cette analyse est difficile à tenir à la fin de Bretton Woods. Marjolin va continuer
d’interpréter les cycles longs comme des périodes liées aux évolutions de la masse monétaire.
Les guerres : L'intensité des guerres est en phase avec l'intensité de l'activité économique. Plu-
sieurs auteurs viennent soutenir cette thèse comme Goldstein ou Wagemann. Cela revient à expli-
quer la croissance par le biais de la guerre.
- Les guerres napoléoniennes précèdent la phase B de K1
- La 1ère Guerre Mondiale est un moment de rupture de K3
- La guerre du Vietnam et de Kippour sont des moments de rupture de K4
Les guerres constituent un coût qui s’accompagne forcement de poussées inflationnistes et consti-
tuent parallèlement un gaspillage de ressources et entraînent un déficit budgétaire important, car on
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