
telle demande, alors que rien ne contre-indique l’accouchement
par les voies naturelles, devrait-elle être refusée par le praticien,
compte tenu des risques spécifiques qu’elle présente. Il faut
veiller à ce que le médecin ne devienne pas un prestataire de
services avec un encouragement à la césarienne systématique.
La pratique du médecin gynéco-obstétricien a évolué depuis ces
dernières années. Plutôt que de voir le côté agressif ou procé-
durier des patientes, il faut se tourner vers une nouvelle éthique
de l’information qui contribue au partage des responsabilités
dans un climat de confiance, de clarté et de réciprocité.
LES DROITS DE L’OBSTÉTRICIEN
(P. Madelenat)
Quels sont les droits de l’obstétricien à imposer ou à refuser une
césarienne à une patiente ? L’orateur a distingué plusieurs types
de situation selon la notion d’urgence ou non.
Avant d’envisager les différents “cas cliniques”, il faut rappeler
que la place du fœtus en tant que personne varie d’un pays à
l’autre ; en France, deux affaires de jurisprudence nous amènent
à considérer le fœtus comme un être humain dès le début de la
vie, ce qui n’est pas forcément le cas aux États-Unis.
L’obstétricien peut effectivement convenir du bien-fondé de la
demande de césarienne de convenance compte tenu des risques
périnéaux et des risques de souffrance pernatale lors d’un accou-
chement par les voies naturelles. Malheureusement, l’évaluation
des risques réels d’un accouchement par voie basse varie d’une
maternité à l’autre ou d’une étude à une autre, sans qu’il soit vrai-
ment possible d’obtenir de “vrais chiffres”.
•En dehors du travail, le médecin peut s’appuyer sur deux argu-
ments pour refuser une demande de césarienne de convenance.
Le premier argument est celui de la raison proportionnée, qui
interdit au médecin d’intervenir si la demande de la patiente com-
porte plus de risques prévisibles que de bénéfice escompté. Le
deuxième est celui de la clause de conscience, qui laisse au méde-
cin, hors contexte d’urgence, la possibilité de refuser ses soins
pour des raisons professionnelles ou personnelles.
En Grande-Bretagne, la situation est identique, puisque la patiente
ne peut imposer un acte contre son gré à son médecin. En
revanche, en Italie, la patiente a le choix de son mode d’accou-
chement, et pourrait donc imposer la pratique d’une césarienne
de convenance à son obstétricien. Contre toute attente, le taux de
césariennes de convenance en Italie est faible (seulement 4 %).
Suite à une enquête parmi les femmes obstétriciennes londo-
niennes, qui préconiseraient une césarienne systématique sur un
fœtus unique en présentation céphalique dans 31 % des cas, Pater-
son-Brown considère que l’on doit se plier à la demande de la
patiente compte tenu des risques périnéaux, du risque des gros-
sesses prolongées et de la dystocie perpartum après avoir donné
des explications claires et loyales sur les risques et conséquences
de la césarienne. Cet article a fait l’objet d’une controverse dans le
British Medical Journal ; la majorité des auteurs obstétriciens anglo-
saxons avaient un avis contraire à celui de Paterson-Brown, refu-
sant de pratiquer une césarienne systématique sur une primipare
sans contre-indication à un accouchement par les voies naturelles.
En France, dans une situation où l’accouchement comporte des
risques particuliers et quantifiables (présentation du siège, gros-
sesse gémellaire, macrosomie fœtale), Patrick Madelenat trouve
difficile de ne pas répondre favorablement à la demande de césa-
rienne. Et lorsque la raison de la demande d’accouchement par
voie haute par la patiente est le risque de dégâts périnéaux, il peut
sembler raisonnable d’accepter sa requête lorsque l’on met en
balance ces risques et ceux d’une césarienne programmée.
Lorsque la situation est inverse, à savoir que la patiente refuse la
césarienne avant tout début de travail, le médecin occupe une place
difficile à gérer. Il peut s’aider de l’article 36-2 du Code de déon-
tologie et de l’article 16-3 du Code civil : “Le médecin ne doit accep-
ter le refus de soins qu’après avoir mis en œuvre tous les moyens
de nature à faire prendre au patient la véritable mesure des consé-
quences de son refus”. Il faut donc tenter de fléchir l’avis de sa
patiente, mais le médecin ne peut passer outre son refus, sauf si
l’autonomie de sa patiente se heurte au principe de l’assistance à
personne en péril, soit le fœtus. La jurisprudence n’apporte pas de
réponse franche. Le médecin doit alors trancher entre son obliga-
tion d’intervention sur la personne du fœtus et le respect de la volonté
de sa patiente. Dans ce contexte, il faut opter pour le dialogue direct
avec la patiente. Lorsque celui-ci est bloqué avec le praticien, la
patiente refusant toujours l’intervention malgré les explications, il
faut alors lui conseiller de prendre l’avis médical d’un autre confrère.
•Pendant la période du travail, devant une demande de césa-
rienne par la patiente, les droits de l’obstétricien sont très flous.
On peut supposer que la demande fait suite à un travail difficile
ou à des anomalies du rythme cardiaque fœtal, auquel cas elle ne
fait que précéder la décision de l’obstétricien devant une telle
situation. Mais lorsque la demande ne repose sur aucune justifi-
cation, le médecin se trouve en situation très délicate, et ne peut
défendre sa position que par un dialogue persuasif.
Lors d’un refus de césarienne par la patiente en situation
d’urgence, le médecin peut s’appuyer sur l’article 9 du Code de
déontologie médicale et l’article 223-6 du Code pénal. Il doit agir
pour le bien de son malade sans obligation d’obtenir son consen-
tement puisque, en cas d’urgence, celui-ci disparaît. Le bien-être
du fœtus est également à considérer d’après l’article 16 du Code
civil dans la décision thérapeutique ; en cas de souffrance fœtale
aiguë, il existe une situation de sauvetage d’un être humain (le
fœtus) requérant une césarienne en urgence, sans nécessité d’obte-
nir le consentement maternel.
Cette position n’est pas celle des pays anglo-saxons, où le fœtus
ne constitue pas une base légale pour agir contre le consentement
maternel, d’autant plus que les auteurs anglo-saxons n’agissent
pas contre le gré de leur patiente, même en cas d’urgence. Leur
avis est plus mitigé lorsque l’indication de la césarienne est
materno-fœtale, auquel cas l’obstétricien pourrait forcer la déci-
sion de sa patiente.
En France, nos droits d’obstétriciens devant un refus de césa-
rienne en urgence ou devant une demande de césarienne de conve-
nance sont clairement établis par le Code de déontologie médi-
cale ou par le Code pénal. La patiente ne peut contraindre son
praticien à une césarienne de convenance. Cependant, devant cer-
tains arguments (macrosomie fœtale, présentation du siège, gros-
sesse gémellaire, risque de dégâts périnéaux), il revient à chacun
de répondre selon sa conscience médicale.
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GYNÉCOLOGIE ET SOCIÉTÉ
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La Lettre du Gynécologue - n° 252 - mai 2000